En poste depuis janvier 2019, le chef du gouvernement a jusqu’ici survécu à la lutte des clans qui agite le marigot politique dans l’optique de la succession de Paul Biya. Réservé, Joseph Dion Ngute tente de se positionner au-dessus de la mêlée, tout en mesurant discrètement ses atouts.
Selon les informations rapportées par Jeune Afrique, lors d’un de leurs séjours à Yaoundé, Joseph Dion Ngute avait accepté de recevoir des journalistes. À l’étage de son bureau de la primature du Cameroun, ils avaient patienté plusieurs heures avant de voir la porte s’ouvrir sur l’homme aux fines lunettes avec qui ils espéraient s’entretenir. Espoir déçu : après un échange d’amabilités, le Premier ministre leur avait expliqué qu’il ne souhaitait pas entamer de discussions et les avait poliment congédiés.
L’homme est prudent. Il veille à ne pas afficher d’ambitions dans le contexte politique d’un pays obnubilé par la potentielle succession du chef de l’État, Paul Biya. Au bureau à 7h45 du matin, de retour chez lui généralement douze heures plus tard, il fait le pari qu’un travail acharné sera, si une occasion se présente, le meilleur de ses atouts. Mais il ne serait pas le seul.
Ancien patron de l’École nationale d’administration et de magistrature, cet anglophone sawa du Sud-Ouest a occupé le ministère en charge du Commonwealth de 1997 à 2018, avant un passage comme ministre chargé de mission à la présidence, puis son accession à la primature un an plus tard. Depuis, il soigne ses réseaux, a tenté, en vain, de trouver une solution au conflit dans les régions anglophones du pays, et se plaît, surtout, à déjouer les pronostics de remaniement.
Au palais présidentiel d’Etoudi, Joseph Dion Ngute a quelques solides alliés, parmi lesquels le ministre Paul Mingo Ghogomu et Georges Ewane. Longtemps journaliste à la CRTV, la radio-télévision nationale, cet anglophone a été nommé conseiller technique à la présidence grâce au soutien de l’ancien patron de l’Enam. Il est l’un des fidèles du Premier ministre.
Ce dernier entretient également de bons rapports avec le directeur de cabinet de Paul Biya, Samuel Mvondo Ayolo, ainsi qu’avec Chantal Biya. L’épouse de Joseph Dion Ngute, Grâce Dion Ngute, occupe d’ailleurs le poste de coordinatrice générale du Cercle des Amis du Cameroun (Cerac), une association fondée par la première dame et dont font également partie des femmes puissantes telles que Nathalie Moudiki, épouse d’Adolphe Moudiki, patron de la Société nationale des hydrocarbures, ou Fadimatou Cavayé, conjointe du président de l’Assemblée nationale Cavayé Yeguié Djibril.
Les relations de Joseph Dion Ngute sont en revanche plus compliquées avec le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, lequel est souvent considéré comme un « Premier ministre bis » et a placé plusieurs de ses fidèles au sein du gouvernement. Le Premier ministre veille à ne pas froisser les poids lourds du marigot politique camerounais que sont le ministre de la Justice Laurent Esso ou celui de la Communication René Emmanuel Sadi.
Comme le rapporte Jeune Afrique dans un article exclusif, Joseph Dion Ngute navigue habilement dans les eaux troubles de la politique camerounaise, s'assurant de rester discret tout en consolidant ses alliances stratégiques.