RDPC: comment Roger Milla a sauvé Paul Biy en 1990 [Rétro]

Roger Milla Ok 2018 Le 9 juin 1990, la contestation a gagné le RDPC

Mon, 15 Jan 2018 Source: cameroonweb.com

En 2011, la journaliste française Fanny Pigeaud a publié "Au Cameroun de Paul Biya" (éd. Karthala), un livre à charge contre le régime de Paul Biya. Le livre de l’ancienne correspondante de l’AFP et du quotidien Libération avait suscité un vif débat dans les colonnes de la presse locale et étrangère.

Qu’en est-il vraiment? Quelles sont les révélations et les informations de première main révélées par cette journaliste? CameroonWeb vous propose un extrait sur la personnalité de Paul Biya et l'histoire qui entourent son règne de 35 ans.

Extrait

Le 9 juin 1990, la contestation a gagné le RDPC: John Ngu Foncha, ex-Premier ministre du Cameroun britannique, ex-Premier ministre de l’État fédéré du Cameroun occidental et ancien vice-président du Cameroun, a démissionné de son poste de premier vice-président du bureau politique du parti.

Heureusement pour Biya, la Coupe du monde de football, qui se tenait à ce moment-là en Italie, a mis pendant quelques semaines les tensions politiques entre parenthèses, l’équipe nationale des « Lions indomptables » remportant le match d’ouverture face aux tenants du titre, les Argentins menés par la star Diego Maradona. À la même période s’est tenu le sommet France-Afrique à La Baule, qui a aussi joué un rôle important.

« L’aide de la France sera plus tiède envers les régimes autoritaires et plus enthousiastes envers ceux qui franchissent le pas vers la démocratie et le respect des droits de l’homme », y a déclaré le président françaisFrançois Mitterrand.

Biya a entendu le message: il l’a repris le 28 juin devant les militants de son parti réunis pour un congrès, baptisé pour la circonstance « Congrès de la liberté et de la démocratie ». « Le RDPC doit se préparer désormais à une concurrence éventuelle », a-t-il dit.

Le Mondial italien terminé, le climat est cependant redevenu pesant. Le 9 juillet, les avocats ont observé une grève des audiences pour protester contre une proposition de loi visant à réduire les attributions du Conseil de l’ordre. Pour éviter un nouveau scandale, le gouvernement a renoncé à ce projet. Le 10 août, Biya a de nouveau fait preuve de bonne volonté: il a accordé la clémence aux prisonniers politiques.

Black Yondo et ses compagnons ainsi que Djeukam Tchameni, arrêté en 1988, ont été libérés. En novembre, autre avancée importante: l’Assemblée nationale a abrogé l’ordonnance portant répression de la subversion du 12 mars 1962. Un Comité chargé des droits de l’homme a aussi été créé. Le 19 décembre, Biya a promulgué de nouvelles lois sur les libertés, dont une loi sur la « communication sociale », marquant la fin de la censure, et une loi sur la liberté d’association, donnant la possibilité de créer des partis politiques.

Les Camerounais qui souhaitaient voyager n’avaient également plus besoin de solliciter un visa de sortie auprès des autorités. Mais à la fin de l’année un nouveau scandale a éclaté: le 27 décembre, le journal privé Le Messager, installé à Douala, a publié une lettre ouverte, adressée à Biya et écrite par un jeune banquier, Célestin Monga, qui a mis le feu aux poudres :

« Monsieur le Président, comme beaucoup de Camerounais, j’ai été choqué par le ton outrageusement condescendant, paternaliste et prétentieux que vous avez employé à l’Assemblée nationale le 3 décembre pour vous adresser au peuple.

Comment pouvez-vous vous permettre de dire à 11 millions de Camerounais: “Je vous ai amenés à la démocratie...” dans ce pays où tous les jours les droits les plus élémentaires de l’homme sont bafoués, où la majorité des gens n’ont pas de quoi vivre alors qu’une petite poignée d’arrivistes se partage impunément les richesses du pays? De quelle démocratie parlez-vous avec tant d’emphase? (...)

Quel est cet “État de droit” où n’importe quel obscur policier peut se permettre d’enlever qui il veut, sans avoir de comptes à rendre à personne? Êtesvous réellement fier de ce Cameroun où le pouvoir judiciaire est à la botte du pouvoir exécutif? Êtesvous fier en tant que Premier magistrat du pays, de la justice camerounaise actuelle qui condamne en priorité ceux qui n’ont pas su corrompre le tribunal? (...) »

Moins de deux heures après la sortie en kiosque du journal, la police a saisi les stocks mis en vente. « Dans les rues, les crieurs sont séquestrés tandis que les lecteurs se voient arracher des mains leurs exemplaires, sans la moindre explication. Dans la même nuit à Douala, les locaux du journal sont investis par la police qui y reste jusqu’au lendemain; tous les employés sont

interpellés », a raconté plus tard Pius Njawé, le fondateur et directeur du Messager.

Monga a été arrêté au petit matin du 22. « La censure au Cameroun », Peuples Noirs Peuples Africains, n°79, 1991. Njawé a été directeur du Messager jusqu’à sa mort en 2010 dans un accident de voiture aux États-Unis.

Source: cameroonweb.com