A la tête de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) qui suscite en cette fin de règne, convoitises et appétits voraces de certains apparatchiks, l’Administrateur Directeur général qui cumule 30 années de management, doit lutter sauver l’image écornée de ce mastodonte par l’affaire Glencore, mais aussi contribuer à le développer, le rendre prospère, tout en restant un modèle de gouvernance et de rigueur dans la gestion des ressources nationales.
D’un naturel discret, retranché et très effacé de la scène tout comme l’entreprise qu’il dirige depuis trente ans, c’est l’affaire Glencore qui l’a récemment propulsé sous le feu des projecteurs. Accusé il y’a peu d’avoir couvert d’un voile, le scandale impliquant le géant anglo-suisse de l’extraction minière et du négoce de matières premières reconnu coupable devant les juridictions américaines et britanniques notamment pour avoir usé de pots-de-vin pour obtenir des contrats pétroliers dans plusieurs pays dont au Cameroun, l’Administrateur directeur général de la Snh est sorti de son silence pour se réjouir de l’avancée des poursuites contre les acteurs et complices des actes de corruption qui entachent son image. Dans un communiqué signé le 02 août 2024, Adolphe Moudiki rappelait que la Snh a introduit une plainte devant le Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé le 6 novembre 2023 pour identifier les complices camerounais. « L'Administrateur-Directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), le ministre Adolphe Moudiki porte à la connaissance de l'opinion nationale et internationale que les dirigeants et employés de la société Glencore, auteurs des actes de corruption commis au détriment de la Snh, ont été identifiés, et comparaitront devant le Tribunal de Westminster à Londres, le 10 septembre 2024. Cette information, qui vient d'être rendue publique, marque une avancée significative dans la recherche de la vérité dans cette scabreuse affaire. La Snh, qui a introduit une plainte devant le Tribunal criminel spécial (Tcs) le 06 novembre 2023, pour identifier les complices camerounais de ces actes de corruption, est confiante que l'issue de la procédure à Londres permettra l'accélération des enquêtes au niveau du Tcs » , avait écrit l’Adg de cette entreprise qui a pour mission de gérer les intérêts de l'Etat dans le secteur pétrolier et gazier. Rappelant au passage que « les valeurs d'éthique et de transparence ont toujours constitué le socle granitique de la Snh, et rassure l'opinion publique nationale et internationale qu 'elle sera informée, en temps opportun, des évolutions de cette affaire » , pouvaiton lire sur ce communiqué qui survenait après l’annonce des poursuites judiciaires contre les hauts responsables de Glencore en Angleterre.
La justice, mon combat
Deux mois plus tard et précisément le 10 octobre 2024, Adolphe Moudiki en juriste précautionneux, signe à nouveau un communiqué faisant écho à l'audience de mise en état tenue la veille à la Southwark Crown Court de Londres au Royaume-Uni. Cette session a d’ailleurs permis de fixer le calendrier procédural du procès des anciens employés de Glencore, accusés de corruption dans le secteur du négoce pétrolier au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Nigeria. Selon ce planning, le procès est prévu pour juin 2027, repoussant la perspective de l’arrestation de leurs complices locaux. Une occasion que saisit au bond l’Adg de la Snh pour rappeler que l’entreprise qu’il dirige, ayant déposé une plainte devant le Tcs le 6 novembre 2023, attend toujours l’ouverture des auditions au Cameroun. Constatant que l'enquête locale semble au point mort non sans susciter au sein de l’opinion publique nationale et internationale des interrogations et des doutes à n’en point finir quant à l’issue de l’affaire, Adolphe Moudiki tente ainsi de donner un coup de pression aux autorités judiciaires du Cameroun pour une accélération des procédures afin que justice soit rendue sans attendre les résultats des tribunaux britanniques. Toutefois convaincu que l’appareil judiciaire fera son travail en toute transparence et en toute équité, « l’Administrateur Directeur général de la Snh garde confiance que les complices camerounais de ces actes criminels reconnus par Glencore, seront rapidement identifiés et punis conformément aux dispositions pertinentes du Code pénal camerounais » , écrit-il. Pour mémoire, Glencore est accusé d’avoir versé environ 7 milliards de Fcfa en guide de pots-de-vin à des membres du gouvernement, et des responsables de la Snh et de la Sonara sur une période de 11 ans pour obtenir des avantages indus dans ses opérations pétrolières, notamment en matière d'augmentation des cargaisons, de qualité du pétrole et de dates de livraison préférentielles. Beaucoup d’observateurs estiment que Moudiki a démontré par ses dernières sorties dans l’affaire Glencore, qu’il avait l’art de déjouer les pronostics et faire mentir ceux qui soutiennent que la Snh n’est ni plus, ni moins qu’une « caisse de dépenses de souveraineté » .
Leadership rigoureux
Directeur général de la Snh depuis 1993, celui qu’on surnomme « Monsieur Pétrole » , poursuit l’aventure au gouvernail de la Snh, ce mastodonte qui suscite en cette fin de règne, convoitises et appétits voraces de certains apparatchiks. « C’est avec une main de maître qu’il dirige cette entreprise, veillant à la stabilité et à la prospérité de cette entreprise publique stratégique. Sous sa gestion, la Snh n'a jamais été éclaboussée par un scandale, un exploit remarquable dans un secteur aussi complexe que celui des hydrocarbures au Cameroun. Son leadership rigoureux et son souci de la discipline ont fait de la Snh un pilier du secteur pétrolier et gazier, garantissant une paix durable au sein de la structure » , témoigne un de ses collaborateurs comme pour battre en brèche l’argument selon lequel l’homme qu’on présente comme un fidèle de Paul Biya devrait prendre logiquement sa retraite au regard de son âge et de sa longévité à la tête de cette entreprise de souveraineté. Né le 10 décembre 1938 à Yaoundé, Adolphe Moudiki, fils de Bonamouti, un quartier de Douala, a suivi une formation en droit à l’École Nationale d’Administration et de magistrature (Enam), avant d’entamer une brillante carrière de magistrat. Il occupe divers postes au ministère de la Justice avant d'être nommé conseiller technique du Premier ministre Paul Biya en 1975. Ce début marque le lien fort qu’il entretient avec les plus hautes sphères de l’État. En 1982, lorsque Paul Biya devient président, Adolphe Moudiki le suit à la présidence et occupe le poste de directeur du cabinet civil en 1988.