REVALATION : quand Paul Biya joue la stratégie du pourrissement dans la guerre Eto’o-Ngoh Ngoh

Beige Bleu Minimaliste Chic Simple Lecture Vignette Youtube (5) Paul Biya et Samuel Eto'o

Tue, 24 Sep 2024 Source: www.camerounweb.com

Au cœur de l'effervescence footballistique qui anime le Cameroun, une crise profonde oppose le ministère des Sports à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Ce conflit, qui prend des allures de vaudeville avec deux staffs techniques et administratifs concurrents pour une seule équipe nationale, se déroule sous le regard apparemment indifférent du président Paul Biya. Pourtant, cette situation, loin d'être le fruit du hasard, semble s'inscrire dans une stratégie politique bien rodée du chef de l'État camerounais.

Selon l'analyse perspicace de Georges Dougueli dans Jeune Afrique, Paul Biya utiliserait délibérément ces tensions comme un outil de gouvernance sophistiqué. En laissant les conflits s'envenimer, le président se réserve la possibilité d'intervenir au dernier moment, se posant ainsi en homme providentiel capable de résoudre les crises qu'il a lui-même laissées croître. Cette approche machiavélique s'appuie sur une connaissance fine de la société camerounaise et de ses passions.

Le football, véritable religion nationale au Cameroun, joue un rôle central dans cette stratégie. Il sert d'opium du peuple, détournant l'attention des problèmes sociaux et économiques qui minent le pays. Les débats passionnés sur les Lions Indomptables occupent l'espace médiatique, éclipsant les enjeux politiques plus cruciaux. Cette focalisation sur le ballon rond permet à Biya de manœuvrer en coulisses, préparant discrètement sa possible candidature pour l'élection présidentielle de 2025, sans susciter de débat public sur son âge avancé ou la durée exceptionnelle de son règne.

En alimentant les rivalités entre le ministère des Sports et la Fecafoot, Biya maintient également ses opposants potentiels divisés et affaiblis. Cette stratégie de division s'étend au-delà du monde sportif, créant un climat général d'incertitude et de compétition qui renforce paradoxalement sa position de pivot du système.

Le timing de cette crise, à un an de l'élection présidentielle prévue en octobre 2025, n'est pas anodin. Elle pourrait offrir à Biya l'opportunité de se présenter comme le seul capable de rétablir l'ordre, répondant ainsi à une demande populaire de stabilité qu'il aura lui-même suscitée.

Cette mainmise sur l'agenda médiatique permet également d'éclipser d'autres scandales potentiellement plus dommageables pour le régime. Ainsi, les péripéties du football monopolisent l'attention, reléguant au second plan des affaires comme le scandale de corruption impliquant Glencore, qui aurait versé des pots-de-vin à plusieurs hauts responsables de l'État camerounais.

En contrôlant le rythme et l'issue de la crise, Biya réaffirme sa position de décideur ultime dans le pays. Cette démonstration de pouvoir renforce son image d'arbitre suprême, capable de s'élever au-dessus des querelles pour imposer des solutions quand il le juge nécessaire.

Cependant, cette stratégie du pourrissement n'est pas sans risques. Elle fragilise les institutions sportives du pays et pourrait, à terme, affecter les performances de l'équipe nationale, si chère au cœur des Camerounais. De plus, elle entretient un climat de tension permanente qui pourrait, à long terme, éroder la confiance de la population envers ses dirigeants.

Malgré ces risques, la tactique de Biya semble pour l'instant servir ses intérêts politiques. Alors qu'il se prépare discrètement à une possible candidature pour un nouveau mandat, malgré ses 92 ans, le président camerounais continue de jouer sur plusieurs tableaux. Ses récentes apparitions sur la scène internationale, de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris au sommet Chine-Afrique à Pékin, témoignent de sa volonté de se présenter comme un dirigeant actif et incontournable.

Ainsi, le football camerounais devient le théâtre d'un jeu politique plus large, où les passions sportives sont instrumentalisées au profit d'une stratégie de maintien au pouvoir. Cette utilisation du sport comme outil de gouvernance pose des questions profondes sur la nature du pouvoir au Cameroun et sur la capacité de la société à se mobiliser sur des enjeux dépassant le cadre du stade. Reste à voir combien de temps cette situation pourra perdurer sans qu'une résolution ne devienne inévitable, et quelles en seront les conséquences pour l'avenir politique et sportif du pays.

Source: www.camerounweb.com