Jeune Afrique a publié un dossier spécial explorant les relations entre le Cameroun et Israël. L'article met en lumière la position du président camerounais, Paul Biya, au sein d'une coopération historique qui s'est développée entre les deux pays. Dans cet article, nous examinerons en détail les aspects clés de cette relation spéciale.
Un Soutien Inconditionnel Quelques jours après l'attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, le président camerounais, Paul Biya, a exprimé ses "sincères condoléances" à Israël, qui était la cible de cette attaque. Dans une lettre adressée à son homologue israélien, Isaac Herzog, Paul Biya a fait part de sa préoccupation face au bilan humain épouvantable causé par cette attaque.
Le président camerounais a transmis ses vœux de "prompt rétablissement aux blessés" ainsi que ses "souhaits de libération de tous les citoyens pris en otage" du côté israélien, sans faire mention des pertes palestiniennes. Cette position contraste avec celle de l'Union africaine, qui a attribué la reprise des hostilités au Proche-Orient à la "dénégation des droits fondamentaux du peuple palestinien, notamment celui d'un État indépendant". De nombreux pays africains ont également appelé à la désescalade.
Une Relation Historique Cette position unique du Cameroun découle d'une coopération historique entre les deux pays, principalement dans les domaines de la sécurité et de la diplomatie. Cette collaboration a débuté peu de temps après que Paul Biya a accédé au pouvoir en 1982, dans un contexte de tentative de coup d'État contre lui. Suite à cette tentative, Paul Biya a réorganisé en profondeur son dispositif sécuritaire, écartant notamment les cadres militaires originaires du nord du pays, ainsi que la France, qui assurait la formation de la garde républicaine.
Paul Biya a alors tourné son regard vers Israël pour renforcer sa sécurité et a renoué les relations diplomatiques avec Tel-Aviv, qui étaient rompues depuis la guerre du Kippour en 1973. Cette collaboration a été marquée par la fourniture de matériel militaire à l'armée camerounaise, la formation de cadres au sein des forces de défense, et des activités communes en matière de renseignement.
La Création de la Garde Présidentielle En 1985, la coopération a atteint un nouveau niveau avec la création de la garde présidentielle, qui est née de la dissolution de la garde républicaine. La formation de cette nouvelle unité a été confiée à des instructeurs israéliens, dont l'attaché de défense de la toute nouvelle représentation diplomatique israélienne au Cameroun, Avi Abraham Sivan. Cette coopération s'est également étendue à d'autres domaines, notamment la fourniture de matériel militaire et la formation de troupes.
En 1995, un système de transmissions nommé Helios, fruit de la coopération avec le Mossad, le service de renseignements israélien, a été installé au Cameroun. En dépit de difficultés économiques, la relation entre le Cameroun et Israël s'est poursuivie, avec le soutien d'experts travaillant au Cameroun sous contrat privé. Avi Abraham Sivan, ancien attaché de défense israélien à Yaoundé, a joué un rôle central dans cette collaboration.
Une Relation Diplomatique Solide En parallèle de la coopération militaire, le Cameroun est devenu un allié diplomatique d'Israël en Afrique. Le Cameroun est l'un des deux seuls pays africains, avec l'Érythrée, à ne pas avoir reconnu l'existence d'un État palestinien. En 1986, Paul Biya a accueilli à Yaoundé le Premier ministre israélien de l'époque, Shimon Peres, en dépit des pressions et critiques internationales. Cette visite a été la première d'un Premier ministre israélien en Afrique noire en deux décennies.
En 1987, le Cameroun a refusé de voter en faveur d'une résolution de l'Organisation de l'unité africaine condamnant l'oppression exercée par Israël dans les territoires occupés. Le pays a également voté en 1991 pour une résolution déclarant nulle une résolution de l'ONU de 1975 assimilant le sionisme au racisme. Cette position reflète la politique étrangère du Cameroun, qui vise à maintenir une neutralité positive lors des rencontres internationales.
Une Position Équilibrée Paul Biya est conscient que son pays compte une importante communauté musulmane, en particulier dans sa partie nord, qui n'est pas toujours favorable à Israël. Par conséquent, le président navigue sur une ligne de crête en maintenant des relations solides avec Israël tout en évitant de s'aligner inconditionnellement sur ses positions.
Le Cameroun n'a pas reconnu Jérusalem comme capitale de l'État israélien et n'a jamais effectué de visite officielle en Israël malgré de nombreuses invitations. Le pays s'est ainsi forgé une réputation de neutralité positive lors des rencontres internationales, en votant favorablement ou en s'abstenant, même si cela va parfois à l'encontre des positions israéliennes. Le Cameroun a suivi une politique étrangère équilibrée qui reflète les complexités de la région et ses propres intérêts nationaux.
La relation entre le Cameroun et Israël a traversé des périodes de défis et d'opportunités, mais elle demeure solide et importante pour les deux pays. Cette relation spéciale est ancrée dans l'histoire et a résisté à l'épreuve du temps, devenant un pilier de la politique étrangère du Cameroun.