Comment l'activiste camerounais a-t-il réussi à s'évader de la prison de New Bell puis à quitter le territoire national sous surveillance ? Jeune Afrique reconstitue le parcours périlleux d'un opposant en fuite.
Quatre jours après son évasion de la prison centrale de Douala le 12 décembre, Charles Philippe Nguiamba, administrateur principal des prisons du Cameroun, émettait un avis de recherche détaillé contre Fabrice Lena. Trop tard : l'activiste avait déjà quitté le pays. Jeune Afrique a retrouvé sa trace au Cap-Vert et reconstitue l'extraordinaire parcours de cet opposant qui a défié toutes les surveillances.
Jeune Afrique révèle que l'évasion de Fabrice Lena n'a rien eu d'improvisé. Enfermé depuis le 5 novembre à New Bell, l'activiste a profité des semaines de détention pour observer les failles du système de surveillance. "J'ai décidé de me soustraire à la vigilance des gardiens", confie-t-il sobrement à Jeune Afrique, sans vouloir dévoiler les détails techniques qui pourraient compromettre d'autres détenus.
Ce qui est certain, c'est que l'évasion s'est déroulée sans violence et sans effraction spectaculaire. Fabrice Lena n'a pas eu besoin de creuser un tunnel ou d'escalader des murs. Selon les informations recueillies par Jeune Afrique, il aurait bénéficié de complicités internes, probablement des gardiens qu'il avait pu approcher lors de ses sorties autorisées moyennant finances.
L'hypothèse d'une aide extérieure est également privilégiée par Jeune Afrique. L'activiste, bien connecté dans les milieux de l'opposition camerounaise, aurait pu compter sur un réseau de soutiens prêt à faciliter sa fuite. La décision de s'évader serait survenue après l'annulation de ses "privilèges" et la prise de conscience qu'il risquait une détention prolongée pour des motifs politiques.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Fabrice Lena n'a pas immédiatement quitté le Cameroun après son évasion. Jeune Afrique révèle que l'activiste est resté plusieurs jours sur le territoire national, se cachant chez des soutiens et se déplaçant avec précaution pour éviter les contrôles policiers.
Cette période de cavale, extrêmement risquée, avait un objectif précis révélé par Jeune Afrique : Fabrice Lena tentait de récupérer les 1,5 million de francs CFA qu'il avait versés aux autorités pénitentiaires. "Quand j'ai vu l'avis de recherche du 16 décembre, j'étais sur le point de partir mais je tentais encore de récupérer l'argent que les autorités m'avaient extorqué", confie-t-il.
Cette obstination à vouloir récupérer son argent, alors même qu'il était recherché par toutes les forces de l'ordre, témoigne à la fois du sentiment d'injustice qui l'anime et de sa situation financière précaire. Pour un activiste sans fortune personnelle, 2 287 euros représentent une somme considérable.
Jeune Afrique révèle que le départ définitif de Fabrice Lena du Cameroun a été rendu possible grâce à "un contact qui l'aurait aidé à quitter le territoire". L'activiste reste discret sur l'identité de ce mystérieux bienfaiteur, par souci de le protéger des représailles. "Je préfère ne pas donner de détails qui pourraient compromettre les personnes qui m'ont aidé", explique-t-il à Jeune Afrique.
Ce que l'on sait, c'est que ce départ s'est effectué dans un contexte de surveillance accrue. Depuis l'évasion d'Issa Tchiroma Bakary fin octobre, les autorités camerounaises ont renforcé les contrôles aux frontières, particulièrement dans les zones frontalières avec le Nigeria où s'était réfugié l'opposant. Fabrice Lena a donc dû emprunter d'autres routes, probablement par voie aérienne.
Le choix du Cap-Vert comme destination finale n'est pas anodin. Jeune Afrique note que cet archipel d'Afrique de l'Ouest, stable politiquement et éloigné du Cameroun, offre un refuge relativement sûr pour les opposants en exil. L'absence d'accords d'extradition contraignants avec Yaoundé rend également improbable un rapatriement forcé.
Fabrice Lena n'est pas arrivé au Cap-Vert par hasard. Jeune Afrique révèle qu'il est hébergé par "un contact" dont il tait également l'identité. Cette aide préexistante suggère que l'évasion et l'exil avaient été planifiés bien en amont, probablement avec le soutien de réseaux de l'opposition camerounaise en diaspora.
L'activiste confie à Jeune Afrique qu'il se sent désormais en sécurité, loin de la pression policière et judiciaire qu'il subissait au Cameroun. Mais cette liberté retrouvée a un prix : l'exil impose la séparation d'avec sa famille, ses amis, son pays. "Je n'avais plus le choix, je suis parti", résume-t-il avec une pointe de tristesse dans la voix.
Au Cap-Vert, Fabrice Lena tente de reconstruire sa vie tout en poursuivant son engagement politique. Jeune Afrique révèle qu'il reste en contact étroit avec les militants de Na Wa Future, le mouvement qu'il a fondé, et continue de suivre l'évolution de la situation politique camerounaise. "Mon exil n'est pas une démission, c'est une stratégie de survie", précise-t-il.
Le parallèle avec Issa Tchiroma Bakary est frappant et Jeune Afrique ne manque pas de le souligner. Comme l'opposant qu'il avait fini par soutenir après la présidentielle du 12 octobre, Fabrice Lena a dû fuir le Cameroun pour échapper à une répression judiciaire à motivation politique. Comme Tchiroma, il a réussi son évasion malgré une surveillance qui aurait dû être étanche.
Ces deux affaires révélées par Jeune Afrique posent la même question embarrassante pour le régime camerounais : comment des opposants notoires parviennent-ils à échapper aussi facilement à la vigilance des forces de l'ordre ? Les hypothèses de complicités internes, déjà évoquées dans le dossier Tchiroma, refont surface dans le cas de Fabrice Lena.
Issa Tchiroma Bakary s'est d'abord réfugié au Nigeria, puis en Gambie. Fabrice Lena a choisi le Cap-Vert. Jeune Afrique constate que l'opposition camerounaise en exil se disperse géographiquement, peut-être pour éviter de concentrer toutes ses figures en un seul endroit facilement contrôlable par le régime de Yaoundé.
Depuis le Cap-Vert, Fabrice Lena ne craint pas de s'exprimer publiquement. Au contraire, il a accepté de témoigner auprès de Jeune Afrique et n'hésite pas à révéler sa position exacte. "Je ne me cache pas. Je suis au Cap-Vert et j'entends continuer mon combat pour le changement au Cameroun", déclare-t-il avec détermination.
Cette audace peut sembler imprudente, mais elle révèle aussi une stratégie : en rendant publique sa situation, Fabrice Lena se protège d'éventuelles tentatives discrètes de le faire disparaître. La lumière médiatique devient une forme de bouclier contre les menaces qui pèsent sur lui.
Jeune Afrique révèle que l'activiste travaille déjà à structurer son action politique depuis l'exil. Il envisage de participer à des conférences internationales sur la démocratie en Afrique, de témoigner devant des instances de défense des droits humains, et de maintenir le lien avec les militants de Na Wa Future restés au Cameroun.
L'évasion et l'exil de Fabrice Lena, révélés par Jeune Afrique, illustrent une évolution notable de l'opposition camerounaise. Face à la répression judiciaire, à l'emprisonnement arbitraire et à l'impossibilité d'agir librement sur le territoire national, de plus en plus d'opposants choisissent l'exil comme espace de liberté.
Cette stratégie n'est pas sans risques : elle expose ces militants à l'accusation de fuite, voire de lâcheté, de la part du pouvoir. Elle les coupe également de leur base militante, rendant plus difficile la mobilisation populaire. Mais elle leur offre aussi une tribune internationale et une sécurité personnelle qu'ils ne peuvent plus trouver au Cameroun.
Jeune Afrique constate que le régime camerounais se trouve confronté à un dilemme : laisser ces opposants s'exprimer librement depuis l'étranger, ou tenter de les faire taire au risque d'attirer l'attention internationale sur les méthodes répressives employées à leur encontre. Pour l'instant, Fabrice Lena a gagné sa liberté. Reste à savoir s'il parviendra, depuis le Cap-Vert, à peser réellement sur l'avenir politique de son pays.