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REVELATION : le vrai rôle et le plan secret de Macron dans la succession de Paul Biya enfin dévoilés

La succession de Paul Biya pose toujours question

Thu, 4 Aug 2022 Source: www.camerounweb.com

Il y a quelques jours, Emmanuel Macron effectuait en grande pompe avec une forte délégation, une tournée africaine qui débuta par le Cameroun. Le choix du Cameroun où le président Français a passé presque 48 heures a surpris plus d’un, d’autant que le régime de Yaoundé est jugé plus ou moins infréquentable. Mais le moins qu’on puisse dire est que cette visite a eu une portée hautement politique. D’ailleurs la succession de Paul Biya est revenu à plusieurs reprises. Achille Mbembe, Historien et politologue camerounais a joué un rôle prépondérant dans cette visite. Il revient dans une tribune signé dans le Magazine Jeune Afrique sur les enjeux de ce séjour pour Emmanuel Macron, Paul Biya et le Cameroun.

INTEGRALITE DE LA TRIBUNE DANS JEUNE AFRIQUE



Emmanuel Macron ayant proclamé sa volonté de renouveler les relations entre l’Afrique et la France, sa visite au Cameroun, à la fin de juillet, représentait un sérieux test, peut-être le plus difficile pour lui. Pays-pivot, concentré de contradictions explosives, le Cameroun est l’un des États les plus complexes et les plus énigmatiques du continent. Pour des raisons historiques évidentes, il est, depuis l’époque coloniale, l’un des foyers les plus critiques, et même les plus virulents à l’égard de la politique française en Afrique.



À l’origine du nationalisme camerounais


Protectorat allemand de 1884 à 1918, il devient, en 1919, un territoire sous mandat de la Société des nations (SDN) avant d’être placé sous la tutelle de l’ONU, qui en confie l’administration à la France et à la Grande-Bretagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. D’un point de vue juridique, il ne fut donc jamais une colonie proprement dite, même si les deux puissances occupantes tinrent à l’administrer comme telle. Ce statut juridique exceptionnel est à l’origine du nationalisme camerounais.

Créée en 1948, l’Union des populations du Cameroun (UPC) en porte le flambeau. Son secrétaire général, Ruben Um Nyobe, qui en est le théoricien et le porte-parole (« Mpodol »), est assassiné, le 13 septembre 1958, dans le maquis de Libel-li-Ngoy, en Sanaga-Maritime, par les troupes françaises, après que son mouvement a été exclu de la scène politique légale en 1955. Profanée, sa dépouille est traînée jusqu’à Eséka, où il est enseveli dans un immense bloc de béton. D’autres figures subiront un sort plus ou moins similaire : Félix-Roland Moumié, Castor Osendé Afana, Ernest Ouandié.

La guerre d’indépendance, qui débute en 1955, fera des dizaines de milliers de morts. Ce conflit sanglant se prolongera bien après la décolonisation. Il aura façonné la nature de l’État camerounais et aura, selon les historiens, fait du pays l’un des laboratoires privilégiés du système tant décrié de la Françafrique.

Ainsi que l’a admis Emmanuel Macron lui-même à Yaoundé, cette période traumatique a fait l’objet d’un refoulement actif de part et d’autre. En revanche, le souvenir des luttes de l’époque a servi de matrice à l’imaginaire culturel de la nation camerounaise, au point que la critique et la contestation de la politique française en Afrique s’en nourrissent aujourd’hui, y compris au sein des jeunes générations, qui n’ont connu ni la colonisation ni la guerre d’indépendance.



Réussir l’après-Biya


Les contradictions accumulées depuis cette époque convergent désormais vers un seul et même point : les luttes en vue de la succession de l’actuel chef de l’État, au pouvoir depuis bientôt quarante ans.

De toute évidence, la façon dont ces luttes sont menées et la forme que prendra leur dénouement constituent l’un des enjeux majeurs de la politique africaine de la France. Accompagner et, surtout, réussir la succession de Paul Biya est un objectif politique stratégique du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Un tel succès ouvrirait un vaste champ de possibilités à tous les acteurs impliqués dans le projet de refondation des rapports entre l’Afrique et la France. Surtout, il donnerait un cours nouveau à l’histoire d’une sous-région en panne d’intégration, menacée par l’enkystement de régimes vieillissants et par la métastase progressive de foyers de tensions de plus en plus difficiles à éradiquer.

D’ores et déjà, un marché sous-régional de la violence est en voie de structuration. Sous l’effet de nombreux appels d’air, l’arc du terrorisme islamiste risque de s’étendre au-delà des pourtours du lac Tchad et de la frontière nord avec le Nigeria. Sur le flanc oriental, les effets de la violence qu’exercent les milices dans la Centrafrique voisine se font sentir petit à petit. S’y greffent les activités des mercenaires russes.

Se met progressivement en place, dans l’ensemble de la sous-région, un modèle de pouvoir adossé sur la prédation et l’extraction des richesses, sur fond de militarisation de la vie sociale et économique. Ce modèle cherche à se reproduire en misant sur la protection de sociétés privées de sécurité, de milices et autres corps d’armée ; en échange, ces formations armées captent les ressources naturelles des pays en question.



Fragmentation sociale

Au Cameroun, les luttes pour la succession de Paul Biya ont cours alors que la situation intérieure ne cesse de se détériorer. Elle se caractérise par un accroissement sans précédent des inégalités et de la fragmentation sociale, par l’abandon des jeunes, la multiplication et l’extension des risques de toutes sortes.

À première vue, la longévité au pouvoir des présidents camerounais est parmi les plus remarquables au monde. La très grande majorité des sexagénaires n’aura connu que deux chefs d’État depuis 1960. Si, autrefois, cette longévité pouvait être synonyme de stabilité, tel n’est plus le cas. Au contraire, l’absence de changement est devenue un facteur de graves incertitudes. Elle met en péril la plupart des progrès réalisés depuis l’indépendance, à commencer par l’unité du pays et ses grands équilibres ethno-régionaux. Les divisions internes sont en passe d’atteindre un point de non-retour, comme l’atteste la situation dans les régions anglophones.

Les clivages régionaux ne datent pas d’aujourd’hui. Entre 1960 et 1980, ils opposaient le Sud et le Nord. Ils ont débouché, au lendemain de la succession de 1982, sur la tentative de coup d’État de 1984. Aujourd’hui, le risque est moins de voir le pouvoir changer de mains au terme d’une insurrection populaire que d’assister au démembrement du pays par la voie d’une sécession de fait ou par la multiplication de portions de territoires ingouvernables.

Le conflit anglophone a causé des milliers de morts, des dizaines de milliers de déplacés internes et plus d’une centaine de milliers de réfugiés, la destruction de l’habitat et une situation humanitaire dont on parle assez peu malgré sa gravité. Il devrait être une priorité de tout dialogue politique entre le Cameroun et ses partenaires étrangers. Surtout, il devrait faire l’objet d’un dialogue intra-camerounais assorti, au besoin, d’une médiation internationale.



La solution fédérale


À ces clivages régionaux s’ajoutent les effets de la politique ethnique que mène le bloc au pouvoir depuis la tentative de coup d’État de 1984. Elle est à la source de maintes récriminations, qui laissent craindre des actes de vengeance, voire des pogroms, à court ou à moyen termes.

La tournure ethnique qu’ont pris les luttes politiques est une donnée fondamentale des mobilisations en cours. C’est notamment le cas pour les nominations dans les centres névralgiques de l’État que sont l’armée, la fonction publique, l’administration territoriale, la magistrature, les universités, les sociétés d’État, la diplomatie.

Ces tensions ethniques sont attisées par maints acteurs politiques, qui s’en servent soit pour s’accaparer des richesses, soit pour stigmatiser et délégitimer leurs rivaux et concurrents. C’est notamment le cas dans l’octroi des marchés publics, la délivrance de permis divers et autres passe-droits.

Les luttes foncières en sont la parfaite illustration. Elles ne s’intensifient pas seulement en milieu urbain. Elles ont lieu au détour de l’accaparement des terres en milieu rural, de la privatisation d’immenses domaines forestiers et miniers, ou de leur cession à des multinationales étrangères, souvent au mépris de l’intérêt des communautés locales ou de la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité.

De nombreuses communautés ethniques s’estiment lésées. Elles réclament de nouveaux découpages administratifs et territoriaux, qui leur permettraient de disposer de propres provinces, sources d’investissements et d’emplois, ainsi que d’une représentation parlementaire proportionnelle à leur poids démographique.

La plupart de ces revendications pourraient s’insérer dans une véritable politique de régionalisation, voire dans le cadre d’un régime fédéral. Pour être un vecteur de démocratie locale et territoriale, une telle politique d’autonomisation devrait aller bien au-delà de la décentralisation.



Un pas vers l’irréparable


La situation des droits humains et des libertés fondamentales est, à tous égards, préoccupante. Il en est de même des niveaux de prédation, voire de corruption, y compris au sein de la justice. Les emprisonnements arbitraires d’opposants sont monnaie courante. Les rassemblements de l’opposition sont régulièrement dispersés. Les tentatives d’adoption d’un code électoral par consensus ont échoué. Il est devenu objectivement impossible de tenir des élections libres, honnêtes et transparentes.

Dans la perspective d’une succession paisible et réussie, tous les efforts devraient porter sur la construction d’une plateforme de dialogue inter-camerounais. Bien conçu et bien mené, un tel dialogue continu ouvrirait la voie à une période de détente, qui jetterait les bases d’une réconciliation entre les Camerounais.

L’érection d’une telle plateforme s’accompagnerait de gestes concrets et d’un ensemble de mesures visant la libération progressive de tous les prisonniers politiques, une amnistie pour tous ceux qui ne sont coupables d’aucun crime de sang, un effort renouvelé en vue de l’éradication de la corruption et, surtout, une réforme du code électoral par consensus et le transfert du pouvoir par la voie des urnes.

Une succession de gré à gré ou une succession de père en fils conduiraient inexorablement vers l’irréparable. Le succès de la transition se mesurera à la possibilité, pour les Camerounais, de choisir librement leurs dirigeants au terme d’élections libres et transparentes.



Réconciliation des mémoires


La réconciliation générale passera, par ailleurs, par le rétablissement de la vérité sur les événements qui ont entouré la lutte pour l’indépendance. Après des décennies de déni des autorités françaises, Francois Hollande avait, lors de sa visite au Cameroun en 2015, reconnu la part tragique de cette histoire. « Il y a eu une répression dans la Sanaga-Maritime et en pays bamiléké », avait-il déclaré avant d’annoncer l’ouverture des archives de cette période. Cette annonce est restée sans lendemain.

Emmanuel Macron s’est engagé à aller plus loin. Une commission pluridisciplinaire chargée de faire la lumière sur l’action de la France et d’établir les responsabilités sera créée. Les archives seront ouvertes dans leur totalité. Certes, de nombreux travaux existent déjà et nul ne conteste désormais l’essentiel des faits. Mais bien des zones d’ombre subsistent. On l’a vu dans d’autres cas, tels que ceux de l’Algérie et du Rwanda : pour que le passé soit assumé sur le plan politique, un travail de vérité est incontournable.

Encore faut-il rappeler que ce contentieux historique n’oppose pas seulement le Cameroun à la France. Parce qu’il s’est prolongé bien au-delà de la décolonisation, il oppose aussi le Cameroun à lui-même. Si réconciliation générale il doit y avoir, il ne suffira pas que la France reconnaisse ses responsabilités. L’État camerounais devra lui aussi reconnaître les siennes, à l’égard de ses propres enfants.

Source: www.camerounweb.com