Dans une révélation inédite, l'ancien international camerounais Bernard Tchoutang lève le voile sur un épisode méconnu de 1998 impliquant la légende Roger Milla, pour mieux expliquer la sacralité absolue du vestiaire des Lions Indomptables.
Quand Bernard Tchoutang évoque les vestiaires des Lions Indomptables, ses mots portent le poids de l'expérience et de la vérité. L'ancien défenseur central, témoin privilégié de l'histoire du football camerounais, vient de dévoiler un secret bien gardé : en 1998, lors de la CAN au Burkina Faso, même Roger Milla, l'icône absolue du football africain, avait été contraint de quitter le vestiaire sur décision des joueurs.
Cette anecdote, révélée dans le contexte de l'affaire Geremi Njitap, éclaire d'un jour nouveau les règles non écrites qui régissent l'intimité du football de haut niveau. Pour Tchoutang, cette histoire n'est pas anodine : elle illustre parfaitement que le vestiaire obéit à ses propres lois, indépendamment du statut de ceux qui frappent à sa porte.
"Le vestiaire, c'est un endroit vraiment spécial. C'est un endroit où les joueurs peuvent dire qui entre et qui n'entre pas", martèle Bernard Tchoutang avec la conviction de celui qui a vécu ces moments intenses. Cette déclaration, loin d'être une simple formule, révèle une vérité fondamentale du sport professionnel : le vestiaire constitue le dernier bastion d'intimité des athlètes.
Dans ce sanctuaire, les hiérarchies extérieures s'effacent. Peu importe votre palmarès, votre notoriété ou votre influence : seuls les joueurs présents détiennent le pouvoir de décider qui peut partager leur intimité pré ou post-match. Cette démocratie particulière, que Tchoutang qualifie de "courtoisie", constitue l'un des derniers espaces d'autonomie absolue des sportifs.
L'anecdote rapportée par Tchoutang résonne comme un cas d'école. Nous sommes en 1998, au Burkina Faso, avant un match crucial contre l'Algérie. Roger Milla, alors âgé de 46 ans et déjà légende vivante du football africain, pénètre dans le vestiaire des Lions Indomptables. Mais ses propos ne trouvent pas d'écho favorable auprès des joueurs.
"Nous, les joueurs, avions décidé qu'il devait sortir des vestiaires et il est sorti", relate Tchoutang sans détour. Cette décision collective, prise démocratiquement par le groupe, illustre parfaitement la nature particulière de cet espace. Même Roger Milla, quadruple buteur au Mondial 1990 et héros national, dut s'incliner devant la volonté souveraine des joueurs.
Cette histoire révèle également la complexité des relations entre générations dans le football camerounais. Tchoutang précise que Milla était généralement accepté "comme grand frère" et qu'il savait "tirer les oreilles quand il le fallait". Mais ce jour-là, quelque chose avait changé dans l'équilibre délicat entre respect et autorité.
C'est à travers ce prisme historique que Bernard Tchoutang analyse l'affaire Geremi Njitap, suspendu cinq ans par le comité d'éthique de la FECAFOOT suite à un incident avec l'entraîneur Marc Brys dit "Tamo". L'ancien défenseur exprime sa surprise de voir Njitap impliqué dans une polémique de vestiaire alors qu'il ne l'avait "jamais vu avec les anciens Lions" présents lors de la CAN 2024 en Côte d'Ivoire.
Cette observation soulève des questions sur la légitimité de la présence de certaines personnalités dans l'intimité de l'équipe nationale. Pour Tchoutang, la règle est claire et universelle : "Peu importe qui vous êtes, le vestiaire appartient aux joueurs."
Au-delà de l'anecdote, Tchoutang révèle l'existence d'un code d'honneur universel dans le football professionnel. Ce code, transmis de génération en génération, établit que le vestiaire constitue un territoire neutre où les joueurs retrouvent leur humanité, loin des projecteurs et des enjeux.
Cette sacralité n'est pas propre au football camerounais. Dans tous les grands clubs et sélections nationales du monde, le vestiaire demeure ce lieu où les masques tombent, où les stratégies se peaufinent, où les émotions s'expriment librement. C'est pourquoi l'intrusion non désirée y est vécue comme une violation.
En dévoilant l'épisode Roger Milla, Bernard Tchoutang offre une leçon de sagesse footballistique. Il rappelle que le respect mutuel constitue le fondement de toute cohésion d'équipe, mais que ce respect ne peut être imposé de l'extérieur. Il se mérite, se cultive et se maintient par des gestes et des attitudes appropriés.
L'ancien Lion Indomptable conclut avec une note d'apaisement concernant Geremi Njitap, rappelant qu'il s'agit d'un "ancien Lion qui a porté et défendu le maillot du Cameroun". Cette nuance traduit la complexité des relations humaines dans le microcosme du football de haut niveau, où respect du passé et exigences du présent doivent constamment s'équilibrer.
Cette révélation de Bernard Tchoutang éclaire finalement un aspect méconnu mais fondamental du football professionnel. Elle nous rappelle que derrière les paillettes et la médiatisation, il existe des espaces sacrés où l'humain reprend ses droits. Le vestiaire en fait partie, et sa protection relève de la responsabilité collective de tous ceux qui gravitent autour du football.
Dans un monde où la vie privée des sportifs est de plus en plus exposée, préserver la sacralité du vestiaire devient un enjeu de dignité humaine. Bernard Tchoutang, en partageant ses souvenirs, nous offre une leçon de respect qui dépasse largement le cadre du football camerounais.