On le croyait groggy après les 2 arrêtés portant transfert au Port autonome de Douala (Pad) des actifs résiduels de l’ex-Office national des ports du Cameroun (Onpc) situés à l’intérieur de la circonscription de compétence du Pad, et rapportant les dispositions de l’arrêté N°000568/Mindcaf du 17 septembre 2013 portant rétrocession d’un terrain domanial sis à Douala Vème, quartier Bepanda Bassa au lieu-dit cité du port. Que non ! Lazare Atou s’est permis une hardiesse supplémentaire : saisir le président du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo par une requête aux fins de prénotation judiciaire. Rebondissement.
Lazare Atou, sourire enjôleur, petite taille, mais la hardiesse d’un faucon émerillon et l’assurance, chevillées au corps, n’a pas peur. Comme si de simple chargé de la sauvegarde du patrimoine résiduel de l’ex Office national des ports du Cameroun en vertu de la convention signée entre l’Etat et lui, le 4 mars 2014 et son avenant du 30 juillet 2021, la vie lui avait donné ce tout petit supplément de hargne qui permet de douter de rien et d’oser tout.
Tant pis s’il s’autorise quelques entorses au langage usuel en faisant allusion à cette « maffia » qui veut aujourd’hui s’accaparer des 280 milliards Fcfa que valent désormais les actifs résiduels de l’ex-Regifercam, de l’ex Oncpb, et de l’ex-Onpc. Tant pis s’il y a, sur la route, des pots cassés et des dommages collatéraux. En témoignent ses déclarations de franc-tireur lors de ses différentes auditions au Tribunal criminel spécial (Tcs).
Ainsi, retienton encore cette retentissante plainte contre Cyrus Ngo’o, Dg du
Port autonome de Douala (Pad), à propos du marché spécial de sécurisation du port de Douala-Bonaberi. Alors questions : qui se serait permis de dire que derrière cette plainte, la vraie cible à atteindre c’est le ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh ? Qui aurait fait la forte tête et refusé de recevoir une mission d’audit du Contrôle supérieur de l’Etat ? Qui aurait osé porter plainte contre le ministre d’Etat, Sg/Pr ? « Affaire Consupe-cabinet Atou : Ngoh Ngoh, Mbah Acha et les inspecteurs d’Etat trainés au Tcs ». C’est pourtant le titre qui barre la Une de l’édition N°617 du jeudi 11 novembre
2021 de La Nouvelle.
Cette plainte va pourtant faire l’effet d’une douche froide au secrétariat général de la présidence de la République où certains trouvent carrément que Lazare Atou a commencé, ni plus ni moins, à « démythifier les hautes fonctions » du ministre d’Etat Sg/Pr, chargé des « très hautes instructions
du président de la République. » Résultat des courses : comme Atou a eu la hardiesse de trop en se rendant coupable du viol de l’une des transgressions mortelles qui ne pardonnent pas en haut lieu, il faut immanquablement dresser la potence. En guise de riposte, mais aussi par dépit et courroux face à cette hardiesse de féticheur de trop. La meilleure défense, dans ce cas, étant pour les hargneux, l’attaque, le dévolu est très vite jeté sur Henri Eyebe Ayissi. Ceci, avec un sentiment d’urgence peu habituel chez le vice-dieu qui transpire habituellement l’autosuffisance et la condescendance. De quoi, s’il en était encore besoin, conforter un peu plus ceux qui au ministère de la Justice, pensent que Ferdinand Ngoh Ngoh a désormais choisi de broyer, une fois pour toute, tous ceux qui peuvent faire ombrage à ses ambitions démesurées. Lesquelles donc ? Passons !
FORCES DU MAL
Seulement on constate que, doublement étreint par une indicible volonté de
respecter les « très hautes directives du chef de l’Etat » répercutées par le ministre d’Etat Sg/Pr et de donner satisfaction à son boss, Henri Eyebe Ayissi, le couteau branlant dans la plume, prend le même jour (16 novembre 2021) 2 arrêtés : l’arrêté n°1529 rapportant les dispositions de l’arrêté N°000568/Mindcaf du 17 septembre 2013 portant rétrocession d’un terrain domanial sis à Douala Vème, quartier Bepanda Bassa au lieudit cité du port ; et l’arrêté N°1530 portant transfert au Port autonome de Douala des actifs résiduels de l’ex-Office national des ports du Cameroun (Onpc) situés à l’intérieur de la circonscription de compétence du Port autonome de Douala.
Convaincu qu’il est l’instrument du Bien terrassant les forces du Mal, Henri Eyebe Ayissi rend aussitôt compte au Sg/Pr du travail parfaitement accompli dans une correspondance qu’il lui adresse le 16 novembre 2021. « (...). Le rapport consacrant les travaux qui se sont déroulés du 27 septembre au 8 octobre 2021 à Douala fait ressortir que les actifs résiduels concernés sont constitués de trente-et-une (31) propriétés foncières bâties et non bâties, conformément à la matrice récapitulative ci-joint, dont : 1) vingt (20) restent immatriculées au nom de l’ex-Onpc ; 2) sept (07) ont fait l’objet d’aliénation ; i) deux par la commission technique de privatisation et de liquidation (Ctpl) respectivement en 2006 et 2008 ; ii) cinq ont été aliénées au cours de l’année 2020, sur très hautes instructions du chef de l’Etat, répercutées par le ministre, directeur du Cabinet civil par lettre N°b2d/0151/Cf/L/Cc/C ab/Pr du 25 juin 2020. 3) Une (01) a fait l’objet d’une rétrocession partielle par arrêté en date du 14 septembre 2013 du ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières à la communauté Beedi ; 4) Trois (03) ont été attribués par l’Etat à l’ex-Onpc, mais la procédure de mutation du titre foncier n’a pas été finalisée (...) », écrit Eyebe Ayissi au Sg/Pr, avant de lui indiquer le train de mesures adoptées.
Parmi celles-ci, la signature de cet arrêté portant transfert au Pad des actifs résiduels de l’ex-Onpc, l’instruction donnée à ses services déconcentrés de procéder à la mutation des titres fonciers de l’ex-Onpc et de ceux attribués
par l’Etat au profit du Pad et l’annulation de la rétrocession partielle du titre N°4038/W effectué au profit de la communauté Beedi en 2013. De quoi combler les amateurs de ragots au palais de l’Unité, rarement avares d’anecdotes grivoises, qui rapportent aussitôt que c’est le ministre d’Etat Laurent Esso qui se cache diantrement derrière cette communauté sawa sous le pseudo nyme de Michelle Soppo...
LIMITES
On a beau s’efforcer de conserver une moue sereine pour tenter de comprendre ce que vient chercher ainsi ce nom dans cette scabreuse affaire, mais on ne s’embarrasse guère de deviner l’effet recherché. Surtout que quelques jours après, l’on apprend de sources très bien introduites que Lazare Atou a décidé de saisir le président du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo par une requête aux fins de prénotation judiciaire. Le grain de sable va-t-il suffire à bloquer la belle mécanique ?
Ceux qui ont pris connaissance des termes contenus dans ladite requête, pensent que « oui ». Et pour cause ? D’abord, ils croient que Lazare Atou reste protégé par la convention du 4 mars 2014 et son avenant du 30 juillet 2021 à travers laquelle l’Etat du Cameroun le fait responsable de la sauvegarde du patrimoine résiduel de l’ex-Office national des ports du Cameroun « dévolu à sa liquidation, sur lequel il détient par ailleurs des droits ».
Ensuite ils estiment que le Pad, créé par décret N°99/130 du 15 juin 1999, a vu ses premiers statuts approuvés le 24 juin 2002 par le décret N°2002/163 portant approbation desdits statuts. Or que disent ces statuts ?
L’article 7 desdits statuts précise que « l’Etat a transféré au Port autonome de Douala une partie du patrimoine de l’ex-Onpc. » Quant à l’article 9, il est prévu qu’outre tous les biens du domaine public portuaire et ceux du domaine privé de l’Etat situés dans ce domaine, le patrimoine de l’ex-Onpc situé à l’intérieur de la circonscription de compétence du Port autonome de Douala est transféré à ce dernier. Pour ces analystes donc, toutes les dispositions de l’article 9 des statuts datant de 2002 ont tout simplement été reprises en l’article 22 du tout nouveau décret N°2019/034 du 24 janvier 2019 portant réorganisation du Pad, qui en son article 35, n’a abrogé que les dispositions antérieures contraires, notamment le décret N°99/130 du 15 juin 1999 portant organisation et fonctionnement du Pad.
Poursuivant dans la même foulée, les mêmes analystes confient que, lorsque l’alinéa 7 de l’article 3 des statuts de 2002 indique que les limites
de la circonscription de compétence du Port autonome de Douala sont fixées par un texte particulier, l’article 4 du tout nouveau décret N°2019/034 du 24 janvier 2019 portant réorganisation du Port autonome de Douala précise quant à lui que les coordonnées et les limites de la circonscription du Port autonome de Douala sont fixées par décret du président de la République. Pour eux, le seul texte existant signé du président de la République, susceptible de préciser les coordonnées et les limites de la circonscription de compétence du Port autonome de Douala, se trouve être le décret N°77/414 du 20 octobre 1977 modifiant la délimitation du domaine public portuaire de Douala-Bonaberi qui couvre une superficie de 335 ha. Traduits en mots clairs : le patrimoine dont le transfert vient d’être instruit par Henri Eyebe Ayissi au Pad, est situé en dehors des limites et des coordonnées définies par le décret susmentionné.
PASSIF
Pour ces analystes, le Pad ne peut aujourd’hui compter dans son patrimoine, outre tous les autres biens du domaine public portuaire et du domaine privé de l’Etat se trouvant dans l’enceinte des 335 ha définis et limités par le décret de 1977, que la villa du Dg sise à Bonapriso, celle du Dga sise à l’avenue de Gaulle, la piscine et certaines aires de jeu du club Onpc, l’immeuble Simar situé sur une parcelle de 5874 m2, précédemment déclassée au domaine public portuaire et intégrée au domaine privé de l’ex-Onpc sous le titre foncier 1850/W, mais dont la remise à jour est l’œuvre exclusive du cabinet Atou. Et les 12 villas de la crique Tokoto. D’ailleurs, ces analystes rappellent que, malgré tout cet arsenal juridique, le Dg du Pad avait déjà sollicité et obtenu courant juillet 2019 du ministre des Finances, la mise en œuvre des dispositions de l’article 22 du décret N°2019/034 du 24 janvier 2019 portant réorganisation du Pad qu’il croyait être en faveur de la dévolution de tous les biens de l’ex-Onpc au profit du Pad. Malheureuse-moult débats à l’époque entre les experts de la Commission technique de privatisation et de liquidation (Ctpl) et de la division juridique du Minfi, la demande du Pad n’a pas été justifiée du point de vue juridique.
C’est dans ce registre que ces analystes concluent, en prenant
ancrage sur la correspondance N°B934/Sgpr du 2 juillet 2021 du ministre d’Etat Sg/Pr adressée au ministre en charge des Domaines (qui pour eux n’a d’ailleurs aucune compétence en la matière) lui demandant de restituer à titre gracieux, les actifs résiduels de l’ex- Onpc au Pad, que Ferdinand Ngoh Ngoh l’a fait en violation des droits des créanciers de l’ex-Onpc et du cabinet Atou qui grèvent ce patrimoine, gage de l’extinction du passif de l’ex-Onpc estimé à 5 773 607 264 Fcfa dans le cadre des opérations du groupe de travail mis en place dans les services du Premier ministre. Ce qui vient rappeler, pour ceux qui ne le connaissaient pas, que les biens dont la dévolution a récemment été instruite par Henri Eyebe Ayissi, sont et demeurent grevés tant par le passif de l’ex-Oncp, que par la rémunération due au cabinet Atou du fait de la convention du 4 mars 2014 et son avenant du 30 juillet 2021, notamment en ce qui concerne les éléments d’actifs de l’ex-Onpc retrouvés par ce dernier, tel qu’il a été reconnu par le Premier ministre chef du gouvernement dans une de ses correspondances.
Taper là où ça peut faire mal et insister. Même s’il n’a jamais été boxeur, Lazare Atou a bien compris ce précepte et l’applique avec précision sur son adversaire, Ferdinand Ngoh Ngoh. Avec lui, l’enrobage ne fait pas partie de
la livraison, il est confié au service après-vente. Histoire de tempérament. Histoire de génération aussi. Les baobabs qui ont dessiné les contours actuels de la maffia d’Etat ne sont pas de la même sève que les jeunes poussent qui veulent plus que jamais, écrire à leur tour l’histoire du Cameroun.