Cette note est un recours gracieux préalable adressé au préfet du département du Mfoundi pour demander le retrait de l'arrêté préfectoral n° 00001436/AP/JO6/SP du 16 juillet 2024 portant interdiction de séjour temporaire dans le département du Mfoundi. Le requérant, Maurice Kamto, Président National du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), soutient que cet arrêté est illégal et viole les droits fondamentaux des citoyens.
Le requérant fait valoir que le préfet n'a pas la compétence matérielle pour édicter un tel acte administratif unilatéral, car il ne vise aucun texte constitutionnel ou infra-constitutionnel servant de fondement à la mesure d'interdiction de séjour opposée au citoyen. En outre, l'arrêté préfectoral empiète sur le domaine de la loi, dont la compétence en ce qui concerne l'encadrement des droits et libertés fondamentaux, est réservée uniquement au parlement.
Le requérant soutient également que l'arrêté préfectoral viole les dispositions constitutionnelles, les instruments internationaux, ainsi que les dispositions légales et réglementaires. Il cite notamment la violation du préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 et ses modifications subséquentes, la violation des instruments internationaux régulièrement ratifiés par la République du Cameroun, ainsi que la violation des dispositions légales et la contrariété avec la jurisprudence de la Haute Juridiction camerounaise.
En conséquence, le requérant demande au préfet de retirer purement et simplement l'arrêté préfectoral querellé, conformément aux dispositions de l'article 17 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.
RECOURS GRACIEUX PREALABLE
AUX FINS DE RETRAIT
DE L’ARRETE PREFECTORAL N° 00001436/AP/JO6/SP DU 16 JUILLET 2024
PORTANT INTERDICTION DE SEJOUR TEMPORAIRE DANS LE DEPARTEMENT DU MFOUNDI
Destinataire :
Monsieur le préfet du
Département du MFOUNDI
YAOUNDE
-Auteur de l’acte incriminé-
Monsieur KAMTO Maurice,
Citoyen camerounais domicilié et résidant à Yaoundé dans le département du MFOUNDI,
Et Président National du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun en abrégé MRC, parti politique légalisé dont le siège social est situé à Yaoundé au lieu-dit Odza dans le département du Mfoundi,
Ayant pour Conseils
Mes Hippolyte B-T MELI, Martin TENE NZOHOUA, Serge Emmanuel CHENDJOU, Sother MENKEM, tous avocats exerçant à Yaoundé
Et ayant élu domicile au Cabinet de Me H.B. TIAKOUANG MELI, avocat, dont le Cabinet est sis à ELIG ESSONO-YAOUNDE BP 34118 TEL 694.29.68.44 / 677 75 96 94 aux fins des présentes et de ses suites ;
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER TRES RESPECTUEUSEMENT
Monsieur le Préfet,
Qu’en date du 16 Juillet 2024, vous avez signé et rendu public, l’Arrêté préfectoral N° 00001436/AP/JO6/SP portant interdiction de séjour temporaire dans le département du MFOUNDI (pièce) ;
Que les jours d’après, vous avez assumé publiquement dans les médias gouvernementaux, l’entièreté des dispositions de l’acte administratif unilatéral par vous édicté ;
Que seulement, en tant que citoyen camerounais et Président National du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, cet acte qui est symptomatique d’un excès de pouvoir manifeste, lui fait grief à plus d’un titre tel qu’il sera démontré infra ;
Premièrement :
Votre incompétence matérielle pour édicter un acte administratif unilatéral tendant à l’interdiction de séjour d’un citoyen camerounais sur une portion du territoire de la République du Cameroun.
En ce que votre arrêté préfectoral ne vise aucun texte constitutionnel ou infra constitutionnel servant de fondement à la mesure d’interdiction de séjour opposée au citoyen se trouvant occasionnellement ou permanemment sur votre aire de commandement ;
Qu’au contraire, il se positionne comme étant en réalité, une norme modifiant l’ordonnancement juridique en ce qui concerne le champ des droits et libertés fondamentaux du citoyen camerounais se trouvant dans le département du MFOUNDI;
Alors que l’article 26 (1), (2) (a) et (c) de la loi n° 96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 Avril 2008 dispose clairement que :
« 1- La loi est votée par le parlement.
2- Sont du domaine de la loi :
(a) la sauvegarde de la liberté et de la sécurité individuelle ; le régime des libertés publiques (…) ; la détermination des crimes et délits, de l’institution des peines de toute nature, la procédure civile, les voies d’exécution, l’amnistie » ;
Que l’article 27 de la même loi dispose que :
« Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ressortissent au pouvoir réglementaire » ;
Qu’il transpire des dispositions sus mentionnées, que votre arrêté préfectoral qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice du pouvoir réglementaire dérivé, empiète gravement sur le domaine de la loi, dont la compétence en ce qui concerne l’encadrement des droits et libertés fondamentaux, est réservée UNIQUEMENT au parlement ;
Que dès lors, en vous arrogeant une compétence en matière de production normative qui n’est pas la vôtre, notamment la modification de l’ordonnancement juridique des droits et libertés fondamentaux des citoyens se trouvant dans votre aire de commandement, vous avez inéluctablement fait montre d’un excès de pouvoir au sens des dispositions de l’article 2 (3) (a) de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs ;
Qu’il échet au regard de ce qui précède, de faire amende honorable et de retirer purement et simplement l’arrêté préfectoral querellé ;
Deuxièmement :
Votre arrêté viole les dispositions constitutionnelles, les instruments internationaux, ainsi que les dispositions légales et réglementaires.
Première articulation : la violation du préambule de la Constitution du 18 Janvier 1996 et ses modifications subséquentes.
En ce que votre arrêté préfectoral en son article 1er, contraint sans base légale, les citoyens camerounais se trouvant même occasionnellement dans le département du MFOUNDI à restreindre leurs libertés d’expression et de communication, sous peine d’être frappés d’une interdiction de séjour pour une durée déterminée ;
Alors que la Constitution de la République du Cameroun en son préambule, consacre et garantit les libertés d’expression et de communication en ces termes :
« Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas ;
Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs ;
La liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté d’association, la liberté syndicale et le droit de grève sont garantis dans les conditions fixées par la loi » ;
Qu’en l’espèce, du fait du défaut de base légale de la mesure d’interdiction de séjour décriée, votre arrêté du 16 Juillet 2024 ne saurait être opposable à quiconque, cela du simple fait que nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas ;
Qu’en l’état, la décision querellée, du fait de sa simple existence, est non seulement attentatoire aux libertés fondamentales des citoyens, mais également contraire aux principes démocratiques universels auxquels l’Etat du Cameroun a librement souscrit ;
Que par ailleurs, les seules restrictions à la liberté de communication, la liberté d’expression, la liberté de presse ou même la liberté d’opinion, doivent être apportées par LA LOI, et non par UN ARRETE PREFECTORAL ;
Que d’ailleurs Monsieur le Préfet, même le prétexte de l’ordre public par vous invoqué dans votre acte administratif en son article 3 pour le justifier, est encadré par une loi, et non par un acte réglementaire, notamment la loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre ;
Que manifestement, votre arrêté viole outrageusement les dispositions de la Constitution que vous avez-vous-même visées (cf. premier visa) ;
Deuxième articulation : Violation des instruments internationaux régulièrement ratifiés par la République du Cameroun.
En ce qu’en raison du caractère arbitraire de votre arrêté préfectoral, les libertés fondamentales des citoyens camerounais sont menacées au mépris du dispositif normatif international ;
Alors que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, instrument international de portée coutumière, dispose en son article 13 que :
« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat » ;
Que l’article 18 de cet instrument international dispose que :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion… » ;
Que l’article 19 dispose quant à lui que :
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit » ;
Que ces valeurs universelles d’ailleurs consacrées par la Constitution, revêtent un caractère beaucoup plus contraignant avec la ratification par l’Etat du Cameroun courant Juin 1984, du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et ses articles 12 (1), 18 et 19 ;
Qu’ainsi, il se dégage de ce qui précède que l’arrêté querellé au-delà de son défaut de base légale déjà criard, viole les dispositions internationales en vigueur en matière de protection des droits et libertés fondamentaux ;
Troisième articulation : Violation des dispositions légales et contrariété avec la jurisprudence de la Haute Juridiction camerounaise.
D’une part,
En ce qu’en empiétant sur les pouvoirs du parlement et du judiciaire, notamment en modifiant l’ordonnancement juridique relativement aux droits fondamentaux des citoyens, et en vous auto proclamant AGENT CONSTATATEUR PUIS AUTORITE DES POURSUITES PENALES ET ENFIN JUGE PENAL, PUIS JUGE DE L’EXECUTION DES SANCTIONS PENALES par vous créées, et par vous prononcées, en cas d’inobservation de « vos règles », vous avez fait montre d’un excès de pouvoir manifeste ;
Que cela est d’autant plus incontestable que les nouveaux délits et crimes créés par votre arrêté préfectoral défient et échappent au corpus des 370 articles qui organisent la répression des comportements repréhensibles c'est-à-dire contraires à l’ordre public que contient la Loi n° 2016-7 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal de la République du Cameroun ;
Et qu’il est désormais constant que vous entendez par votre arrêté non seulement vous substituer au Parlement de la République (Assemblée Nationale et Sénat), mais aussi, vous vous arrogez des pouvoirs juridictionnels que ne vous reconnait aucun texte de la République ;
Alors que suivant le principe de la légalité des peines et des infractions, « sauf en ce qui concerne l’engagement préventif » qui relève de la compétence juridictionnelle des tribunaux, une peine ou une mesure ne peut être prononcée que si une infraction, c'est-à-dire un fait légalement réprimé a été commis(e), et qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, « seule la juridiction légalement instituée peut prononcer les mesures ou les peines prévus par la loi pénale » ce que vous n’êtes point ;
Que bien plus, le refoulement administratif qui transpire de votre arrêté comme mesure ou peine dont peuvent faire l’objet un citoyen vivant dans le Département du MFOUNDI, échappe à la nomenclature des peines principales, à celle des peines accessoires et à la nomenclature des mesures de sûreté contenues dans les dispositions des articles 18, 19, et 20 de la Loi n° 2016-7 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal de la République du Cameroun ;
D’autre part,
En ce que le dispositif de votre arrêté querellé est en tout point contraire aux dispositions de la loi n°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre que vous avez au demeurant visé ;
Alors que l’administration dans son déploiement institutionnel, est astreinte au même titre que les citoyens, au respect des lois de la République ;
Que pour ce faire, tous les actes qu’elle prend, y compris ceux susceptibles de pouvoir modifier l’ordonnancement juridique à l’égard des tiers, doivent être conformes à la loi ;
Qu’en l’espèce, aucune disposition de la loi n°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre n’autorise le préfet dans le cadre de sa mission de protection de l’ordre public, à restreindre les libertés de communication, d’expression, d’opinion et de circulation des citoyens par le mécanisme d’une interdiction de séjour dans son aire de compétence ;
Que cette sanction sortie tout droit de votre imagination, est manifestement illégale et porteuse des germes de fracture sociale susceptible de dégénérer à tout moment sur un trouble grave à l’ordre public ;
Qu’il est à noter que dans une espèce similaire à la situation aujourd’hui décriée, laquelle opposait le dénommé Obame Eteme Joseph à l’Etat du Cameroun, la Cour Fédérale de Justice dans son arrêt CFJ/CAY rendu en date du 27/01/1970, avait annulé l’arrêté du préfet du département du Ntem qui interdisait le sieur Obame Eteme Joseph de paraître et de séjourner sur toute l’étendue dudit département, alors même que contrairement à votre arrêté, celui contesté par le sus nommé avait été signé en vertu d’une ordonnance qui autorisait le préfet du Ntem à prendre une telle mesure en situation d’état d’urgence ;
Que dans son pouvoir de contrôle de la légalité des rapports de l’administration au droit, la haute cour a affirmé que l’ordonnance ayant servi de base à l’action du préfet du Ntem n’a pas été respectée dans sa lettre, celui-ci n’ayant pas établi que le sieur Obame Eteme avait cherché de quelque manière que ce soit à entraver l’action des pouvoirs publics, et que le seul fait de troubler l’ordre et la tranquillité publics était insuffisants pour mettre en œuvre la sanction d’interdiction de séjour prévue par l’ordonnance du 4 Octobre 1964 ;
Qu’en tout état de cause, la jurisprudence qui précède illustre à suffire, l’obligation faite aux autorités administratives quelles qu’elles soient, de respecter scrupuleusement la loi et partant, les droits fondamentaux des citoyens ;
Qu’en somme, aussi pertinent soit-il, un arrêté préfectoral qui est adossé sur la violation de la loi, est voué à disparaître dans un Etat de droit tel que le Cameroun ;
Quatrième articulation : Violation des dispositions réglementaires.
Alors qu’aux termes de l’article 40 du décret n°2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services :
« (1) Le préfet dispose des forces de police, de la gendarmerie et de l’armée dans les conditions fixées par les textes en vigueur.
(2) Il peut en outre, en cas d’atteinte à la sûreté intérieur ou extérieur de l’Etat ou à l’ordre public, accomplir personnellement ou requérir tout agent ou toute autorité compétente d’accomplir tous les actes nécessaires à l’effet de constater les crimes et les délits et d’en livrer les auteurs aux tribunaux, dans les forme et délai impartis par les textes en vigueur » ;
Qu’il ressort des dispositions ci-dessus consacrées par le décret sus évoqué, lequel encadre les attributions du préfet en République du Cameroun, que ce dernier ne saurait se substituer à un juge, encore moins au législateur sous le fallacieux prétexte du maintien ou de l’atteinte à l’ordre public ;
Qu’il revient au seul juge judiciaire, garant du respect des droits et libertés individuels, de prononcer à ce sujet et à l’encontre des citoyens, des sanctions légalement prévues par des lois votées par le parlement ;
Que de même, c’est à ce juge, qu’il revient de prendre des mesures conformes à la loi, et tendant à entraver la liberté de circuler, la liberté de communiquer, la liberté d’expression, ou encore la liberté d’opinion ;
Qu’en tout état de cause, il apparaît monsieur le préfet, que vous avez manifestement violé le cadre réglementaire de vos attributions clairement définies par le décret sus mentionné que vous avez d’ailleurs pris la peine de viser dans votre arrêté préfectoral ;
C’est pourquoi
Le requérant sollicite
Qu’il vous plaise
Monsieur le Préfet du département du Mfoundi ;
Vu l’exposé qui précède, ensemble les dispositions légales mobilisées à l’appui ;
En la forme
Recevoir le présent recours gracieux préalable comme introduit conformément aux dispositions de l’article 17 de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs ;
Au fond
Retirer avec toutes les conséquences de droit, l’arrêté préfectoral N° 00001436/AP/JO6/SP portant interdiction de séjour temporaire dans le département du Mfoundi, signé le 16 Juillet 2024.
SOUS TOUTES RESERVES
ET CE SERA JUSTICE
PROFONDS RESPECTS
(é)
Me Hippolyte B.T. MELI Me Sother MENKEM
Me Martin TENE NZOHOUA Me Serge Emmanuel CHENDJOU