Remaiement dans les prochains jours : un gouvernement de « grande ouverture » se prépare, l'opposition modérée en première ligne

Biya Dans Sa Demarche Image illustrative

Thu, 20 Nov 2025 Source: www.camerounweb.com

Paul Biya s'apprête à recomposer son équipe en intégrant des figures de l'opposition non-alignée. Cabral Libii, Joshua Osih et Serge Espoir Matomba dans le viseur du palais d'Etoudi.

Au lendemain d'une présidentielle qui a ébranlé le paysage politique camerounais, le palais d'Etoudi s'active en coulisses pour préparer un remaniement gouvernemental qui pourrait surprendre plus d'un observateur. Selon des informations exclusives recueillies par Jeune Afrique auprès de cadres du parti au pouvoir, un « gouvernement de grande ouverture » serait en gestation, avec l'intégration possible de plusieurs figures de l'opposition modérée.

Cette stratégie, qui viserait à neutraliser une partie de l'opposition tout en redorant l'image du régime, intervient dans un contexte particulièrement tendu. Alors qu'Issa Tchiroma Bakary conteste depuis le Nigeria les résultats du scrutin du 12 octobre, Paul Biya semble opter pour une approche à double tranchant : la fermeté face aux contestataires radicaux et la séduction des opposants jugés « fréquentables ».

Les noms qui circulent avec insistance dans les couloirs du pouvoir sont ceux de Cabral Libii, Joshua Osih et Serge Espoir Matomba. Jeune Afrique révèle que ces trois personnalités, toutes affaiblies par leurs contre-performances électorales, seraient activement approchées par des émissaires du régime. Leur présence lors de la prestation de serment de Paul Biya le 6 novembre dernier n'est d'ailleurs pas passée inaperçue et constituerait un signal fort de leur disponibilité.

« Ces profils présentent l'avantage d'être perçus comme non-alignés sur l'opposition radicale incarnée par Tchiroma Bakary ou Maurice Kamto », confie un conseiller présidentiel sous couvert d'anonymat. « Leur intégration au gouvernement permettrait de montrer une ouverture démocratique tout en fragmentant davantage l'opposition. »

Pour ces trois hommes politiques, l'équation est délicate. Cabral Libii, dont le score est passé de 6,28 % en 2018 à 3,41 % cette année selon les chiffres officiels, traverse une phase critique de sa carrière. Joshua Osih connaît une déroute encore plus sévère, chutant de 3,30 % à 1,21 %. Quant à Serge Espoir Matomba, son 0,35 % confirme sa marginalisation électorale.

L'analyste politique Moussa Njoya, interrogé en exclusivité par Jeune Afrique, livre une lecture sans concession du scrutin : « Les résultats de cette élection nous donnent à penser qu'il y a eu une double sanction. Une première contre Biya, qui a obtenu son pire score depuis 1992, et une seconde contre les leaders d'opposition qualifiés de trop proches du pouvoir. »

Cette analyse explique la fragilisation des trois députés de l'opposition. Aucun d'entre eux n'a remporté le scrutin dans sa propre circonscription, ce qui fait planer une menace sérieuse sur leur réélection lors des prochaines échéances locales. Dans ce contexte, une entrée au gouvernement pourrait apparaître comme une bouée de sauvetage politique, même si le risque de décrédibilisation totale est réel.

Pour le pouvoir, cette stratégie d'ouverture n'est pas nouvelle. Elle s'inscrit dans une tradition bien établie de cooptation des opposants, visant à diviser pour mieux régner. Mais pour les intéressés, accepter un portefeuille ministériel équivaudrait à tourner le dos définitivement à leurs bases militantes et à entériner leur image d'opposants « de façade ».

« C'est un pari risqué mais potentiellement salvateur pour leurs carrières », estime un observateur de la scène politique camerounaise. « S'ils acceptent, ils auront accès aux ressources de l'État et pourront tenter de rebâtir une influence locale. S'ils refusent, ils risquent de disparaître purement et simplement du paysage politique lors des prochaines élections. »

Jeune Afrique a appris que les discussions seraient déjà bien avancées avec au moins deux des trois personnalités concernées, même si aucune confirmation officielle n'a pu être obtenue à ce stade. Les prochaines semaines devraient être décisives, le remaniement gouvernemental étant attendu avant la fin de l'année.

Cette opération de séduction intervient alors que Paul Biya fait face à sa plus sérieuse contestation depuis celle de Maurice Kamto en 2018. Issa Tchiroma Bakary, retranché au Nigeria, mène une « guerre d'usure » dont personne ne connaît l'issue. En intégrant des opposants modérés à son gouvernement, le président camerounais cherche visiblement à isoler les contestataires radicaux et à démontrer que la voie du dialogue reste ouverte pour ceux qui acceptent les règles du jeu.

Reste à savoir si Libii, Osih et Matomba saisiront cette main tendue, ou s'ils choisiront de préserver ce qui reste de leur capital politique en restant dans l'opposition. Leur décision pourrait redéfinir durablement les contours du paysage politique camerounais post-électoral.

Source: www.camerounweb.com