Repli identitaire, laisser-passer et polémique historique : Bessala Valère répond au Prof Bokagné Édouard

Mini Valere Bessala New.png Bessala Valère répond au Prof Bokagné Édouard

Wed, 19 Feb 2025 Source: www.camerounweb.com

Dans une réponse cinglante et argumentée, Bessala Valère Bertrand réagit aux propos du Professeur Bokagné Édouard sur la question du repli identitaire des Bamiléké et l’instauration du laisser-passer au Cameroun. Tout en affirmant son respect pour l’aîné et l’historien de métier, Bessala déconstruit méthodiquement les arguments avancés, soulignant les limites d’une approche académique qui négligerait l’herméneutique et les intentions cachées derrière les faits historiques. À travers cette réponse, il invite à une relecture critique de l’histoire, loin des simplifications et des raccourcis, tout en défendant l’engagement politique de la jeunesse camerounaise pour un changement durable. Une contribution qui ravive le débat sur les mémoires coloniales et postcoloniales au Cameroun.



ROFESSEUR BOKAGNE ÉDOUARD, LE TITRE ACADÉMIQUE N'EST PAS UNE LICENCE D'OMNISCIENCE OU DE BONNE COMPRÉHENSION réponse lapidaire sur votre polémique inféconde sur le repli identitaire du Bamileké, conséquence de l'instauration du laisser-passer.

Réponse de BESSALA Valère Bertrand.

*Mots clés Bessala, Kamto, Libi'i, Bassa'a, Bamileké, combat politique, jeunesse engagée, Georges Chaffard, Mongo Beti.

Professeur, Cher Aîné et Maître. Ma déférence envers mes aînés n'a jamais et ne souffrira jamais d'aucun bémol. Et vous en faites souverainement partie.

Les termes que vous avez utilisés dans votre billet pour me désigner (par exemple : '' un certain Valère Bessala " = dédain, ignorance feinte), m'ont fait croire que ce n'est pas Vous mon Aîné qui étiez l'auteur de cette réflexion. Je vous lis et je vous suis. Et j'ai été quelque peu surpris.

Il n'est pas dans mes habitudes de répondre aux réactions de mes constructions, parce que j'estime que mon petit devoir est d'éveiller et de réveiller, pour le changement, ceux qui dorment ou somnolent. Chacun peut donc se réveiller à sa façon, douce ou violente. Et ceux qui me suivent sur mes interfaces, savent qu'aucun mot n'est jamais au dessus d'un autre lorsqu'il faut leur répondre, même s'ils sont offensants.

Je voudrais donc vous témoigner ma déférente reconnaissance d'avoir bien voulu faire vivre ce débat sur le repli identitaire et sur le '' laisser-passer ''.

Mais surtout, je voudrais modestement vous faire comprendre, et c'est l'objectif de ma réponse à votre billet, que ce document était certes un acte du colonisateur, et concernait tous les habitants du territoire, puis du Cameroun indépendant, mais l'intention sous-jacente peu avant et juste après les indépendances, était vraisemblablement de mieux contrôler et confiner les populations au comportement social et politique le plus irrédentiste , à savoir le Bassa'a et le Bamileké.

Ces deux(2) Camerounais sont ceux qui ont donné le plus de fil à retordre au colonisateur et aux nouveaux administrateurs après les indépendances (Et vous même vous le dites " le maquis des pays Bamileké est demeuré le plus irréductible '' Cf. Votre réaction de lundi 17 février). Nous ne pouvons pas leur enlever ce fait.

Vous ne dites donc rien de plus que je n'ai pas dit sur ce point. Et ce point était bien l'angle de mon propos sur ce plateau de débat. Il n'était pas question pour moi d'étaler la théorie sur les origines historiques générales et profondes du laisser-passer, encore moins ses utilisations dans le reste du Cameroun.

Seulement, je tiens à vous faire remarquer, que le fait pour un homme de science d'avoir consacré sa vie à une portion de la science, n'apporte réellement une plus value à la société que s'il crée et laisse croitre en lui la capacité à interroger ses prénotions. Être historien c'est bien. En avoir un titre académique, c'est peut-être encore mieux. Mais savoir interroger ce que l'on a lu, vu et entendu, c'est beaucoup plus utile.

Si vous l'avez compris, je vous situe là dans la sphère élevée de l'herméneutique des savoirs. Cette sphère au dessus du travail et des prouesses d'accumulation des connaissances est, j'espère vous le savez, le fruit et le résultat de l'esprit, mis au métier de connexion permanente à l'instinct, au sous-jacent, au connoté, au non dit, aux intentions dissimulées.

Il ne suffit donc pas seulement d'être '' historien de métier '', de lire des livres, de découvrir des archives et de les répéter à l'ouïe des tiers. Il faut aussi et surtout avoir la capacité de motiver le résultat de ses recherches, de le justifier ou l'accuser à fin de percer le mystère des intentions qui se dissimulent derrière son existence. Il faut donc être en possession d'autres outils nous permettant de mieux comprendre l'histoire que l'on '' découvre ''. Vos titres et votre parcours ne me permettent pas de penser que vous ne seriez pas en possession de ces outils d'herméneutique de l'histoire.

Je voudrais que vous le saisissiez mieux. Et j'espère que vous avez fait un peu d'administration, à défaut de l'avoir apprise sur les bancs en plus de votre '' métier '' d'historien. Toute activité légistique ou conception/élaboration des actes a, au delà d'une visée ou portée générale, des visées ou cibles spécifiques. Ces dernières trouvent même parfois leurs sources dans le besoin de satisfaction des intérêts ponctuels ou conjoncturels, subjectifs et égoïstes, des commanditaires ou des rédacteurs de ces actes. Exemple. Ahidjo modifie la constitution en 1979 pour faire du premier ministre, le successeur constitutionnel du Président de la République. À première vue cela concernait tous les Camerounais. Mais au fond c'était pour se donner personnellement des coudées franches qui lui permettraient trois (3) ans plus tard, d'imposer aux Camerounais celui que lui, il avait subjectivement choisi. Les camerounais ne le comprendront que la 04 novembre 1982.

Il en est de même des raisons dissimulées, qui pouvaient à l'époque, justifier le maintien du laisser-passer, ainsi que les abus de ses exigences qui en ont découlés, jusqu'en 1979, 19 ans après l'indépendance. En 2025, vous en êtes encore, du haut de votre '' métier d'historien '' à refuser corps et âme, de vous hisser et vous grandir dans la sphère de l'herméneutique de '' votre'' domaine, l'Histoire. C'est votre choix. Et nous autres le respectons.

Mais attention donc de ne pas céder à l'ivresse de la diplômite et des titres, qui semble vous autoriser à vous fondre systématiquement en mépris et propos abjects sur tout premier venu dans votre domaine ou '' métier ''. L'histoire n'est pas la propriété des historiens. L'historien n'a pas toute les clés de l'histoire.

Allons à quelques concrets.

Vous dites dans votre billet : " La France sent qu'elle va remporter la seconde guerre mondiale... ". Sans poser de doutes sur vos connaissances accumulées, je vous rappelle que la Fance n'a pas gagné la seconde guerre mondiale. Elle avait même cessé d'être un pays, car occupée et annexée par l'Allemagne qui avait confiné le pouvoir de Vichy défait et collaborant, sur un morceau résiduel de l'hexagone. La victoire des alliés n'est autre que le résultat pour très grande partie, de l'entrée des États-Unis dans la guerre, de la témérité du Premier Ministre Winston Churchill (protecteur du Général De Gaulle, errant entre la Grande-Bretagne et l'Afrique), et surtout de la hargne suivie de '' l'Homme d'acier '' ou '' le petit père des Peuples '' Staline, qui entre à Berlin le 2 mai 1945, et achève la dernière garde logistique et humaine du Reich.

Je peux comprendre ce type de lapsus, que je ne veux pas croire intentionnel de votre part. Surtout lorsque vous êtes reconnu avoir collaboré au récent ouvrage commandité par la France de madame Ramondy pour nier et gommer l'histoire des massacre de la France au Cameroun entre 1945 et 1971.

Et vous ne vous cachez pas de dire: " il n y avait jamais eu de génocide Bamileké au Cameroun ". Pour vous, un génocide commence à partir de quel nombre de personnes tuées au sein d'une communauté ? Le napalm vidé sur des populations entières à l'Ouest et dans le département de la Sanaga-maritime, en pays Bassa'a, était-il pour leur donner plus longévité ?

Je vous renvoie à Georges CHAFFARD dans le tome 2 de son ouvrage: Carnets secrets de la décolonisation . Il dit : " Entre Douala et Bafoussam, près de 400 000 Bamileké sont en dissidence. Pour établir l'ordre à la demande expresse du gouvernement camerounais, le Général BRIAND dispose de cinq bataillons, un escadron de chasseurs bombardiers T-26 (...) Ce sont de véritables grappes humaines sans armes mais hostiles qui barrent le passage et s'agrippent aux voitures (...) Ce qu'on attend d'eux c'est uniquement d'isoler la zone contaminée pour éviter la contagion, puis d'y briser la rébellion manu militari (...) Des officiers français admettront par la suite, qu'on a frappé trop fort, et qu'avec d'autres méthodes on eût obtenu à moindre prix, de meilleurs résultats (...) ".

Je vous invite aussi à (re)lire Mongo Beti , dans Main Basse sur le Cameroun . Il cite Georges CHAFFARD en pages 62 et 63. Et de plus, il y rapporte le témoignage de son '' camarade de lycée '' Elie TCHOKOKAM , devenu médecin et ayant exercé à l' '' hôpital de la région de Bafoussam '' en 1960 plus tard : '' Il m'a déclaré formellement qu'il avait soigné des brûlés qui avaient subi un bombardement au napalm ".

Vous dites que '' La guerre de décolonisation a commencé en 1958 ". Non Professeur. Autant la paix n'est pas seulement une absence de guerre, de même la guerre elle-même de saurait être uniquement un crépitement d'armes. La guerre ce n'est donc pas seulement le bruit des armes. C'est aussi le bruit du choc des idées, des idéologies, des émeutes, des manifestations réprimées par le sang avant cette année. Sinon UM NYOBE Ruben ne serait pas mort le 13 septembre 1958. Ç'aurait été trop top et incompréhensible, puisque selon vous, la guerre de décolonisation avait commencé en 1958.

Faut-il encore vous rappeler que la Société Razel Bek (ancienne appellation de l'actuelle Razel en BTP) était déjà utilisée à l'époque, pour raser des villages entiers en pays Bassa'a, afin de ramener les populations en bordures des routes, pour leur meilleur contrôle? Vous qui étiez impliqué de près ou de loin dans cette déchirure de notre histoire par la Commission Ramondy, pourquoi ne vous leur avez pas dit qu'en 1973 Yetna Leba continuait encore la résistance en pays Bassa'a ? Et donc qu'on ne pouvait limiter le travail de recherche à 1971. Il fut tué dans ces forêts et on lui colla l'étiquette de bandit de grands chemins. D'ailleurs vous même affirmez que l'on pourrait remonter à 1979 pour trouver les dernières traces de l'exigence du laisser-passer. Qui cherchait- on encore en cette année puisque pour, vous la traque des populations maquisards irréductibles, s'était achevée en 1971?

En tant qu'historien, vous avez il me semble, un imperieux devoir d' honnêteté et de vérité , surtout en ces temps qui courent. Les jeunes générations ont soif de savoir et de connaître leur histoire. LA VRAIE. Pas celle falsifiée à coups de consultations scientifiques par des intellectuels devenus '' intellectueurs '' au nom de leur quête de positionnement.

Pour ce qui est de notre combat politique , et celui de la Jeunesse Camerounaise en Politique. Je prends à bon compte vos conseils. Mais je tiens à vous rappeler que vous ne faites pas la politique. Du moins pour ce que je crois savoir.

Faites nous le plaisir s'il vous plaît professeur, de continuer à nous corriger lorsque nous disons des '' canulars '' ( c'est votre expression) ou désintéressez-nous lorsque que vous constatez que nous voulons '' faire les intéressés '' (ce sont encore vos termes).

Mais de grâce, veuillez nous épargner vos railleries poltrones et vos prédictions apocalyptiques sur nos destins politiques , dont la triste issue dans votre imagination, semble vous réjouir. Comme le combat politique pour le changement que nous menons ne vous concerne pas, à défaut de nous aider par vos grands conseils d'historien et de non engagé politique, éviter au moins de nous décourager.

Nous espérons seulement qu'une fois que nous serons tous détruits ( BESSALA, Kamto, Libi'i ) c'est vous et votre progéniture qui serez appelés à la récompense (comme ce fût le cas de ceux qui ne voulaient pas l'indépendance en 1960), pour changer le Cameroun dont vous critiquez les combattants politiques aujourd'hui, depuis votre retraite ombragée et stylo de donneur de leçons à la main. Comment pouvez vous prétendre donner de leçons en politique à ceux qui en font alors que vous n'en faites pas. Je vous retourne donc votre question: '' Comment jouez vous les ingénieurs des ponts et chaussées sans formation?" La politique s'apprend en la pratiquant. Vous ne l'avez jamais pratiquée. D'où et comment justifiez vous vos jugements et prédictions fatalistes sur ceux qui la font? À moins pour vous d'être un chargé de mission commandité par ceux que nous combattons.

Pour le reste, je ne suis pas historien. Je lis l'histoire de Notre Pays sous le prisme du changement d'hommes, de moeurs et de mentalités. De plus, les plateaux de télévisions ne sont pas des amphithéâtres. On y donne pas des cours. On y contextualise et calibre son argumentation en fonction du temps, des enjeux, et des interlocuteurs.

On ne peut donc faire oeuvre d'exhaustivité sur un plateau. Le mieux après un débat, et c'est cela que je dis aux jeunes au quotidien, est d'aller approfondir la réflexion par des recherches personnelles.

Pour ce qui me concerne, je ne suis pas omniscient. Je mets le peu que je crois savoir et connaître, à la disposition de la jeune génération, pour qu'elle puisse s'outiller davantage . Je fais ma part. Et vous aussi d'ailleurs. Puisque j'ai une certaine addiction de vos publications régulières et surtout de votre art de l'explication. Faites donc votre part. Surtout faite la bien, honnêtement et en toute vérité.

Si cette honnêteté et cette vérité sont oeuvre difficile pour vous, restez murés le silence ténébreux de votre ombre d' '' historien de métier '' et regarder le Peuple et sa Jeunesse engagée en politique se sacrifier pour vous et votre descendance.

Pour ce qui est du petit oiseau, il ne s'agit pas de vous. Mais d'une race d'intellectuels dont je continue de croire que vous ne faites nullement partie. Pour le '' maitre '', il ne s'agit non plus de moi, mais d'un terme générique pour désigner ceux qui font l'histoire. Peut-être '' administrateur '' et '' politique '' vous ont fait penser que je parlais de ma petite et insignifiante personne. À juste titre. Mais loin s'en faut. Simples Ellipses d'écriture.

Mais comme mon Aîné est déjà très remonté contre son Cadet et qu'il s'est senti heurté, je suis obligé de me plier à la TRADITION. Le Cadet ou le fils n'a jamais raison devant son aîné, son parent. Je paierai donc le prix de la colère de mon Devancier, par une honorable amende . Je ne me ferai pas annoncer pour cela.

Je le ferai avant que vos prédictions fatalistes ne se réalisent.

Merci .

@tout le monde

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