En novembre 2007, l’Allemand Otto Pfister débarque au Cameroun pour prendre le banc de touche des Lions Indomptables. C’est le choix du gouvernement.
Mais la Fécafoot dirigée par Iya Mohamed n’en veut pas. Mais il restera coach des Lions indomptables qu’il conduira jusqu’en finale de la CAN 2008 au Ghana avant de démissionner en 2009…
Que s’était-il passé ? Cet extrait du livre "Programmés pour échouer" de Jean Bruno Tagne dévoile tout.
"20 mai 2009. François Fillon débarque à Yaoundé, en plein flonflons de la fête nationale du Cameroun. Le Premier ministre français est accompagné d’une forte délégation d’hommes d’affaires, de journalistes et d’hommes politiques.
Le moment fort de cette visite d’État est le tête-à-tête entre François Fillon et Paul Biya le 21 mai 2010 sous les lambris dorés du palais de l’Unité à Etoudi. Alors que les Camerounais pensent que les deux hommes ne parlent que des nouveaux accords de défense entre la France et le Cameroun ou de la nouvelle donne des relations France-Cameroun, Fillon et Biya trouvent le temps de parler aussi de football !
Paul Biya, qui a depuis longtemps fait de l’équipe nationale de football du Cameroun une préoccupation d’État, s’en ouvre au Premier ministre français. Les Lions Indomptables se portent mal dans les éliminatoires couplés Coupe d’Afrique des Nations et Coupe du Monde 2010. Samuel Eto’o et ses coéquipiers ont perdu leur premier match contre le Togo (0 - 1). Une défaite inattendue qui n’a pas apporté de la sérénité dans le repaire des Lions Indomptables. Pis, la sempiternelle guerre entre le ministère des Sports et la Fédération camerounaise de football fait rage. Paul Biya est inquiet. Il voit lui filer entre les doigts une éventuelle qualification du Cameroun pour la Coupe du Monde. Une deuxième consécutive après celle de 2006 qui reste encore présente dans les esprits. Le prince d’Etoudi ne peut pas se le permettre. Lui qui mise sur une qualification des Lions Indomptables à la Coupe du Monde pour peaufiner ses calculs politiques.
Iya Mohammed : « Je ne signe rien ! »
Le bouc émissaire de ce risque de non-qualification du Cameroun à la Coupe du Monde 2010 est tout trouvé : le sélectionneur Otto Pfister. Cet Allemand de 73 ans vit un véritable drame au Cameroun. La Fédération camerounaise de football a refusé de signer son contrat lorsqu’il arrive à Yaoundé en novembre 2007. Seul le ministre des Sports a paraphé son engagement avec la sélection nationale, contrairement à la pratique qui veut que le document soit signé par le ministre des Sports et le président de la Fécafoot.
Pour le cas Otto Pfister, Iya Mohammed n’a pas supporté que le ministre des Sports porte son choix sur l’Allemand alors qu’il ne figurait qu’à la 10e place dans la short-list des potentiels sélectionneurs des Lions, confectionnée par une commission mixte ministère des Sports et Fécafoot, puis soumise à l’attention du ministre des Sports, Augustin Edjoa. Les candidats ont été auditionnés et classés par ordre de mérite. D’où vient-il donc que le 10e soit préféré aux trois premiers ?
À l’origine de cette préférence pour le moins douteuse du ministre des Sports pour Otto Pfister, il y aurait un arrangement aux contours flous entre Augustin Edjoa et un agent de joueurs nommé Fernand Taninche, jusque-là inconnu. Celui-ci rentre en contact avec Otto Pfister alors qu’il se trouve au Soudan où il entraîne Al Merriekh Omdourman, un club de première division. Fernand Taninche lui demande s’il veut entraîner les Lions Indomptables. L’Allemand est intéressé et ils se mettent d’accord sur une commission de 20 % de la prime de signature que Otto Pfister devra verser à l’entremetteur s’il est finalement retenu. L’affaire est conclue.
Le technicien allemand est retenu. Son bienfaiteur attend sa prime, mais le nouvel entraîneur des Lions refuse de lui verser le magot. Fernand Taninche dépose une plainte contre le sélectionneur des Lions et revendique le paiement immédiat de son dû, soit 24 millions de FCFA. Otto Pfister est perturbé, puisqu’il est parfois obligé de sécher les entraînements pour déférer aux convocations de la police judiciaire. Mais il persiste et signe : « Je ne lui dois rien ».
De son côté, la Fécafoot ne fait rien pour aider le sélectionneur des Lions. Il est parfois obligé de négocier lui-même des matchs amicaux. Otto Pfister est violemment critiqué par les dirigeants de la Fécafoot et par les médias à la solde de Tsinga. La défaite des Lions dès le premier match des éliminatoires de la CAN et de la Coupe du Monde 2010 contre le Togo (0-1) n’arrange pas les choses pour lui. Sa tête est sur le billot avant même qu’il ne décide de démissionner le 26 mai 2009. Paul Biya parlait déjà de sa succession avec François Fillon, qui n’est malheureusement pas un amateur de football.
Le chef de l’État camerounais se tourne donc vers Éric Besson, le ministre français de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, qui, dans le domaine, a une longueur d’avance sur son Premier ministre. Il a quelques contacts dans le milieu. Il fait donc appel à Charles Biétry, journaliste sportif, ancien directeur des sports de Canal+ recruteur au Stade rennais, conseiller à la présidence de la République en 2001…