Revirement spectaculaire: la BAS donne un consigne de vote clair

Issa Kamto Bello Image illustrative

Mon, 6 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

À la veille de la présidentielle camerounaise, la BAS Deutschland publie une déclaration historique dénonçant l'exclusion de Maurice Kamto et appelant à une concertation nationale pour le changement

À cinq jours du scrutin présidentiel camerounais, la Brigade Anti-Sardinards Deutschland (BAS Deutschland) a rendu publique, ce samedi 4 octobre, sa "Déclaration Finale" depuis la capitale allemande. Un texte engagé qui dénonce "l'exclusion arbitraire" du professeur Maurice Kamto du processus électoral et appelle tous les acteurs de l'opposition à s'unir derrière la candidature d'Issa Tchiroma Bakary pour "une transition pacifique et responsable".

Ce positionnement stratégique de l'une des branches les plus actives de la diaspora camerounaise en Europe intervient dans un contexte de forte tension politique au Cameroun, où Paul Biya, 92 ans, brigue un huitième mandat consécutif.

"Camerounaises, Camerounais, frères et sœurs de la diaspora", commence la déclaration lue à Berlin par les représentants de la BAS Deutschland. Le ton est solennel, l'ambition claire : tracer une voie vers le changement après 43 ans de règne de Paul Biya.

Le document rappelle d'abord le chemin parcouru depuis 2018, année où "le peuple camerounais fait face à une nouvelle injustice : l'exclusion arbitraire du professeur Maurice Kamto, candidat du peuple, symbole d'une opposition ferme et courageuse". Une exclusion que la BAS condamne "contraire à toute idée d'équité et de démocratie".

Mais la Brigade ne se contente pas de dénoncer. Elle propose une alternative : Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication et figure historique du RDPC, le parti au pouvoir, qui s'est récemment démarqué par des critiques virulentes contre le régime.

"Notre choix est clair : Issa Tchiroma Bakary", affirme sans ambages la déclaration. Un choix que la BAS Deutschland justifie non pas "par allégeance" mais "par stratégie et par devoir patriotique".

Selon le document, le Cameroun a besoin de trois éléments essentiels pour sortir de la crise : "une transition réelle, d'un dialogue national, et d'un leadership capable de réconcilier les forces". Issa Tchiroma Bakary réunirait, aux yeux de la BAS, ces trois qualités.

Cette prise de position marque un tournant dans la stratégie de la diaspora militante. Traditionnellement soutien inconditionnel de Maurice Kamto et du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), la BAS Deutschland fait ici le pari du pragmatisme : face à l'exclusion de Kamto du processus électoral, il faut soutenir celui qui peut battre Paul Biya dans les urnes.

Le document va plus loin en lançant un "Appel à la concertation nationale". La BAS Deutschland interpelle "tous les acteurs politiques engagés pour le changement", citant nommément Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, leader historique de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP).

L'objectif est explicite : "placer l'intérêt supérieur de la nation au-dessus des ambitions personnelles". Un message adressé aux egos des leaders politiques camerounais, souvent accusés de privilégier leurs calculs électoraux au détriment d'une véritable union de l'opposition.

"Le peuple attend un signe fort d'unité, de responsabilité et de patriotisme", martèle la déclaration. "L'alternance ne sera possible que si les forces du renouveau écoutent, se respectent et agissent ensemble pour le Cameroun."

Cette exigence d'union reflète une frustration profonde de la diaspora militante, qui observe depuis des années les divisions de l'opposition camerounaise, incapable de présenter un front commun face au régime de Paul Biya.

La BAS Deutschland formule également trois "exigences" qu'elle juge non négociables :

"Libération immédiate de tous les prisonniers politiques" — Une demande récurrente de l'opposition, qui dénonce l'incarcération de centaines de militants, journalistes et activistes pour des motifs qu'elle juge politiques.

"Réintégration du Pr. Maurice Kamto dans le processus démocratique" — Malgré son soutien à Tchiroma, la BAS n'abandonne pas Kamto et réclame son retour dans le jeu politique légal.

"Transparence absolue du scrutin du 12 octobre 2025" — La Brigade exige des garanties sur la régularité du vote, rappelant les accusations massives de fraudes qui ont entaché l'élection présidentielle de 2018.

Ces revendications dessinent les contours d'un "Cameroun nouveau" que la diaspora appelle de ses vœux : un pays où la liberté d'expression est respectée, où les opposants ne sont pas emprisonnés, où les élections sont transparentes.

Message à la diaspora : "Unissons-nous"

Le document consacre un passage spécifique à la diaspora camerounaise, dispersée sur tous les continents mais de plus en plus active politiquement grâce aux réseaux sociaux et aux organisations comme la BAS.

"Unissons-nous", lance la déclaration. "Le temps des querelles est fini. Nous devons soutenir toute voie possible vers l'alternance, défendre la vérité des urnes et protéger la souveraineté du peuple."

Ce message vise à fédérer une diaspora elle-même divisée entre différents courants : les partisans inconditionnels de Maurice Kamto, ceux qui soutiennent d'autres figures de l'opposition, les déçus de tous bords, et même les anciens soutiens du régime désormais en rupture avec Paul Biya.

La BAS rappelle que "en 2018, la résistance a commencé. En 2025, elle doit conduire à la renaissance." Une formule qui fait écho au slogan du MRC de Maurice Kamto, tout en l'élargissant à un projet plus vaste de transformation nationale.

Depuis sa création en 2018 par Calibri Calibro (Abdoulaye Thiam), la Brigade Anti-Sardinards s'est imposée comme l'un des mouvements les plus virulents de la diaspora camerounaise contre le régime de Paul Biya. Le terme "sardinard", utilisé de manière péjorative, désigne les Camerounais accusés de soutenir le pouvoir en place pour des intérêts personnels.

La branche allemande, basée à Berlin, s'est particulièrement illustrée par ses manifestations lors des déplacements du président camerounais en Europe, ses campagnes sur les réseaux sociaux, et ses actions symboliques visant à "réveiller les consciences".

La publication de cette "Déclaration Finale" depuis Berlin n'est pas anodine. L'Allemagne abrite une importante communauté camerounaise et la capitale allemande est devenue, ces dernières années, un hub de l'activisme politique africain en exil.

Le choix de la BAS Deutschland de soutenir Issa Tchiroma Bakary ne fait pas l'unanimité, y compris au sein de la diaspora militante. Sur les réseaux sociaux camerounais, les réactions ont été contrastées depuis la publication de la déclaration.

Certains saluent le "réalisme politique" de la Brigade, qui privilégie l'efficacité à l'idéalisme en soutenant un candidat qui peut légalement concourir. D'autres dénoncent une "trahison" de Maurice Kamto et du MRC, accusant la BAS de céder aux calculs électoraux.

Tchiroma lui-même, ancien ministre du régime Biya pendant sept ans (2011-2018), suscite la méfiance d'une partie de l'opposition qui voit en lui un "produit du système" incapable de transformer véritablement le Cameroun. Sa récente sortie à Douala, où il a critiqué l'absentéisme présidentiel et le règne des "hautes instructions", a cependant convaincu certains de sa sincérité.

Vers une union des oppositions ?

L'appel de la BAS Deutschland à une concertation entre Tchiroma et Bello Bouba Maïgari soulève la question cruciale : l'opposition camerounaise peut-elle enfin s'unir ?

Bello Bouba Maïgari, 79 ans, est une figure historique de l'opposition camerounaise. Leader de l'UNDP depuis 1991, il a toujours prôné le dialogue avec le pouvoir tout en maintenant une posture critique. Son rapprochement éventuel avec Tchiroma pourrait créer une dynamique nouvelle, rassemblant différentes sensibilités de l'opposition.

Mais les obstacles demeurent nombreux : rivalités personnelles, divergences programmatiques, méfiance mutuelle accumulée au fil des années. Et surtout, la question de la légitimité : qui a la légitimité pour incarner l'alternance dans un pays où Maurice Kamto, écarté du scrutin, reste perçu par une large partie de l'opinion comme le vainqueur légitime de l'élection de 2018 ?

"Un nouveau Cameroun est possible"

Et une citation attribuée à G. Potago : "Un nouveau Cameroun est possible".

Ce slogan résume l'espoir qui traverse le document : au-delà des divisions, des déceptions, des échecs passés, le changement reste possible. Mais il nécessite, selon la BAS Deutschland, de dépasser les clivages, d'accepter les compromis stratégiques, et de placer l'intérêt national au-dessus des ambitions individuelles.

À cinq jours du scrutin, la déclaration de Berlin s'inscrit dans un contexte de forte mobilisation de la diaspora camerounaise. Partout en Europe, aux États-Unis, en Afrique, des organisations d'opposants se préparent à surveiller le déroulement du vote, à dénoncer d'éventuelles fraudes, à manifester si nécessaire.

Source: www.camerounweb.com