Rivalités des chefferies Bamileke : c me Cas du Haut- Nkam.

Image illustrative

Tue, 20 Sep 2022 Source: www.camerounweb.com

.Dans le cas du département du Haut-Nkam, auquel appartient la ville de Bafang, ces clivages séculaires sont encore plus profonds, conséquences directes de guerres « tribales » qui ont conduit à la configuration actuelle des chefferies.

Le territoire qui épouse aujourd’hui le département du Haut-Nkam totalise deux chefferies de premier degré : Bana et Banka. Bien avant la colonisation, ces deux groupements y avaient déjà assis leur domination. Ils se disent d’ailleurs ghim, c’est-à-dire « fondés par la ruse et la violence, sans l’accord des chefs voisins ». Vers 1750, la conquête de Pumbo [Barbier, 1981, p. 346] mettait en contact direct ces deux principales chefferies. Au cours de cette lutte, les éléments pumbo réfractaires à la domination de Bana vinrent fonder Babouanté. Dans un second temps, les chefferies voisines de Folentcha et de Bandoumka dériveront de ce mouvement migratoire.

Banfelouk arrivera au même endroit peu de temps après Babouate. Banka suivra un développement parallèle à celui de Bana, puisqu’il commencera par conquérir tous les chefs locaux qui se trouvent dans son aire d’influence : on y dénombre pas moins de dix-sept fontue (chefs soumis). Les populations originaires de Banka feront par ailleurs preuve de ruse et d’entreprise pour fonder de nouvelles dynasties. Ce sera d’abord celles de Banféko, Bagangté et Bangang-Fonkam au début du xviiie siècle, puis dans un second temps, vers 1800, les fondations successives de Fontsinga, Komako et Baboutcha-Fongam ouvriront une route au profit de Banka.

Ces chefferies seront autant de relais pour l’approvisionnement en huile et l’accès aux biens européens.

Les tentatives expansionnistes de ces deux puissantes chefferies vont se poursuivre au xixe siècle. Elles se feront d’abord au détriment des chefferies plus septentrionales. C’est ainsi que dans la première moitié du xixe siècle, Banka attaquera au nord-ouest Babouanté, Bandoumka, et Banfélouk, qui viennent de s’installer, et au nord-est la chefferie de Bandoumga, à qui elle prendra finalement Bakowen. Bana, de son côté, partagera le territoire de Ndumla avec Babouantou et Banka, en se réservant la plus grande part et le siège de la chefferie.

Les chefferies immédiatement voisines de Bana s’opposeront à ses ambitions et mettront sur pieds des coalitions efficaces. Pour desserrer cet étau, Bana entretiendra des alliances avec des chefferies plus éloignées se sentant menacées par Banka. Schématiquement donc, chaque chefferie se trouve entourée par une ceinture de chefferies ennemies, lesquelles sont à leur tour encerclées par ses alliés. Mais après une première victoire contre Bandoumkassa (milieu du xixe siècle), Bana dut faire face, sous le règne de Monthe II, à une coalition de l’ensemble de ses voisins.

Il reçut l’aide de Batchingou qui lui donna dix-huit fusils de traite et fit appel à Bandjoun. Banka mit à profit les coalitions et tenta de conquérir Bassap. Cette petite chefferie résista, soutenue par Monthe II, puis par Happi I de Bana. Bakassa de son côté, sympathisa avec Banka et exigea de Bana le versement d’un droit de passage sur son territoire. Banka bénéficia aussi du soutien des Allemands, puisque Bassap fut considéré comme une de ses sous-chefferies. Cette situation dura jusqu’en 1937, en dehors d’un court intermède entre 1923 et 1930, pendant lequel Bassap passa sous tutelle Bana [Barbier, 1981, p. 346].

Malgré les ambitions de ses deux plus puissantes chefferies, Banka et Bana, l’actuel département du Haut-Nkam est resté une mosaïque de petites chefferies défendant chacune jalousement son indépendance. Outre la possibilité pour chaque chefferie de s’armer par le commerce des armes à feu et de la poudre, il faut noter l’absence d’un danger extérieur tel que celui qui existait à l’est du pays bamiléké (les raids bamoun), et qui provoqua la formation de plus grandes chefferies. Le compromis classique entre le besoin de protection et le souci de conserver son indépendance s’est établi au bénéfice du second terme.

La formation de coalitions était une réponse suffisante aux dangers éventuels. La pénétration coloniale, en imposant un rapport de force nettement déséquilibré et en privilégiant certaines chefferies, allait mettre pratiquement fin aux jeux d’alliances qui régissaient les rapports inter-chefferies.

Aujourd’hui encore, les relations entre chefferies restent marquées par ces événements du xixe siècle. En 1936, l’administrateur Raynaud notait que « les gens de Bana furent longtemps boycottés sur les marchés des chefferies voisines ex-ennemies sous la suspicion d’empoisonnement ». Les tranchées profondes de deux mètres qui coupent les collines de la région de Bana en maints endroits et qui sont autant de frontières inter-chefferies témoignent de l’âpreté de ces luttes territoriales. Des rancunes tenaces subsistent et à l’intérieur même des chefferies, et certains fontue nourrissent toujours des projets d’indépendance, devenus utopiques [Barbier, 1981, p. 346-347].

Source: www.camerounweb.com