Sérail: le Consupe en déroute face à un ancien DG de la Semry

Le tribunal administratif annule les décisions querellées

Sat, 25 Dec 2021 Source: Kalara

Une mission de contrôle de l’organisme étatique en lieu et place de l’administration fiscale avait dressé un rapport imputant des préjudices à l’entreprise du fait de la gestion du directeur général (DG) des années 2007 à 2009. Le tribunal administratif annule les décisions querellées en constatant que le Consupe s’était attribué des prérogatives en violation de la loi.

L’épée de Damoclès jadis suspendue sur la tête de Marc Samatana n’existe plus. Le Tribunal administratif du Centre a annulé, le 14 décembre dernier, les deux décisions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) qui lui imposaient le versement d’environ 32,5 millions de francs au Trésor public. Le montant lui était imputé pour un retard de paiement de la Taxe sur la Valeur ajoutée (TVA) au courant de la période allant de 2007 à 2009, lorsqu’il était directeur général (DG) de la Société d’Expansion de la Riziculture de Yagoua (Semry). Un sérieux revers pour l’institution après plusieurs autres déjà retentissants, notamment devant les professeurs agrégés Bruno Bekolo Ebe et Henri Désiré Modi Koko.

Porté à la tête de la Semry en 2006, Marc Samatana a raconté que l’entreprise traversait une période difficile. Pour redresser la société «en crise sociale et dont le compte d’exploitation était largement déficitaire», le Dg avait pris des décisions qui lui sont retombées sur la tête plus tard. Il va tenter par tous les moyens de juguler les grèves à répétitions des employés en payant leur salaire avec des fonds collectés à d’autres fins.

M. Samatana quitte son poste à la Semry quelques années plus tard, mais avant, il doit répondre de ses actes. Une mission de contrôle du Consupe viendra mettre le nez dans ses archives comptables et constatera des retards de paiement de la Taxe sur la Valeur ajoutée (TVA) auprès des services fiscaux compétents. En 2010, un rapport est dressé et l’ancien DG est convoqué par le Conseil de Discipline budgétaire et financières (CDBF) du Consupe.

Le CDBF lui reproche d’avoir exposé la Semry à des dettes fiscales importantes. Un état des lieux sera dressé par les experts de l’équipe et un montent arrêté pour dédommager les risques subis par la société. La sanction tombe le 16 mars 2012. Il est demandé à Marc Samatana de verser un peu plus de 31,5 millions de francs à la Semry. De ce montent cumulé va encore découler des pénalités fixées par la CDBF, à hauteur d’un million de francs.

L’ancien DG doit donc s’acquitter du paiement d’un peu plus de 32,5 millions de francs pour réparer le supposé préjudice cause à la Semry. C’est pour contester cette imposition, jugée «fantaisiste» par lui, que le concerné avait saisi le Tribunal administratif du Centre.

Preuves introuvables

Dès l’cfttame de son propos devant les juges, le représentant du Consupe s’est excusé de l’absence des documents fiscaux attendus par te tribunal. La présentation desdits documents avait été te prétexte du renvoi de l’affaire lors de la précédente audience. L’homme explique que malgré des fouilles minutieuses effectuées dans les archives des Centres des impôts de Maroua et Yagoua, son équipe et lui n’ont pas pu retrouver les traces des retards de paiement de la TVA cumulés par Marc Samatana, du temps où il gérait la Semry. C’est ainsi qu’il préfère axer son argumentaire prioritairement sur les implications et conséquences du défaut de paiement d&cette taxe dans tes délais par l’ancien DG Il se base pour cela sur certains précédents judiciaires qui ont valeur de références (des jurisprudences).

Le débat va achopper sur «la prescription» soulevée par le camp de l’ancien DG au sujet du versement de la TVA. Le représentant du Consupe répond que les recettes collectées par les receveurs municipaux sont exemptes de cette prescription. «Il a reconnu qu’il prélevait et ne reversait pas mais payait plutôt les salaires», révèle l’agent du Consupe. Cette attitude du DG est considérée comme une faute grave, selon lui, puisqu’il y avait une allocation annuelle à la Semry pour le paiement des salaires. Une enveloppe de 250 millions de francs que M. Samatana n’aurait pas utilisée de manière optimale. Le paiement des salaires ne devait pas être prioritaire au versement de la TVA, défend le Consupe, malgré la justification des grèves répétées des employés et tes pressions des élites de la localité de Yagoua rapportée par te DG

Le non-paiement de la taxe serait ensuite préméditée pour le représentant du Consupe, puisque la Semry avait en plus bénéficié à cette époque d’une aide supplémentaire de l’Etat dans le cadre d’un «contrat plan Etat Cameroun/ Semry» qui lui attribuait plus de 2 milliards pour la redynamisation de ses activités. Le rôle de «médecin urgentiste» que Marc Samatana prétend avoir joué ne serait qu’un leurre, selon le Consupe. L’attention de l’institution aurait été attirée par une remise gracieuse accordée par le ministère des Finances de plus de 700 millions répertoriés comme arriérés de TVA en mars 2010. La mission dépêchée à la Semry aurait confirmé la mauvaise gestion fiscale du DG

Après l’exposé du représentant du Consupe, quelques interrogations subsistent pour le tribunal Est-ce que le Consupe n’aurait pas besoin des obligations de l’administration fiscale ?, se demande le président du collège des juges.

L’institution jouit de certaines prérogatives au même titre que tes fonctionnaires de l’administration fiscale, répond son représentant dans le procès. «Nos inspecteurs sont assermentés et à ce titre, ils peuvent faire le travail d’un inspecteur de l’administration fiscale», soutient-il. Il ajoutera qu’ils ont une compétence des plus larges pour s’enquérir du préjudice fait à l’Etat. «La compétence est d’existence légale», fait remarquer le président qui ne se rappelle pas d’avoir entendu l’homme évoqué ou invoqué une loi qui consacre ces prérogatives. «Pourquoi ne pas avoir fait appel à l’inspecteur compétent? Personne n’est au-dessus de la loi. Pour poser un acte, il faut d’abord se rassurer s’il est conforme à la loi», ajoutera le juge.

AMR inexistant

A défaut de saisir les autorités compétentes pour exercer un contrôle fiscal le président du collège des juges pense que les éléments du Consupe auraient pu produire un Avis de mise en Recouvrement émis par l’administration fiscale à la Semry avant la remise des dettes en 2010. «Il y a des actes de contrôles que vous ne pouvez pas poser. Vous deviez prendre des dispositions. Ça ne nous fait pas plaisir parce qu’on va dire que ce monsieur doit de l’argent mais s’il n’y a pas l’AMR, ce n’est pas possible», conclut-il

Une réponse en référence à la-réplique du conseil de Marc Samatana qui met le Consupe au défi de lui présenter les documents fiscaux incriminant son client quelques minutes plutôt. Concernant le préjudice futur allégué par le Consupe, le juge estime qu’il y a aucun moyen d’être sûr que le Minfi n’accorderait pas une autre remise de dettes à la Semry. Cet acte annulerait alors les effets du préjudice mis à la charge de Marc Samatana. Le représentant du Consupe tentera d’expliquer que la remise de 2010 a été faite dans un cadre précis mais ne parviendra pas à convaincre les juges.

La réserve est aussi présente du côté du ministère public. «Le Consupe doit s’amender prochainement», pense la magistrate. Elle conseille à l’institution de ne s’en tenir qu’à ses prérogatives reconnues par la loi et ne devrait plus se hasarder à effectuer des contrôles fiscaux et des impositions. L’annulation des deux décisions incriminées devient ainsi inévitable, selon le ministère public. Le verdict du tribunal en fin d’audience abondera dans le même sens avec le retrait des décisions 001 et 002 du 16 mars 2012 imposant à Marc Samatana le paiement de la somme de 32,5 millions de francs à la Semry.

Source: Kalara