La Chambre des Comptes vient de déclencher une procédure qui promet de secouer les fondements de la gouvernance administrative camerounaise. Dans le cadre d'une enquête approfondie sur la gestion des fonds liés à la pandémie de COVID-19, l'avocat général Félix Owona Etoundi a formulé des réquisitions qui traduisent une volonté sans précédent d'assainir la fonction publique. Les accusations portées contre quatre hauts fonctionnaires du Ministère de la Santé révèlent des dysfonctionnements potentiellement systémiques dans la gestion des ressources publiques.
Chacun des quatre fonctionnaires visés par ces poursuites représente un maillon stratégique de l'administration sanitaire nationale. Élysée Amour II Eyenga Ndjomo, en tant que conseiller technique n°1, occupait une position névralgique au sein du Minsanté. Ousmane Diaby, chef de la division des études et projets, était responsable de la planification et de la conception des stratégies ministérielles. Rémy Bekolo Edou, comptable-matériel au cabinet du ministre, gérait directement les ressources financières et matérielles. Abiba Ntue Ngapout, payeur à la paierie spécialisée du Trésor, contrôlait les flux financiers.
L'avocat général a requis des sanctions qui vont bien au-delà des procédures disciplinaires habituelles. La demande d'une interdiction d'occuper un poste de responsabilité dans la fonction publique pendant 10 ans représente une mesure radicale. Cette sanction, accompagnée d'une interdiction d'assumer des fonctions d'ordonnateur pendant 5 ans, signifie une exclusion pure et simple des cercles décisionnels administratifs. L'amende de 2 millions de francs CFA pour chaque fonctionnaire ajoute une dimension financière à ces sanctions.
L'accusation de faute de gestion dans le contexte de la pandémie de COVID-19 soulève des questions cruciales sur la transparence et l'utilisation des ressources publiques. Cette période de crise sanitaire avait nécessité des investissements massifs et urgents, justifiant une vigilance accrue sur l'utilisation des fonds. Les investigations de la Chambre des Comptes semblent avoir mis au jour des irrégularités significatives dans la gestion de ces ressources.
Ces réquisitions dépassent le simple cadre judiciaire. Elles traduisent une volonté politique de restaurer la confiance dans les institutions publiques. Le message est clair : aucun fonctionnaire, quelle que soit sa position, ne se trouve au-dessus des règles de bonne gouvernance. Cette démarche s'inscrit dans une dynamique de lutte contre la corruption et de moralisation de l'administration.
Le verdict final pourrait avoir des répercussions profondes sur le système administratif camerounais. Au-delà des sanctions individuelles, c'est tout un système de contrôle et de responsabilité qui se trouve interrogé. Les observateurs politiques et les acteurs de la société civile attendent avec une attention particulière la décision finale de la Chambre des Comptes.
L'affaire dépasse largement le cadre d'un simple contrôle administratif. Elle symbolise la lutte contre l'impunité et la volonté de transparence dans la gestion des ressources publiques. Chaque étape de cette procédure sera scrutée comme un test grandeur nature de l'engagement des autorités à moraliser la vie publique.