En partance pour l’Europe, le chef de l’Etat s’est présenté en public entouré de nouveaux hommes.
Deux séquences ont frappé en avril dernier à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen les habitués du train-train précédant les voyages présidentiels. Contrairement aux usages, le chef de l’état n’a reçu en audience au salon d’honneur que le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.
Le président de l’assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril et le Premier ministre, Philemon Yang, n’ont eu droit, chacun, qu’à un furtif échange, au moment de serrer la main à Paul Biya, au pied de l’échelle de coupé pour le premier et à l’entrée du pavillon présidentiel pour le second.
Plus significative est la seconde séquence captée par les caméras de la Cameroon radio television (Crtv) et les photographes accrédités. Au moment d’embarquer dans l’avion le conduisant en Europe, un nouveau visage apparaît sur le tapis rouge derrière le président de la République. Costume bleu, chemise blanche, cravate beige, l’homme est le seul à avoir le privilège d’arpenter la «moquette de souveraineté », quelques centimètres après Paul Biya.
Le second commis à la garde rapprochée du chef de l’état (un autre visage inhabituel) longe le tapis rouge, tenant fermement une mallette de couleur noire au bout de son bras droit. Suffisant pour déclencher les commentaires dans le sérail. Captivés par cette dernière séquence, d’aucuns se risquent déjà à parler d’un nouvel aide de camp désigné par le président de la République. Il s’agirait du capitaine Ottou Meka (aperçu derrière Paul Biya mercredi), qu’on dit particulièrement proche du chef d’état-major des armées, le général René Claude Meka.
Celui-ci aurait été préféré au lieutenant Jean Noah (en poste), qu’on présente comme un poulain de conseiller spécial du chef de l’état, le contre-amiral, Joseph Fouda. Les tenants de la thèse du changement (effectif ou à venir) au poste hyper sensible d’aide de camp, déclarent que le tandem Fouda-Noah est en disgrâce auprès du prince parce qu’accusé de « trafic d’informations confidentielles ».
L’on parle notamment de notes de renseignement compromettantes sur un certain membre du gouvernement, qui se seraient retrouvées, comme par enchantement, entre les mains de ce dernier.
Discrétion
Info ou intox ? En tout état de cause, les batailles dans l’entourage du président de la République ne datent pas d’aujourd’hui. Ces derniers temps, elles friseraient le bal de requins, pire le jeu de massacres. La cible semble toute trouvée. Il s’agit du contre-amiral Joseph Fouda, ancien aide de camp, aujourd’hui conseiller spécial du chef de l’état. Présenté comme l’un des rares confidents les plus écoutés du chef de l’état, ce dernier fait partie de la suite officielle de Paul Biya, pour le déplacement de mercredi dernier, au moment où d’aucuns voient sa tête sur le billot. « Lui et le lieutenant Noah font partie de la délégation qui se trouve à Genève.
Mais, la discrétion leur a été imposée. Nul ne peut dire s’il s’agit du début de leur descente aux enfers», souffle un familier du sérail. Bien malin qui pourra donc décoder cette « scène de cour » lorsqu’on sait que Paul Biya est une vaste énigme, un adepte impénitent du contrepied. A ce propos, on peut mobiliser cette anecdote servie par Jean-Marie atangana Mebara (secrétaire général de la présidence de la République de 2002 à 2006) à la page 256 de son dernier ouvrage pour se convaincre que Paul Biya est véritablement indéchiffrable.
« À l'aéroport un jour, au salon d'honneur, le président dit au revoir aux personnalités d'État et à ses proches collaborateurs, avant un voyage à l’étranger. Il est légèrement en retard. Il a presque fini les audiences usuelles.
Mais il ne reçoit pas son secrétaire général. À la demande du protocole d’État, ledit secrétaire général a été invité à se rendre au bas de l'échelle de coupé. Et puis subitement un élément du protocole court vers moi et me dit que le chef de l’État m’appelle. Que me dit-il?
« Si je ne vous reçois pas ici, j'imagine les commentaires auxquels vont se livrer les journaux et les commentateurs, qui concluront, péremptoires, à votre mise en quarantaine, voire à votre éviction prochaine. Personne ne sait que nous avons déjà eu une séance de travail au bureau ce matin.». Et après trois minutes d’un entretien surréaliste, il me dit simplement : «Gardez bien la maison !».