Question: Quelle impression avez-vous eue de Paul Biya à votre première rencontre ?
Alexandre Zewa: La première fois que j'ai rencontré personnellement le Président Paul Biya, je suis venu me présenter à lui. Quand je suis entré dans son bureau, il m'a dit qu'il avait déjà mon nom, qu'on le lui avait communiqué. Il m'a invité à m'asseoir. Il était très souriant, puis il m'a serré la main. Pendant l'échange que nous avons eu, qui a duré entre 15 et 20 minutes si mes souvenirs sont exacts, il m'a révélé que mes supérieurs hiérarchiques lui avaient parlé en bien de mes états de service ; qu'ils étaient fiers de moi, et que c'est la raison pour laquelle ils avaient décidé de m'envoyer à son service, parce qu'ils savaient que j'allais faire du bon travail. L'échange a été convivial, chaleureux. Pour une première rencontre, c'était très bien. Il m'a dit qu'il était très heureux de pouvoir travailler avec moi. Et il prit congé de moi.
Question: Quel genre de patron était Paul Biya ?
Alexandre Zewa: Le Président Paul Biya était très aimable, il venait toujours aux nouvelles et demandait les nouvelles de ma famille. On ne pouvait rêver d'un meilleur patron. De l'endroit où je me trouvais, je dois reconnaître que le Président Biya a toujours été ouvert avec moi. Je n'ai jamais perçu, encore moins soupçonné une quelconque hypocrisie dans son comportement. Jamais. Au contraire. Par exemple, quand l'un de nous s'était mal comporté, ou qu'il avait commis un impair, il l'appelait en aparté et lui demandait les raisons qui l'ont poussé à agir de la sorte et lui demandait de ne plus récidiver quand la faute était avérée. Je n'ai jamais vu le Président Paul Biya en colère. Jamais, je ne l'ai entendu hausser la voix, encore moins réprimander quelqu'un. C'est quelqu'un d'extrêmement posé. Il a beaucoup de retenue. Il est très discret, surtout en ce qui concerne sa vie privée. Il n'en parlait jamais.
Question: À quoi ressemblaient ses journées ?
Alexandre Zewa: Le matin, il partait au bureau et rentrait souvent manger à la maison. Mais ce n'était pas tout le temps. Les weekends, il faisait parfois du vélo. Je puis même vous dire que la première fois qu'il a fait du vélo, c'était avec moi. En plus du vélo, le Président jouait au golf, au tennis, pratiquait la nage et la marche à pied.
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Question: Du peu que vous saviez étaient les rapports entre Paul Biya et Ahmadou Ahidjo ?
Alexandre Zewa: À cette époque-là, le Président Paul Biya et le Président Ahidjo qui était au pouvoir avaient de bons rapports. Il est arrivé plusieurs fois, je ne peux même pas compter le nombre de fois, que le Président Paul Biya m'a appelé pour me dire qu'on se rende à la présidence de la République. Et nous partions, et ce, peu importait l'heure. En voyant tout cela, à l'époque, nous ne nous doutions de rien. Or, le Président Ahidjo préparait le Président Biya à être ce qu'il est aujourd'hui. Il le préparait à devenir Chef d'État. C'est plus tard que nous l'avons compris. D'où je me trouvais, je peux dire que le Président Ahidjo lui avait imposé un rythme de travail d'enfer.Je n'ai pas été surpris. Quand le Président Ahidjo, en 1982, a décidé de quitter le pouvoir, et de le confier au Président Biya, j'ai reconstitué le puzzle, et tout s'est mis en place. Cela peut paraitre excessif, mais si vous connaissiez les liens entre ces deux hommes, l'alchimie qu'il y avait entre eux, vous ne seriez être surpris. Ils se comprenaient à demi-mot. Le Président Ahidjo avait placé toute sa confiance dans le Président
Biya qu'il aimait beaucoup. Chaque fois que le Président Ahidjo avait un travail sérieux à faire, il consultait toujours Paul Biya, qui était devenu Premier Ministre et avait quitté la Présidence de la République. Or, il y avait des secrétaires généraux de la présidence de la République qui étaient là, et disposés à donner leurs avis. Mais le Président Ahidjo les ignorait pour recueillir d'abord l'avis du Président Biya. Je les entendais parfois discuter.
Question: Avez-vous un message à lui adresser?
Alexandre Zewa: Je lui dirais qu'il m'a oublié. C'est très difficile de le rencontrer; voire impossible. J'ai essayé de le rencontrer à plusieurs reprises, en vain. Je lui ai envoyé des lettres en espérant qu'il les recevrait. Mais je n'ai jamais eu de suite. Je me suis rendu souvent à Mvomeka'a, pour rencontrer ses frères et sa mère que j'ai connus quand j'étais à son service. Quand sa mère est morte, j'y suis retourné, tout comme quand son frère Mvondo a également été rappelé auprès de Dieu.