Pour comprendre les déboires de Yves Michel Fotso, il faudrait rentrer 20 ans en arrière. Il faut chercher à savoir comment l’un des hommes d’affaires les plus prolifiques et côté à l’international a réussi à pénétrer un système. Cette affaire mêle affairisme, réseaux, connexions, coups bas et lutte de pouvoir. L’équipe de CASH INVESTIGATION a décidé de vous plonger dans un pan du système Biya. Mais pour cela nous avons divisé ce dossier en trois phases : Une première phase portant sur l’arrivée de Fotso à la CAMAIR, une seconde sur sa gestion de la CAMAIR et une dernière partie sur sa chute.
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Nous vous livrons ici la première phase.
Le 23 janvier 1998, Cyrille Etoundi remplace Samuel Minko à la tête de la CAMAIR. La société est au bord de la faillite. Elle éprouve parfois des difficultés à approvisionner ses avions en Kérosène. Il lance le slogan « Renaissance 2000 » pour restructurer la compagnie aérienne nationale, en passant notamment par le renouvellement de la flotte symbolisée par la vente du Boeing 747 Combi dont l’exploitation était peu rentable en raison des coûts de carburant. Si Cyrille Etoundi ne réussira finalement pas à vendre le Boeing 747 « Mont cameroun », il se rabattra sur les deux Boeing 737 de la CAMAIR baptisés « The Manyu » et la « Benoué » faisant partie des premières acquisitions effectuées par Ahmadou Ahidjo dans les années 70.
Les liens entre le nouveau directeur général et Yves Michel Fotso se renforcent lorsque ce dernier entre au Conseil d’Administration de la Cameroon Airlines. C’est l’homme d’affaires le plus prestigieux du Cameroun à cette époque et sa banque, la CBC peut faire des avances à l’Etat pour soutenir ses sociétés. Signe de cette bonne entente, Yves Michel Fotso crée d’ailleurs une société AIC, (Air Inter Cameroun) qui va louer durant quelques années un Boeing 737 à la CAMAIR. L’alliance d’intérêt entre Cyrille Etoudi et Yves Michel Fotso fonctionne très bien dans la mesure où les services de AIC à la CAMAIR sont payés au dessus de la moyenne du marché. Plus, Etoundi s’appuie sur la CBC de Fotso pour mener ses opérations financières en attendant que l’Etat puisse rembourser les sommes empruntées à la banque.
Les rapports entre les deux hommes marchent très bien jusqu’au jour où Yves Michel Fotso décide de passer à l’offensive. Cyrille Etoundi ne paie plus les dettes de la CAMAIR. Des détournements massifs s’opèrent au sein de la société. En avril 2000, il demande au conseil d’administration de débarquer son ami. Officiellement « pour empêcher la mort de l’entreprise ». Alors que deux des trois administrateurs camerounais du secteur privé et les deux administrateurs représentant Air France sont favorables à cette suggestion, les sept administrateurs issus du secteur public s’opposent estimant qu’il revient au seul président de la République de relever de ses fonctions ce dirigeant qu’il a lui-même fait nommer.
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Mais c’était mal connaître la détermination de l’homme d’affaires. C’est depuis des années un ami de Marafa Hamidou Yaya qui est justement secrétaire général de la présidence de la République (SGPR). Il avait déjà fait savoir à son ami Marafa qu’il ne pouvait pas continuer à appuyer la CAMAIR à travers la CBC s’il est incapable de contrôler le management de la société. Après l’échec du débarquement par le Conseil d’administration, Fotso décide avec l’aide du SGPR de rencontrer Paul Biya. Paul Biya lui accorde une audience en 2000. Fotso lui dresse une situation chaotique de la compagnie et lui remet une note d’information sur la CAMAIR. Paul Biya est content et lui demande s’il peut prendre la tête de l’entreprise. Ce qu’il accepte.
Il est cependant important de souligner que lorsque « l’homme du Renouveau » confie la CAMAIR à Yves Michel Fotso, cela relève d’abord d’une décision politique. Paul Biya, en crise de légitimité et en proie aux crises sociales et économiques ne veut pas se voir en plus attribuer le décès de la compagnie aérienne nationale héritée de Ahmadou Ahidjo. Car, la CAMAIR, c’est d’abord une affaire d’orgueil national.
Lui-même justifie sa nomination en ces terme : « Je suis nommé à la tête de la Camair par le président de la République pour aider à redresser la Compagnie. Je ne suis pas fonctionnaire. C’est d’ailleurs la première fois, dans toute l’histoire du Cameroun, qu’un pur produit du secteur privé est nommé à la tête d’une société para-étatique et, qui plus, est une société stratégique. En plus, on ne me demande pas de me démettre de mes autres fonctions. Cela veut dire que durant mon séjour à la Camair, je suis vice-président de la Cbc, je suis vice-président de la Commercial Bank Centrafrique, etc. J’ai beaucoup d’autres postes de responsabilité. Mais, l’Etat accepte cela. Je pense, à mon humble avis, que les gens ont compté sur cette force « financière » qui m’accompagnait pour pouvoir redresser la Camair. Il faut encore une fois mettre les choses dans leur contexte.
Ce n’est pas que l’Etat n’avait pas d’argent. Dans le programme d’ajustement structurel, la Banque mondiale interdit une quelconque subvention aux sociétés qui étaient sur la liste des entreprises à privatiser. Donc, il est évident que l’Etat me demande de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour redresser la barre. Mais, contrairement à certains directeurs généraux qui sont nommés sans savoir comment cela a été décidé, je suis allé voir le président de la République. Et quand le Président de la république me parle, il me dit ce qu’il ambitionne. Il me dit comment est-ce qu’il voit le futur de la Camair.
Et quand ce monsieur vous parle, vous buvez ses paroles et vous êtes convaincu, vous êtes prêt à vous battre pour accomplir les missions qu’il vous confie. J’ai été subjugué par la volonté manifeste du chef de l’Etat de tout faire pour sauver la Camair » . Pourtant c’était le début de la fin pour le fils du milliardaire de Bandjoun.