20 mai 2016. C’est le plein d’œuf au « Boulevard du 20 mai » à Yaoundé, à l’occasion de la célébration de la fête de l’Unité nationale au Cameroun. Le cérémonial consacré à l’arrivée et à l’installation du Président de la République se déroule comme sou- vent, plein de son, de couleurs et surtout d’émotion. Tout se passe comme prévu jusqu’à cet instant fatidique où une technologie vieille de plusieurs décennies décide de trahir son maître : la limousine déca- potable présidentielle, utilisée depuis toujours pour passer en revue la foule de citoyens qui assistent massivement au défilé, s’arrête de rouler au moment même où le Chef de l’Etat entreprend ce rituel républicain. Malgré la bonne volonté humaine, la machine n’en fait qu’à sa tête. L’image est très vite captée et diffusée sur les réseaux sociaux. C’est l’émoi pour certains, un régal pour d’autres, entre peine légitime et sarcasmes honteux. La fête aura été belle comme à l’accoutumée, mais cette image restera longtemps dans le champ visuel de nombreux camerounais.
Autre 20 mai, cette fois en 2018.
Le boulevard éponyme est plein à craquer. La foule est venue nombreuse, les téléspectateurs se comptent par millions, le protocole républicain est réglé au millimètre. A l’heure prévue, le cortège présidentiel est annoncé. C’est la montée d’adrénaline pour un évènement qui revendique des records de charge émotionnelle. Réglé comme un métronome, le Maybach présidentiel se gare à la fraction de seconde près à l’instant et à l’emplacement prévu, où vient l’accueillir le Ministre de la Défense, selon le rituel consacré. Vient ensuite l’exécution de l’hymne national, « O Cameroun, berceau de nos ancêtres», et le traditionnel passage en revue des troupes. Fin de la revue des troupes, et place à la suite du cérémonial. Et là... Surprise ! Le public n’en croit pas ses yeux. La Nation tout entière a le souffle coupé. « Popol a fait fort ! », « le tour ci, le Boss a vex ! », « voilà ! Parlez encore! », Peut-on entendre ici et là, dans les tribunes ou devant les écrans de télévision.
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Pour une surprise, c’en est une. Et de taille : pour saluer la foule, le Président de la République monte à bord d’un SUV limousine présidentiel, modèle dernier cri de chez Land Rover, baptisé « Sentinel ». Un véritable « Command car ». Les dimensions hors du commun de ce monstre mécanique donnent froid dans le dos, et le récit qui s’en suit des spécifications techniques et des équipements de sécurité du nouveau bijou présidentiel donnent le tournis. Oui, ce jour-là, le Président a fait fort ! D’un 20 mai à l’autre, les curieux en ont eu pour leurs yeux, les patriotes pour leur attachement aux symboles, et les « haineux » du 20 mai 2016, pour leur impertinence et leur « manque de respect ». L’épisode du 20 mai 2016 était donc définitivement oublié.
« Qu’on le veuille ou non, le Cameroun n’a pas inventé la poudre en matière de sécurité du Président la République. Partout dans le monde, l’arma- ture et l’architecture des institutions font du Président un personnage central, voire le socle sur lequel reposent toutes les autres institutions »
Débat clos donc sur le malheureux incident de 2016 ? Loin s’en faut. Ce serait sans compter sur l’habituelle ingéniosité de certains concitoyens, qui sont passés maîtres dans l’art de transformer les situations, de tout peindre en noir et de voir le diable partout. Cette fois ils ne se moquent pas, ils dénoncent. Ils s’indignent. Ils condamnent. Quelques escapades sur Internet donnent aux plus hargneux, matière à crier à l’imposture, à la gabegie et à l’insolence. Oubliée la vieille dame capricieuse de 2016, place à la nouvelle locataire du parking présidentiel, que beaucoup ont tôt fait de rendre responsable de tous les maux de leur quotidien. Le nouveau symbole du pouvoir présidentiel est affublé des prix les plus exorbitants, aussi injustifiés pour les uns que totalement insensés pour les autres. Comme en 2016, les sentiments sont partagés, entre fierté républicaine et bouderies en tous genres. Il faut pourtant ne prendre que quelques secondes de lucidité, pour n’y voir qu’un débat stérile et complètement futile, les enjeux de sécurité, de représentation et de prestige de la fonction présidentielle pouvant largement justifier des sacrifices d’un certain niveau.
QU’EST-CE QU’UN CHEF D’ETAT?
Le chef de l'État est la personne qui exerce l'autorité suprême d'un Etat, qui représente l'ensemble de la nation dans le pays et dans les relations internationales. Le chef de l’État est garant de la continuité de l'État. Diverses fonctions lui sont traditionnellement rattachées : représentation extérieure, promulgation des lois, nomination aux hautes fonctions publiques. Selon le pays, il peut être le plus éminent détenteur du pouvoir exécutif effectif, ou au contraire personnifier le pouvoir suprême exercé en son nom par d'autres personnalités politiques.
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Au Cameroun, l’article 5 de la Constitution du 18 janvier 1996 stipule que le Président de la République est le Chef de l’Etat. Elu de la Nation toute entière, il incarne l’unité nationale et veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il est par ailleurs « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords internationaux ». Dans le même ordre d’idées, l’article 8 attribue au Président de la République un rôle de représentation de l’Etat dans tous les actes de la vie publique. Il est le Chef des Armées et veille à la sécurité intérieure et extérieure de la République. Il en découle que toute menace sur la sécurité du Président de la République fait peser un péril grave sur l’intégrité territoriale du pays, son indépendance ainsi que sur la stabilité des institutions. Le Président de la République est donc le verrou voire la goupille qui garantit la stabilité de la Nation. Comme on peut le voir et sans qu’il soit besoin de s’étendre outre mesure sur les prérogatives du Chef de l’Etat, il apparaît de manière claire que ce dernier est à lui seul l’incarnation de l’ensemble de l’Etat, qu’il représente d’ailleurs. Vu sous cet angle, il est donc juste de dire que le Chef de l’Etat est l’Etat, et que toute atteinte, physique ou morale à la personne du Chef de l’Etat est une atteinte à l’Etat. Cette précision sur le caractère hautement central de la personne du Chef de l’Etat dans la vie d’une Nation comme la nôtre permet de comprendre, s’il en était encore besoin, la pertinence et le bien fondé des mesures particulières qui ont toujours été prises, ici ou ailleurs, pour en assurer la sécurité.
POURQUOI FAUT-IL ASSURER LA SECURITE DU CHEF DE L’ETAT ?
Comme nous l’avons vu plus haut, le Chef de l’Etat est garant de l’indépendance du pays, de sa sécurité et de la stabilité de ses institutions. Mais peut-on garantir la sécurité d’une Nation sans être soi- même en sécurité ? Peut-on pré- tendre assurer la sécurité du Cameroun et des Camerounais sans veiller d’abord à la sécurité du Chef de l’Etat ? Même si de prime abord la réponse à ces questions relève d’un truisme, il nous semble néanmoins nécessaire de nous y appesantir un brin.
Sans nous étendre sur les lieux-communs justifiant la pertinence d’un dispositif de sécurité adapté pour un Président de la République, il est important de visualiser les conséquences, ainsi qu’on les a vécues dans divers pays, de failles ou de négligences dans la sécurité des Chefs d’Etats. Il ne faut surtout pas l’oublier ni se leurrer, dans le contexte d’instabilité mondiale que nous vivons, renforcé par les troubles qui durent depuis des mois en zone anglophone, le Chef de l'État constitue, par sa fonction même, un objectif stratégique pour les ennemis de la République et les apôtres du chaos. Le risque est per- manent, omniprésent, protéiforme. Les actions à prévenir peuvent avoir des origines très diverses, de l'individu déséquilibré ou illuminé aux "stratèges de la peur" du terrorisme international, en passant par la multitude des groupes activistes qui foi- sonnent dans nos frontières. Les principaux facteurs de dangers potentiels résultent principalement de questions extérieures, mais aussi de l'exacerbation partisane des tensions socio-politiques intérieures. Dès lors, la dissuasion est un des aspects fondamentaux de la Protection présidentielle, afin de décourager les instigateurs comme les exécutants d'actions diverses d’atteinte à la sûreté de l’Etat par une atteinte corporelle à la personne du Président de la République.
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L’article 5 de la Constitution du 18 janvier 1996 stipule que le Président de la République est le Chef de l’Etat. Elu de la Nation toute entière, il incarne l’unité nationale et veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il est par ailleurs « garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords internationaux ».
LES USAGES DE NOTRE TEMPS EN MATIERE DE SECURITE DES CHEFS D’ETAT
Qu’on le veuille ou non, le Cameroun n’a pas inventé la poudre en matière de sécurité du Président la République. Partout dans le monde, l’armature et l’architecture des institutions font du Président un personnage central, voire le socle sur lequel reposent toutes les autres institutions. Partout dans le monde, des mesures particulières sont prises pour assurer la sécurité du Chef de l’Etat. Qu’il s’agisse d’avions spéciaux, de palais ultra sécurisés ou de véhicules blindés, tous les pays ont monde ont pris conscience de l’impératif de consentir tous les investissements nécessaires pour préserver le corps social des effets dévastateurs d’une crise institutionnelle majeure pouvant découler d’une atteinte à la personne du Chef de l’Etat. Et qu’on veuille également l’admettre ou non, l’ana- lyse du dispositif actuel de sécurité autour du Président de la République amène de manière objective à classer le Cameroun parmi les pays les plus raisonnables en matière de dépenses de sécurité pour un Chef d’Etat. Nous y reviendrons plus loin.
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Pour rester sur les principes en matière de protection du Président de la République, il y a donc lieu de converger sur la réalité que l’adop- tion de mesures et de dépenses spé- ciales pour la protection du Chef de l’Etat est une exigence de notre temps, marqué par les menaces multiformes, conventionnelles ou non-conventionnelles. C’est que, ici comme ailleurs, l’intégrité physique du Chef de l’Etat et la sécurité de la Nation sont nécessairement liées, dès lors qu’en raison du symbolisme voulu par les Constituants, le Président de la République est la personnification même de l’Etat, la réalité humaine visible et vivante d’une construction institutionnelle qui prend globalement corps dans une seule individualité.
On y croit ou n’y croit pas, la vérité reste implacable : le Président Paul BIYA est et a toujours su rester raisonnable en matière de dépenses pour sa sécurité. Même la mauvaise foi la plus chronique ne résisterait pas à une comparaison avec des pays à niveau de développement similaire au nôtre, voire même avec des pays moins développés. Tenez par exemple : le Chef de l’Etat came- rounais ne dispose pas d’un avion spécial ultra sécurisé de type « Air Force One » comme on peut le voir aux Etats-Unis et dans la plupart des pays, alors même qu’une telle acquisition dans son dispositif de sécurité serait de nature à rassurer l’ensemble de la communauté natio- nale, à l’heure où notre pays fait face à un ensemble de menaces qui font du Président de la République une cible toute désignée. C’est que l’Homme du 06 novembre a le sens de la mesure, moulé qu’il a été dans les valeurs de modestie et de sobriété.
Bien plus, comment ne pas se publiques, a attendu plus de trois décennies pour mettre au rebut un véhicule dont il était évident que le remplacement aurait un coût financier évident ? N’y a-t-il pas là une occasion de saluer la jus- tesse des choix ainsi que la pondéra- tion d’un Homme reconnu pour son sens de la mesure ?
Il y a donc lieu de prendre définitivement conscience du caractère prioritaire que revêt la prise de mesures particulières de sécurité pour le Chef de l’Etat, sa sécurité conditionnant celle de l’ensemble de la Nation, de par la volonté du Constituant. Le pouvoir Constituant a en effet expressément lié la sécuri- té du Président de la République à celle du reste de la Nation, de sorte que l’intégrité physique et morale du Président soit un préalable à l’in- tégrité territoriale de la Nation. On ne peut donc pas se préoccuper de la sécurité de la Nation sans prendre les mesures les plus complètes et les plus fortes pour garantir celle de celui qui incarne à lui tout seul l’Etat, et qui est le garant de la stabi- lité des institutions qui animent la République. Cela n’est du reste pas une originalité camerounaise.
POUR EN FINIR AVEC LA FAUSSE
« AFFAIRE SENTINEL » : COMBIEN DEVRAIT COUTER LA SECU- RITE DU CHEF DE L’ETAT ?
On l’a dit plus haut, certains compatriotes excellent dans l’art du grossissement et de l’hyperbole per- manente. Ils sont comme prison- niers des extrémismes qui les incli- nent tantôt à minimiser à outrance, tantôt à exagérer. Le cas de la nou- velle acquisition présidentielle en est une parfaite illustration. Le temps d’un éclair, les spécialistes de la rengaine et de la polémique creu- se ont multiplié les grilles tarifaires, avec l’intention affichée de présen- ter à l’opinion une voiture tantôt trop coûteuse, tantôt trop luxueuse, et globalement hors de prix et donc inadaptée à notre contexte. Les mêmes qui avaient jugé le Président de la République incapable de se doter d’un véhicule neuf et qui ne tombe pas en panne à tout bout de bitume, le condamnent aujourd’hui pour avoir restauré l’honneur de la Nation tout entière, après qu’il a été foulé en mondovision ce fameux 20 mai 2016. Mais que veulent-ils donc, me demanderez-vous ? La réponse nous semble toute simple : ils ne savent pas ce qu’ils veulent, cette minorité perdue au milieu de nulle- part dans un océan d’aigreur et de ressentiment.
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Par ailleurs, les spécifications en matière de sécurité du nouveau « Sentinel » n’en font-elles pas, au- delà de son éclat évident, une acqui- sition de loin plus utile qu’agréable ? Chacun répondra à ces questions selon les dispositions de son esprit, mais aussi et surtout selon la repré- sentation qu’il se fait d’un Président de la République, garant de la Constitution, de l’intégrité du terri- toire et de l’indépendance de la Nation.
Afin de contribuer à taire défini- tivement la polémique sur cette fausse affaire, nous souhaitons pour notre part attirer l’attention de cer- tains compatriotes amateurs de sen- sationnel, sur le caractère central voire sacré de la personne du Chef de l’Etat dans une Nation qui aspire à la prospérité et à une stabilité pérenne. Le Chef de l’Etat est un concentré institutionnel, l’institu- tion qui conditionne toutes les autres institutions, le socle humain sur lequel repose tout l’édifice répu- blicain. Pour ces raisons et pour toutes les autres, LA SECURITE D’UN CHEF D’ETAT N’A PAS DE PRIX./-