Selon une étude des Nations Unies publiée en novembre dernier, en Afrique, en moyenne, cinq femmes sur 200 000 sont tuées par un proche chaque année. Un phénomène qui touche quasiment tous les pays du Continent, mais à des proportions différentes. Prenons le cas du Cameroun par exemple. Un choix loin d’être fortuit.
En 54 jours, 16 femmes, dont des jeunes filles ont été assassinées. Des chiffres avancés par le quotidien camerounais la Griote, un média spécialisé sur les questions féminines.
D’après les précisions du journal, il a traité particulièrement ces cas de féminicides, qui ont suscité des vagues d’indignations sur les réseaux sociaux.
Les époux souvent les « bourreaux »
Le 12 avril dernier, dans la ville de Mokolo, au Nord du Cameroun, une enseignante est morte. Elle a été tuée par son époux. Tenez-vous bien ! L’institutrice a fait 18 ans de mariage. Aujourd’hui, elle laisse derrière elle 8 enfants issus de son union avec son désormais meurtrier.
Recrudescence des cas de féminicides au Cameroun
Une mère de 3 enfants tuée et décapitée.
À Yaoundé, l’assassinat de Vanessa, une jeune dame 32 ans hante toujours le sommeil des membres de sa famille. Les résidents sont notamment toujours sous le choc. La mère de 3 enfants a été sauvagement tuée et mutilée.
Le père de la défunte a confié ces mots à Jean-Charles Biyo’o Ella, notre correspond à Yaoundé. « J’ai reçu un appel téléphonique, j’étais à Bangui. On m’a annoncé que ma fille a été décapitée. Je suis aussitôt rentré. Arrivé chez elle, la scène du crime était une mare de sang. Je suis dépassé par les événements. Je ne pense pas que je vais me remettre de ce choc. Depuis, j’ai du mal à marcher. Je titube. »
Une étudiante assassinée, le suspect s’est donné la mort.
Parfois, les circonstances de mort de certaines femmes au Cameroun sont mystérieuses et laissent les familles meurtries et dans le flou total.
Dans une même fratrie, 6 victimes, toutes tuées de façon identique. Parmi elles, figure Dorcace, jeune étudiante à l’université de Yaoundé.
Sa mère inconsolable nous raconte le film du drame. « Elle était venue ici au moment des vacances scolaires pour aider sa sœur dans les tâches ménagères entre autre. Hélas, elle ne retournera jamais au campus. »
La justice s’est saisie de l’affaire. Quelques jours plus tard, un suspect a été appréhendé par la police et la gendarmerie. L’homme de 32 ans s’est suicidé 24 heures après son arrestation.
Le présumé assassin s’est pendu dans les toilettes de sa cellule avec l’aide de la ficelle de sa culotte a annoncé la police sans donner plus de détails.
Une jeune camerounaise basée en France tuée, lors de sa visite à Yaoundé.
Elle est venue au Cameroun en février dernier. Quels jours plus tard, on l’a tué nous dit son frère cadet Mouhamed Rahim.
« C’est un ami de la famille qui a identifié le corps de ma sœur via les réseaux sociaux. En fait, la photo de ma sœur a été partagée sur le net pour identification. Nous nous sommes rendus sur place pour bien confirmer son identité. Ce fut, un jour, long et fatidique. Ma sœur a passé une journée normale. Rien ne présager qu’elle se ferait tuer. Elle a passé la journée au salon pour se coiffer, puis elle est retournée à l’hôtel. Ma sœur a parlé au téléphone avec certain membre de la famille jusqu’à 21 heures. Après, c’est le silence radio, plus de nouvelles d’elle. »
Force de remarquer que le féminicide prend des ampleurs inquiétantes au Cameroun affirme Rabeantoandro Coordinatrice des programmes à l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes - Antenne Centre.
Elle précise que la situation concerne toutes les régions du Cameroun.
« Les cas de féminicides notés au premier semestre 2023 sont en hausse, si nous faisons une comparaison avec les données globales de toute l’année 2022. Un autre phénomène marquant : les meurtres sont de plus en plus atroces. Les meurtriers commettent leur forfait devant les enfants et ou les membres de la famille de la victime. Dans toutes les régions du Cameroun, on enregistre des cas de féminicides.»
Profil des femmes tuées
Le regain des cas de féminicides nous pousse à savoir quels types de femmes sont souvent tuées.
Selon la coordinatrice des programmes à l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes - Antenne Centre, il n’y pas de profils spécifiques de femmes assassinées. Elles ne sont pas tuées à cause de leur âge, de leur ethnie ou de leur situation socio-économique. Mais le plus souvent, elles sont tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint.»
Prise en charge psychologique
Il faut un suivi psychologique des familles des victimes, voilà pourquoi l’Association camerounaise de lutte contre les violences faites aux Femmes a initié une cellule de soutien. Elle a pour mission d’orienter, d’accompagner et de soutenir les familles des victimes.
« Cette cellule aide les familles a entamé la procédure judiciaire, notamment dénoncé le présumé coupable et porté plainte. Nous disposons d’une juriste et d’une avocate pour la famille des victimes. Le service est gratuit. Nous avons également des assistantes sociales, un psychologue pour le suivi psychologique qui est aussi important. »
Souvent, les procédures judiciaires sont longues, il y a aussi la lourdeur des procédures administratives. La Coordinatrice des programmes à l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes - Antenne Centre incite les femmes à avoir le courage de quitter leur conjoint violent. Souvent, les violences conjugales se soldent par un féminicide dit-elle.
Analyse sociologique
L’exacerbation des cas de féminicides au Cameroun, serait le résultat d’un ensemble de facteurs sociologiques, comme la violence et pression sociale ; c’est du moins l’avis du Professeur Claude Abe, sociologue.
« Au Cameroun, la femme, est très vulnérable et elle est exposée à toutes les formes de violences. Depuis un certain moment, on constate au Cameroun, une augmentation des profils d’hommes qui commettent des crimes passionnels. En cause : je peux citer la montée du capitalisme dans la société camerounaise. »
Les conséquences socio-économiques
« Le Cameroun vise l’émergence, cependant avec des chiffres effarants de féminicides, il sera difficile d’atteindre l’émergence. Il y a notamment de nombreux enfants qui se retrouvent du jour au lendemain orphelin et traumatisés avec toutes les conséquences que cela engendre », décrypte le Professeur Claude Abe, sociologue et formule quelques recommandations :
Malgré nos multiples tentatives, il nous a été impossible d’avoir le Ministère Camerounais de la femme et de la Famille.
L’Organisation des Nations Unies, en guise de prévention estime que les cas de féminicides peuvent être prévenus. Cela passera par l’identification précoce des femmes touchées par la violence, l’accès à un soutien et à une protection centrés sur les survivants notamment. Mais, il faut également se pencher sur les causes profondes.
Le renforcement de la collecte de données sur les féminicides est un aspect important. Il permet de prévenir et d’éliminer la violence faite aux femmes et aux filles.