Samuel Eto'o et la FECAFOOT : quand le football occulte les problèmes réels du Cameroun

Eto'o Biya CAF Samuel Eto'o et Paul Biya

Mon, 31 Mar 2025 Source: www.camerounweb.com

Plus de trois ans après l'élection de Samuel Eto'o à la présidence de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) en décembre 2021, le football continue d'occuper une place disproportionnée dans le débat public camerounais. Entre détracteurs acharnés et soutiens indéfectibles, l'ancienne star du FC Barcelone polarise l'attention médiatique et les discussions, éclipsant souvent des problématiques bien plus cruciales pour le quotidien des citoyens.

"Quand tu ouvres les forums le matin, à midi, le soir, c'est la FECAFOOT a fait ci, a fait ça, Eto'o est monté, il est descendu... c'est incroyable ce niveau d'envoûtement," déplore un observateur agacé par cette surexposition. Cette omniprésence médiatique de la FECAFOOT et de son président interroge sur les priorités d'un pays confronté à des défis structurels majeurs.

Cette focalisation sur les affaires footballistiques semble d'autant plus déconnectée de la réalité que des problèmes fondamentaux persistent dans la vie quotidienne des Camerounais, y compris dans la capitale. "On est dans certains quartiers de Yaoundé aujourd'hui 10 jours dans l'obscurité, on parle bien de Yaoundé, capitale d'un pays dirigé depuis 50 ans presque par les mêmes personnes, c'est incroyable," poursuit notre témoin.

La liste des défis auxquels font face les citoyens au quotidien est pourtant longue et préoccupante : "On ne peut être dans la capitale d'un pays avec la poubelle partout, la poussière, on n'en parle plus... Même dans les bâtiments ministériels, ça pue, on dirait des latrines. La lumière, on fait des jours zéro, le noir total. L'eau, alors n'en parlons pas, il n'y a pas de robinet dans plusieurs endroits de la capitale depuis l'entrée en fonction du régime actuel."

Ces témoignages mettent en lumière un paradoxe frappant : alors que des problèmes essentiels comme l'accès à l'électricité, à l'eau potable ou la salubrité publique persistent, une part considérable de l'attention médiatique et des discussions publiques reste accaparée par les péripéties de la FECAFOOT et de son président.

Pour certains observateurs, cette focalisation sur le football n'est pas anodine. "C'est vraiment déplorable qu'une seule personne attire l'attention d'un peuple jusqu'à ce qu'il oublie les vrais problèmes qu'il traverse au quotidien," analyse un citoyen, qui poursuit avec un appel à l'action : "Sachons une chose, le changement de ce pays viendra de nous. De ce fait, il est indéniable que nous nous inscrivions massivement dans les listes électorales afin de choisir nous-mêmes nos dirigeants."

Cette analyse rejoint celle de nombreux politologues qui voient dans cette "footballisation" du débat public une forme de diversion par rapport aux enjeux démocratiques et de développement qui devraient mobiliser l'attention des citoyens, particulièrement à l'approche des échéances électorales de 2025.

Au-delà des jugements sur la gestion de Samuel Eto'o à la tête de la FECAFOOT, l'ampleur de l'attention qui lui est accordée constitue un phénomène sociologique et médiatique révélateur des dynamiques à l'œuvre dans la société camerounaise.

Entre passion authentique pour le sport roi, instrumentalisation politique du football, et besoin d'échappatoire face à des réalités difficiles, cette focalisation excessive invite à une réflexion profonde sur les priorités collectives et la capacité à mobiliser l'opinion publique sur les défis fondamentaux auxquels le Cameroun est confronté.

Alors que le pays se prépare pour des élections cruciales en octobre 2025, la question se pose : le débat public saura-t-il se recentrer sur les problématiques essentielles qui détermineront l'avenir du pays, au-delà des polémiques footballistiques ?

Source: www.camerounweb.com