Dans un éditorial jugé explosif publié par le magazine « Jeune Afrique » intitulé « Paul Biya : la mort en face », le directeur de rédaction de Jeune Afrique lève le couvercle sur la marmite bouillante et laisse se répandre beaucoup de vapeur chaude, au sein du sérail, dans les points chauds et les chaumières.
Les apparatchiks, les dinosaures, les caciques et les fossiles du sérail sont en branle. « À 91 ans, le président camerounais Paul Biya fait face à des rumeurs persistantes sur sa santé » . Dès l'entame du texte de François Soudan, l'on est presque averti; le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, ne porte pas les gants pour aborder la délicate question de la fin de règne des chefs d'État africains. Entre déni de la maladie, crainte du vide politique et nécessité de préparer l'après, l'éditorialiste plaide pour une acceptation lucide de la finitude du pouvoir, garante de la stabilité des nations après le départ de leurs dirigeants. Mais dans une nation nommée Cameroun où « l'État est ailleurs » comme l'écrivait Luc Sindjoun, Conseiller spécial du président Paul Biya, la question lancinante à savoir si les grands de ce monde oseraient accepter l’idée de leur finitude provoque des frayeurs et une panique vive. La fébrilité est visible au sein du sérail. Au Cameroun, pendant plus de quatre décennies une constellation de « Dragons » engendrés par le régime du Renouveau, a pris le pays en otage. Ils contrôlent tout ; ils se reproduisent à travers leurs progénitures, en conséquence, ils ont peur de l'arrivée du grand soir, craignent, redoutent l'alternance au pouvoir. Accrochés à leurs privilèges, campés et intransigeants sur l'enrichissement illicite, ils ne se voient pas entrain de lâcher la mainmise et l'emprise de la fortune publique. C'est à peine s'il leur passe à la conscience ce que François Soudan appelle « une lucidité salutaire nécessaire à la survie de leur pays après eux » . Au Cameroun, parler de la santé du Président de la République Paul Biya dérange, provoque une levée de boucliers, au point de devenir un interdit, pire, un sujet tabou. Pour certains, François Soudan a crevé l'abcès d' une plaie béante et saignante. Pour d'autres, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique a brisé le silence de cimetière. Il a rallumé les braises incandescentes d' une vérité enfouie à l'intérieur de près de trente millions de camerounais.
Des vérités à la lumière du jour
François Soudan fait remarquer que lorsque le 8 octobre, une obscure chaîne de télévision online, basée à Houston au Texas et animée par des sécessionnistes camerounais anglophones, a annoncé le décès du président Paul Biya et que la fake news s’est répandue comme une traînée de poudre, l’intéressé s’est peut-être souvenu de cette petite phrase de l’écrivain américain Mark Twain. « L’annonce de ma mort est très exagérée et tout à fait prématurée. » Au sujet du vocable « prématurée » , le directeur de rédaction affirme que c'est bien « l’adjectif qui convient car lorsqu’on a atteint l’âge de 91 ans et que l’on fréquente assidûment les médecins suisses, on est mieux placé que quiconque pour savoir que, quels que soient les efforts pour en inverser le cours, on ne sort jamais vivant de la vie » , écrit François Soudan. À l'analyse de l'éditorial, des vérités qui jaillissent à la lumière du jour, libèrent les camerounais. D' une phrase à une autre, il devient difficile d'embrigader les camerounais, ni d'évacuer le débat autour de la santé du Président de la République. Peu importe si le débat est quelque peu galvaudé par les opinions partisanes; chacune tirant la couverture, selon ses accointances ou non avec le Renouveau ; selon la somme de ses privilèges, selon ses ressources financières et maternelles, selon son appartenance à la tribu de ceux qui mangent ou à la tribu des camerounais à la pauvreté et la précarité établies. L'éditorial de François Soudan, en plus d'ouvrir les yeux et les oreilles, mérite bien de retenir l'attention des citoyens soucieux, préoccupés par l'avenir et le devenir du Cameroun. L'évocation de la mort de Paul Biya, « tué » par la rumeur comme le relève François Soudan suggère une somme de réflexions. « Lorsqu’ils ont cru apprendre, le 8 octobre, le décès de celui qui, depuis quarante-deux ans, préside à leur destinée, vingt-cinq millions de Camerounais ont été saisis de vertige » , écrit l'éditorialiste de Jeune Afrique. Poursuivant il souligne, qu 'entre l’angoisse des partisans et le soulagement des opposants planait le même sentiment, celui de l’incertitude face à une succession que chacun pressent comme fratricide au sein du clan présidentiel.