• L’opération Epervier a "nettoyé" un peu le Cameroun
• Elle a permis d’arrêter les autorités corrompues
• Une lettre a été envoyée à Paul Biya avant le début des hostilités
L'opération Epervier est une vaste opération judiciaire lancée dans le cadre de la lutte anti-corruption au Cameroun. Elle a été démarée par le gouvernement du Premier ministre Ephraïm Inoni en 2006, sous la pression des bailleurs de fonds internationaux. Ironie du sort, le même Ephraïm Inoni a été arrêté en 2012, dans le cadre de la même opération.
Le journaliste camerounais Michel Biem Tong a révélé le contenu d’une lettre envoyée au président de la République camerounaise Paul Biya. Il l’a publié sur sa page Facebook jeudi le 22 septembre 2022.
Quand les élites Beti du centre disaient non à Biya et à son opération Epervier
Le 6 juin 2009, les patriarches Beti du Centre avaient fait circuler un tract dénonçant la décimation par le dictateur made in Mvomeka’a, Paul Biya, des élites Beti à travers son Opération Epervier. Selon cette missive, le fameux G11 a bel et bien existé mais pour penser à l’avenir de Paul Biya s’il n’est plus président, pas pour lui ravir son pouvoir par la force. Lisez le tract ci-dessous, car c’est notre histoire, nous devons la raconter :
A Son Excellence, Monsieur Paul Biya,
Président de la République, président national du RDPC
Depuis votre accession à la magistrature suprême, la région du Centre dans son ensemble vous soutient comme nulle part ailleurs. C’est un soutien patriotique et sans chantage qui s’est manifesté lors des évènements du 6 avril, pendant les années de braise et lors de toutes les consultations électorales. Le Grand centre (Ndlr Centre, Sud, Est) est également la région où le RDPC, votre parti, notre parti, moteur de toutes vos victoires électorales, est le plus implanté. Ce soutien politique indéfectible s’est également étendu à votre personne et à votre famille.
Malheureusement, nous n’avons pas l’impression que vous avez bien mesuré toute l’ampleur de ce soutien. Plusieurs événements nous poussent en effet à de graves interrogations. Le délégué du gouvernement que vous avez nommé, a entamé de gros travaux dans la capitale et néanmoins vitrine de notre pays. Si l’intention de moderniser "notre village" louable, il n’est pas certain que les moyens utilisés à cet effet soient bénéfiques pour votre politique. Il y a un tel degré de mécontentement que nous ne sommes plus certains de convaincre les nôtres de voter en votre faveur si des élections intervenaient aujourd’hui.
Les patriarches et la communauté toute entière se désolidarisent d’une telle démarche car les Betis, hospitaliers et hommes de paix, entendent le demeurer. Nous avons cherché à vous rencontrer pour vous prévenir des conséquences graves de ces brutalités, mais nous nous sommes rendus compte que vous ne voulez plus nous recevoir comme par le passé.
Pourtant, quand votre pouvoir a été fortement ébranlé pendant les années de braise, nous vous avons offert une lance et un tam-tam. Si la lance symbolise l’autorité et le pouvoir, le tam-tam devait vous servir pour battre le rappel des troupes en temps de guerre; ou à nous rassembler pour des concertations en temps de paix.
A l’observation, vous n’avez pas beaucoup utilisé ce tam-tam. Par conséquent, n’ayant pas entendu le son du rassemblement et face à l’urgence de la situation, nous nous sommes dans l’obligation de vous adresser cette lettre par des canaux ordinaires. Nous profitons donc de cette lettre pour vous dire tous les problèmes qui nous tiennent à cœur. Sous le couvert de l’opération épervier, vous avez entrepris de faire arrêter tous ceux qu’on vous a présentés comme détourneurs des deniers publics. Cela semble une coïncidence mais il apparaît clairement qu’il ne s’agit en fait que de nos fils méritants et ceux ayant une stature d’homme d’Etat.
Sans nous attaquer à votre pouvoir, le Grand centre se pose une question: Quand vous ne plus serez plus là pour défendre nos intérêts, lequel de nos fils tiendra notre flambeau si tous sont en prison? Votre maman de regrettée mémoire et que nous pleurons toujours était une Yetotan, c’est-à-dire une Etoudi. Chez les Betis, les neveux entretiennent des relations privilégiées avec les oncles. Nous ne comprenons donc pas ce qui peut apparaître comme un acharnement. On vous a dit que certains de nos fils s’organisent dans le cadre du fameux G11 pour prendre votre place.
Il s’agit tout simplement d’une machination. Nous avons toujours condamné ceux qui voulaient prendre votre place par la force et nous continuerons à nous opposer et à ceux qui veulent attenter à votre vie. Seulement, on nous a rapporté que le G11 était une simple réflexion comme le La’akam, Essingan, Sourga, Moinam etc. Si un jour, on y a parlé de politique, c’était pour poser une question somme toute légitime: Après notre père le Président Biya, qu’adviendra-t-il de nous? Lequel d’entre nos fils pourra-t-il concourir auprès des fils d’autres régions pour vous succéder ?
Dans d’autres régions, des gens qui ne vous manifestent pas le même attachement désintéressé et qui par le passé ont même attenté à votre pouvoir et à votre vie, ont posé la même question sans subir autant d’invectives. Curieusement les victimes de l’opération épervier sont ceux de nos fils qui ont occupé des places stratégiques à vos côtés. Ces postes ont-ils une relation avec leur déchéance actuelle? Dans nos traditions, un "zomlo'o" est un sage, un intouchable, un repère. C’est la mémoire et la conscience de la communauté. Ces sages ont droit au respect de tous.
Hélas, l’épervier n’a pas épargné cette crème de notre organisation sociale. Les patriarches du Grand centre ont mal accepté le décès en prison d’un des leurs ; de même que l’arrestation à la suite de plusieurs autres, d’un diplomate émérite par ailleurs déjà en retraite. Nous ne désespérons toujours pas d’être reçus dès que votre emploi du temps que nous savons chargé le permettra. Nous restons donc solidaires de toute circonstance. Mais il fallait que vous sachiez que la sérénité ne règne plus dans nos relations.
Respectueusement
Excellence Monsieur le Président de la République