Hilaire Mbakop est un écrivain camerounais originaire de Bangangté. Il fait partie des rares Camerounais à ne pas supporter la première dame Chantal Biya sous ses airs d’ambassadrice des bonnes causes. Derrière le charme et la grâce de Chantal Biya, se cacherait un être particulièrement violent qui ne pardonne point, à en croire Hilaire Mbakop. Il raconte dans cette tribune comment Chantal Biya a organisé l’assassinat du chauffeur et père de ses jumeaux.
Il y a quelques années, Paul Biya, le président de la République du Cameroun, fit disparaître un homme qui vivait en concubinage avec Chantal Pulchérie Vigouroux, l’actuelle Première dame.
Cette dernière fut en effet complice du meurtre en question. Cette femme que la communauté nationale et internationale pare de toutes les vertus est en réalité une sournoise. Le manque de scrupule dont elle fit et fait montre au sujet de la liquidation du chauffeur de taxi qui fut son compagnon et qui lui fit deux enfants (les jumeaux Frank et Patrick Hertz) la démasque.
C’est révoltant de constater que les autres Camerounaises la soutiennent totalement. La célébration de la Journée Internationale de la Femme est l’un des événements lors desquels elles font ostentation de cette communion. À Yaoundé, la capitale, c’est Chantal qui préside la cérémonie. Quand elle ne prend pas la tête du défilé, elle est assise dans les tribunes, et les femmes de toutes couleurs politiques passent devant elle, les yeux tournés vers elle.
D’où vient-il qu’une dame qui a activement participé à l’assassinat de son compagnon soit érigée en modèle ? En l’acceptant comme leur meneuse, en gardant le silence sur son crime, les Camerounaises doivent tolérer qu’on les étiquette aussi comme opportunistes. Cette question n’est pas à prendre à la légère. Une chanteuse du pays a composé un morceau qui est très en vogue. Il a pour titre « Le ventre ».
Son auteur a résumé en une phrase ce qu’il croit être la recette pour que l’homme soit sous la coupe de la femme : « Le ventre et le bas-ventre, le tour est joué ! » Cette phrase qui est répétée à la fin de chaque couplet de la chanson susmentionnée exalte les Camerounaises, renforce leur trémoussement.
Le Cameroun étant un pays sous-développé, son agriculture est dominée par la femme. C’est encore elle qui vend les vivres sur le marché et fait la cuisine à l’homme. Pour lui rendre hommage, le gouvernement a une formule consacrée : « La femme, mère nourricière de la nation ». Les plats que l’homme consomme sont donc préparés par elle. Mais le pouvoir qu’elle a sur lui ne se limite pas au ventre, puisqu’elle satisfait également les besoins de son bas-ventre. Ainsi, pense-t-elle, le tour est joué.
Dans une contrée où la misère est omniprésente, et où toute personne commandant à d’autres en vertu d’une hiérarchie est portée à punir ceux qui ne l’encensent pas, un être du sexe féminin infidèle met son petit ami, son concubin ou son époux en danger. Une opportuniste vivant avec un homme pauvre considère qu’elle se trouve dans une salle d’attente, espérant qu’un nanti l’appelle. De même, celle qui met ses appas en avant pour décrocher un poste ou pour obtenir un avancement n’hésiterait pas à se débarrasser de son partenaire.
Les Camerounais dénomment cette méthode « promotion canapé ». Par ailleurs, le régime se sert de la corruption et des agents secrets de sexe féminin pour empoisonner des opposants ou pour obtenir des renseignements confidentiels. Sur les marches de l’échelle sociale, les hommes financièrement faibles et les non-conformistes sont donc exposés à la trahison des femmes de petite vertu.
Ces hommes devraient, pour réduire les risques au minimum, éviter de juger les femmes sur les apparences ou de consommer des mets confectionnés par celles ayant des mœurs légères. Pour être sûrs de leur coup, ils devraient s’abstenir des plaisirs charnels et ne manger que des repas qu’ils ont eux-mêmes préparés.
Mais normalement, un homme et une femme vivant ensemble ne font qu’une chair. C’est ce que la Bible nous enseigne. La confiance mutuelle devrait donc être la règle d’or dans une union. Une femme dont le compagnon ou le mari a peu de ressources lui fait honneur lorsqu’elle lui est fidèle, le traite avec égard et le soutient dans ses entreprises. Si son homme est un révolutionnaire, elle doit l’encourager à poursuivre son combat et être prête à le suivre jusqu’en enfer. La femme doit donc assumer son choix. Ce n’est qu’ainsi qu’elle peut prouver qu’elle aime véritablement son homme.
Malheureusement, Chantal Pulchérie Vigouroux n’est pas ce genre de femme. C’est par pur opportunisme qu’elle lâcha son concubin anglophone Churchill Che pour se lier avec Paul Biya. Churchill était en effet chauffeur de taxi. Il vivait depuis longtemps avec Chantal. Contrairement à ce que d’aucuns pensent, elle n’était pas une prostituée.
Elle était la concubine de Churchill. Comme je l’ai mentionné plus haut, ce couple avait deux enfants. Le lieu de résidence de cette famille de quatre personnes était Yaoundé. Elles vécurent en harmonie jusqu’au jour où Chantal fut invitée à un repas somptueux que le président de la République offrit à son château privé de Mvomeka’a, son village natal. La relation de Chantal et Churchill entra dans une zone de turbulence dès le moment où elle lui révéla que le monarque, L’homme-Lion, désirait faire d’elle sa femme. En ce moment-là, Paul Biya était veuf. On sait qu’il avait fait disparaître Jeanne-Irène, sa première épouse, au début des années quatre-vingt-dix.
Le soulèvement populaire avait poussé le dictateur à réinstaurer le système multipartite. Néanmoins, Jeanne-Irène, convaincue de l’incompétence de son mari, lui suggérait de démissionner : « Paul, tu sais, tu as fait massacrer des milliers de Camerounais ces derniers temps. Nous possédons des belles maisons et de nombreux comptes bancaires à l’étranger, nous avons détourné beaucoup d’argent, entre autres les 400 milliards que ton prédécesseur avait laissés dans la caisse noire. S’il te plaît, donne ta démission ».
« C’est toujours la même rengaine », lui répliquait le tyran sanguinaire. Puisqu’il en avait plus qu’assez d’elle, il la fit taire. Lui qui avait défini le régime du Renouveau comme celui de la rigueur et de la moralisation avait fait un enfant à la sœur de Jeanne-Irène ! Cet enfant n’est rien d’autre que Franck Emmanuel Biya !
Après deux ans de veuvage, Paul Biya décida de mettre le boxon dans la vie harmonieuse qu’avait menée jusque-là la famille Churchill. Le pauvre chauffeur de taxi essaya en vain de ramener sa concubine Chantal à la raison, dénonça son ignoble traîtrise, renvoya désespérément des officiels que Satan envoyait pour le persuader d’abandonner la résistance.
Churchill continua à insister sur son bon droit. Chantal le supplia de s’enfuir, d’aller à l’étranger, sans elle et sans les jumeaux ! Il lui rétorqua qu’elle était sa femme et qu’il n’acceptera en aucun cas de la quitter au profit du dictateur ! Ce dernier et Chantal se rencontraient souvent, à l’insu de Churchill. Chantal était déterminée à devenir la nouvelle Première dame du Cameroun, donc à laisser tomber son compagnon, le père de ses enfants.
Comme Churchill était intransigeant, Biya et Chantal décidèrent de l’éliminer. Le pauvre fut abattu à bord de son taxi, dans une rue de Yaoundé. Le tireur s’éclipsa. Il est indéniable que c’est le président Biya et Chantal Pulchérie Vigouroux qui avait prémédité ce crime. Après avoir supprimé l’obstacle que constituait Churchill, la voie était libre pour leur mariage. Ils convolèrent en justes noces en 1994. Dès lors, Chantal Pulchérie Vigouroux s’appelle Chantal Pulchérie Biya. Les jumeaux que Churchill lui avait faits sont officiellement présentés comme les enfants de Paul!
D’ailleurs, les deux assassins de Churchill ont tenté de faire disparaître des documents qui pourraient servir de pièces à conviction. C’est ainsi qu’un détachement débarqua une nuit au quartier Nsem à Bafut avec pour mission de trouver et de confisquer tout objet ou tout écrit pouvant prouver que Churchill avait vécu en concubinage avec Chantal ou qu’ils avaient eu deux enfants. Heureusement, les militaires se trompèrent de maison ! Ils perquisitionnèrent plutôt le domicile du voisin de William Anyele, le père du défunt !
Bien évidemment, ils ne trouvèrent rien. Ils se contentèrent de passer leur déception sur le neveu du propriétaire de la maison. À l’époque, ce dernier travaillait à Bamenda, le père de Churchill également. Le jeune homme que les soldats avaient arraché au sommeil à deux heures du matin fut passé à tabac, mais se garda de dévoiler à ses tortionnaires que la propriété de la famille de Churchill était plutôt celle d’à côté.
Je me suis rendu à ladite propriété en mai 2013 pour recueillir certaines informations dont j’avais besoin. En plus des renseignements qu’on me donna, on me montra la tombe où repose Churchill Che, mais aussi celles de son père, de sa mère et de deux de ses sœurs. Toutes ces tombes se trouvent tout près de la maison que les soldats envoyés par Paul et Chantal Biya auraient dû perquisitionner. Des quatre enfants des parents de Churchill, un seul est encore en vie. Il est allé s’installer à l’étranger pour des raisons de sécurité.
Quand je finis de faire des investigations à Bafut, quelques-uns de mes informateurs – qui ont d’ailleurs requis l’anonymat – me conseillèrent d’aller voir aussi un avocat du nom de Chrysantus Che, l’un des cousins de Churchill. Un matin, je me rendis donc au quartier Mbingfibieh à Bamenda. Je rencontrai Chrysantus à la maison. Après m’être présenté, je l’informai que j’ai été à Bafut, et lui fis connaître l’objet de ma visite. Il me dit qu’il était sur le point de sortir, puis me pria de revenir dans une semaine. Le jour du rendez-vous, il se plaça plutôt à un carrefour pour m’attendre, près d’un bar, au bout de la rue qui mène chez lui. Quand il me vit passer, il m’appela.
On s’assit sur un banc à la terrasse du bar. Il me dit tout de go qu’il ne va pas se prononcer, que le problème pour lequel je viens le voir est délicat parce que ça concerne la femme du président de la République, qu’il est fâché contre ceux qui m’ont indiqué son lieu d’habitation, qu’il a une femme, des enfants et une belle voiture, qu’il n’est pas prêt à fournir des renseignements qui pourraient porter préjudice à sa petite famille et à lui. Sa voiture était garée devant le bar. Une Toyota RAV4. Je demandai à Chrysantus Che s’il est le cousin de Churchill Che. Il répondit part l’affirmative, certes, mais ajouta que les problèmes que le défunt avait eus à Yaoundé ne le concernent aucunement, qu’il n’a en conséquent rien à dire là-dessus.
Sur ce, il se leva pour partir. Je le priai de se rasseoir, ce qu’il fit. Il me confia que chaque fois qu’il se trouve à un endroit où quelqu’un évoque cette affaire, il se hâte de s’en aller. La seule information que je pus tirer de Chrysantus c’est que Churchill le protégeait quand ils étaient tous les deux écoliers, car Churchill avait des biceps.
Je reprochai à l’homme devenu avocat de trahir la mémoire de celui qui le prenait sous son aile. En effet, le mutisme de cet avocat n’a pas eu d’impact sur mes investigations, puisque les renseignements qui me furent fournis à Bafut étaient satisfaisants.
Si je l’ai cité, c’est juste pour illustrer la terreur dans laquelle les juristes camerounais vivent. Ils sont aussi en proie à un régime qui ne respecte pas les libertés individuelles. Churchill fut une victime de ce régime. Un régime incarné par un homme qui pense que son pouvoir est sans bornes. Il est typique qu’il ait à ses côtés une épouse qui l’aide à maintenir le peuple dans l’assujettissement.