Malgré une démocratisation croissante, les récriminations contre les opérateurs de services financiers numériques (SFN) ne manquent pas. Si certaines dispositions initiées par des pays ou entreprises semblent améliorer les dits services, de nombreuses interrogations demeurent dans le traitement des plaintes et recours. Par exemple, que devient l’argent de l’utilisateur une fois décédé ?
Si les services financiers numériques SFN jouent un rôle majeur pour les utilisateurs et favorisent l'inclusion financière, de nombreux experts soulignent parallèlement l'émergence de risques importants pour les consommateurs, notamment en matière de fraude et de transparence.
Par exemple, en Côte d’Ivoire, une récente étude intitulée « risques pour les consommateurs et les services financiers numériques » souligne que parmi les consommateurs qui ont connu une difficulté, 67 % n’ont pas contacté le fournisseur, 14 % ne savaient comment joindre l’opérateur de service financier, ou encore 14 % doutaient de la capacité du fournisseur à régler leurs problèmes.
Nous avons quasiment les mêmes cas de figure à Cotonou au Bénin. Notre correspondant permanent a rencontré quelques usagers des services financiers numériques. Ils ont partagé avec lui leurs expériences relatives à des recours auprès à des émetteurs de monnaies électroniques.
Expériences de recours et de plaintes
« Je suis allé chez ma sœur qui effectue des prestations de services financiers numériques. Lors de la transaction, elle a envoyé par erreur l’argent à quelqu’un d’autre, une somme de 75 000 f cfa. Nous avons tenté de joindre la personne qui a reçu l’argent par erreur, nous avons eu droit à des insultes. Finalement, nous avons appelé l’opérateur, après vérification on nous dit que la personne a retiré 25 000 Fcfa. L’opérateur a bloqué le compte et nous avons pu retirer les 50 000 fcfa qui restaient. »
« J’ai été victime de fausse transaction. Quand j’ai fait le constat, j’ai contacté l’opérateur principal qui m’a posé beaucoup de questions avant de me notifier que l’argent n’a pas encore été retiré. La seule alternative était de bloquer le compte pour que je puisse entrer dans mes fonds.»
Les arnaques
Au Cameroun, le marché du mobile money connait une ascension fulgurante. Les opérateurs tirent leur épingle du jeu.
Néanmoins, force est de constater que des dysfonctionnements sont notés lors des prestations de services nous dit madame Maha Masso chef département marketing-communication et innovation chez orange money Cameroun.
Selon elle, plus de 80 % des plaintes déposées par les clients il y a de cela quelques mois étaient liées aux arnaques que subissent les clients.
« Pour apporter une réponse à cette problématique, nous avons initié en novembre dernier une campagne intitulée OM anti-arnaque. L’objectif est de sensibiliser nos clients pour qu’ils deviennent des acteurs pour la lutte contre les arnaques. En réalité, c’est une solution qui permet aux clients d’identifier les numéros remarquables d’Orange. Par exemple quelqu’un vous appelle et se présente comme un agent d’Orange money. Il vous dit que vous avez gagné 100 000 francs et vous demande de procéder à des manœuvres sur votre téléphone pour recevoir l’argent. Avec notre campagne de sensibilisation, le client a le réflexe de raccrocher et après de dénoncer l’arnaqueur pour que ce dernier ne puisse plus nuire.
Aujourd’hui, les cas d’arnaque ont baissé, les cas sont divisés par 10 en peu de mois. Nous avons un canal d’appel, et un autre qui est digital qui sont accessibles 24h sur 24, 7 jours sur 7. »
Témoignages sur la récupération de l’argent sur le compte SFN d’un client décédé
« Ma sœur a été victime d’arnaque. Le malfaiteur est son collègue. Ce dernier a transféré via son téléphone, la moitié de son salaire. Il a attendu que ma sœur soit hospitalisée pour commettre sa forfaiture. Il me semble que le montant était de 150 000 f. Malheureusement ma sœur est décédée. Je suis allé à Orange pour savoir comment récupérer l’argent qu’il y a dans le compte de ma défunte sœur. Orange m’a demandé d’aller constituer un dossier au tribunal. J’ai trouvé cela aberrant. La procédure risquait d’être longue et nécessiterait des dépenses.»
« Finalement on a abandonné la procédure. L’opérateur nous a demandé de fournir des documents qui attestent que mon grand-père est décédé, chose que nous avons faite. A notre grande surprise, on nous notifie que le compte n’a pas d’argent, contrairement à ce que notre grand-mère nous a dit. Voilà pourquoi on a abandonné les procédures. »
Pourquoi, il est difficile de récupérer l’agent d’un client en cas de décès ?
Madame Maha Masso chef département marketing-communication et innovation chez orange money Cameroun tente de donner des pistes de réponses.
Selon elle, Orange Money est un service financier, donc il faut la considérer comme une banque.
« J’ai été confrontée moi-même à cette problématique. En réalité, la procédure est simple. Elle suit les règles d’hérédité encadrées par la législation. Toutes la procédure à suivre en cas de décès est disponible via notre site officiel. Les ayants-droits doivent déposer à l’agence les documents justificatifs, notamment remplir une demande en précisant le numéro de téléphone du défunt, une copie conforme de l’acte de décès du client, une copie certifiée du jugement d’hérédité, car il faut que l’on s’assure que c’est belle est bien l’héritier qui a été désigné et enfin une photo visible de l’administrateur des biens. Ce sont les mêmes documents que l’on dépose si le défunt à un compte bancaire.»
Est-ce que les clients sont bien informés ?
« Sur notre site internet, les documents sont disponibles. Si le clients n’a pas internet, il peut se rendre à l’agence, nos agents prendront en charge sa requête. Encore une fois les SFN fonctionnent avec le cadre des services financiers, donc il faut prouver qu’on est légitime à recevoir l’argent dans le compte.»
Wave un opérateur de service financier mobile compte des milliers de clients. Selon Papa Talla Fall, directeur risque chez Wave digital Finance quand un client décède, la première chose à faire est de bloquer le compte.
« Nous bloquons le compte pour identifier les ayants-droits. Ces derniers doivent suivre une procédure encadrée par la loi et nous fournir les documents justificatifs. Chez Wave, nous avons un département juridique qui gère ce genre de cas avec une vérification des documents, voir s’ils sont authentiques et conformes avant de donner accès au compte. Si tous est en règle, les avoirs peuvent être transférés directement à l’héritier.»
Anticipation dans les procédures ?
Est-il possible de désigner par anticipation les ayant-droit en cas de décès au moment de l’ouverture du compte ?
« On espère que les chartes qui régissent les systèmes bancaires et financiers évoluent en ce sens. Mais, pour le moment ce n’est pas possible, car le cadre réglementaire n’a pas prévu cette méthode. Par contre pour les services d’assurance, c’est bien possible. Mais, pour le moment nous sommes confrontés à ces obstacles et si les choses changent forcement, nous allons suivre », nous dit Madame Maha Masso chef département marketing-communication et innovation chez orange money Cameroun.
Les pistes de solution pour une meilleure satisfaction client dans le traitement des plaintes et recours
Faire une campagne de sensibilisation sur les cas probables cas d’arnaque, éduquer les clients sur l’usage des SFN, mettre en garde contre certaines habitudes et pratiques ou encore, interpeler les clients sur les comportement à risques sont entre autres les pistes de solutions suggérées par Muriel Ejido, journaliste spécialisé sur les questions de TIC.