Situation désastreuse du Barreau : la sortie remarquée du Bâtonnier Black Yondo Mandengue

Black Yondo Mandengue

Sat, 7 May 2022 Source: www.camerounweb.com

Dans quelques jours, le Barreau du Cameroun va procéder à l’élection de nouveau bâtonnier. En prélude à cet évènement majeur, les anciens Bâtonniers de l’ordre des Avocats au Barreau du Cameroun, se sont réunis en Conseil ce jour le 16 avril 2022, sur invitation à une réflexion sur l’état du barreau par leur doyen, le Bâtonnier YONDO BLACK. Celui-ci a présenté un texte assez lucide qui fait l’état du barreau et aussi du citoyen camerounais.

Sur les 8 anciens Bâtonniers survivants, 7 ont répondu présents et sont :

1. Le Bâtonnier YONDO BLACK

2. Le Bâtonnier Patrice MONTHE

3. Le Bâtonnier Luke SENDZE

4. Le Bâtonnier AKERE TABENG MUNA

5. Le Bâtonnier Charles TCHOUNGANG

6. Le Bâtonnier ETA BESONG JUNIOR

7. Le Bâtonnier Jackson Francis NGNIE KAMGA

Le Bâtonnier EBANGA ne pouvait répondre présent à la rencontre, pour n’avoir pas été convié en considération de son état de santé.

Le taux de participation était donc de 100%.

Après l’observation d’une minute de silence en l’honneur de leurs Anciens pairs qui ont tiré leur révérence, à savoir :

• Le Bâtonnier Bernard ACHU MUNA

• LE Bâtonnier SAMA Francis

• Le Bâtonnier TCHAKOUTE PATIE

Les travaux ont débuté et se sont déroulés dans un climat serein à la hauteur de l’évènement et d’un ton tout courtois.

Force a été de se rendre compte que le barreau va mal, que les avocats ne sont pas en conditions d’exercer sereinement leur métier.

LA CONFERENCE TIENT A FAIRE PUBLIQUEMENT

LA DECLARATION SOLENNELLE QUI SUIT :

1. SUR LE CONSTAT DE LA SITUATION DESASTREUSE DANS LAQUELLE SE TROUVENT AUSSI BIEN LE BARREAU DU CAMEROUN QUE LE CITOYEN CAMEROUNAIS EN GENERAL

La Conférence des anciens Bâtonniers constate que du fait de sa politisation et de sa communautarisation, le Barreau du Cameroun a perdu toute sa place institutionnelle de Gardien des Libertés et Droits fondamentaux dans la société.

Elle déplore solennellement que ce fait ait été suscité et entretenu par les Pouvoirs Publics de la République qui de longue date, ont entrepris et continuent jusqu’à ce jour de fragiliser le Barreau du Cameroun, de paupériser ses Membres et de se servir des divisions ainsi créées pour nourrir la pérennité de leur emprise sur les Droits et Libertés au Cameroun ;

La Conférence déplore en particulier le fait que le Cameroun soit à ce jour, le seul pays en Afrique dans lequel rien n’est fait par les Pouvoirs Publics pour doter le Barreau du Cameroun d’un Institut de Formation Professionnelle des Avocats, sanctionné par l’Obtention du Certificat d’Aptitude à l’Exercice de cette Profession dont la délicatesse et les exigences déontologiques sont connus de tous ;

Les anciens Bâtonniers protestent solennellement contre le fait que ces Pouvoirs Publics se complaisent plutôt à encourager dans le système Camerounais et sous de fallacieux prétextes, la création de soi-disant Organisations professionnelles concurrentes dépourvues de toute valeur déontologique, telles que les associations d’experts juridiques de toutes sortes, alors que la seule expertise qui tienne dans la pratique du Droit ne revient universellement qu’à l’ORDRE DES AVOCATS, lequel compte en son sein des Avocats spécialisés dans toutes les matières Du Droit ;

Les anciens Bâtonniers protestent contre le fait que dans l’exercice quotidien de leur mission de défense, les Avocats du Barreau du Cameroun soient livrés aux brimades, bastonnades et brutalités des forces de Police et de Gendarmerie, lesquelles n’hésitent point à pousser leurs brutalités jusqu’à l’emprisonnement sans aucun ménagement des Avocats, considérés arbitrairement comme des gênes dans l’exercice de leur autorité;

Les anciens Bâtonniers se réfèrent ici à des cas concrets tels que les violences exercées dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest du Cameroun contre des Avocats manifestant pacifiquement en Robe pour leurs légitimes Droits, l’assassinat dans des circonstances non élucidées de Maître KEMENDE dans le Nord-Ouest, lequel était par ailleurs Sénateur de la République, les multiples arrestations perpétrées contre les Avocats en exercice dans les principales villes de la République telles que Douala, Yaoundé, Buea, Bamenda, Bafoussam, N’Gaoundéré et autres ;

La Conférence des anciens Bâtonniers appelle solennellement les Pouvoirs Publics ainsi que le Ministre de la Justice à prendre les dispositions nécessaires pour mettre promptement un terme au mépris ainsi affiché à l’égard des Avocats, lequel mépris a gangrené fortement les Palais de Justice de la République dans lesquels l’Avocat n’a pratiquement plus sa place auprès des Magistrats, ceux-ci préférant traiter directement avec les justiciables, et leur accordant plus de considération en fonction des intérêts personnels qu’ils trouvent dans leurs relations clandestines ;

La Conférence déclare que sans un barreau fort, les justiciables se trouvent abandonnés à leur triste sort dans un système judiciaire dont les dysfonctionnements sont criards ;

La Conférence s’engage aux côtés des organes légaux chargés de la gestion du barreau (le Bâtonnier, le Conseil de l’ordre) à œuvrer en faveur de l’érection d’un véritable état de droit

2- SUR LA PERTE DRASTIQUE PARMI LES AVOCATS, DES ACQUIS ET VALEURS DEONTOLOGIQUES OBTENUS POURTANT DE LONGUE LUTTE PAR LE BARREAU DU CAMEROUN.

La Conférence s’étonne et s’offusque de l’inobservation par une frange importante du Barreau, des valeurs déontologiques qui font la force et la singularité de l’Ordre;

Elle déplore en particulier le fait que les membres du Barreau du Cameroun ne se soucient plus ni de la dignité, de la probité, de l’indépendance, de la loyauté, ni de la délicatesse, de la modération, et de la Confraternité qui sont pourtant des principes fondamentaux sur la base desquels ils ont tous prêté leur serment d’exercice professionnel;

La Conférence affirme que l’une des causes de la déconsidération de l’Avocat en société réside en effet dans le non-respect par celui-ci, de ces principes fondamentaux dans son comportement en Justice et en Société;

Elle invite en conséquence chaque Avocat membre du Barreau du Cameroun, à se ressaisir et recadrer exclusivement son comportement quotidien sur ces valeurs fondamentales ;

Elle invite solennellement le conseil de l’ordre ainsi que le bâtonnier (homme ou femme) qui seront élus à l’issue de l’assemblée générale élective du 18 JUIN 2022, à prendre pleinement leurs responsabilités sur ce point essentiel qui fragilise le Barreau tout entier, et à extirper de son sein tout Avocat qui s’écartera dorénavant de ces valeurs fondamentales;

3- SUR LES PROCHAINES ELECTIONS ORDINALES CONVOQUEES POUR LE 18 JUIN 2022.

La Conférence des Anciens Bâtonniers est de l’avis qu’au regard de la profondeur des maux qui minent présentement le BARREAU DU CAMEROUN, la priorité en cet état des choses ne devrait pas être de courir aux élections, mais plutôt à la tenue d’une Assemblée Générale Extraordinaire qui aurait eu cet avantage :

1. de faire objectivement un état des lieux au cours d’un débat citoyen, alimenté par la participation de tous, sans complaisance, en marge de toutes considérations communautaires, claniques et/ou ethno-tribalistes

• d’établir un cahier de charges, expression de la majorité des avocats pour définir les chantiers prioritaires que devraient ouvrir en urgence nos prochains dirigeants de l’ordre.

La Conférence souligne qu’au regard de la profondeur des maux qui minent présentement notre Ordre, la tenue d’une Assemblée Générale Extraordinaire est indispensable et invite les nouveaux dirigeants qui sortiront des élections du 18 juin prochain à la convoquer sans délai ;

La Conférence tient à faire savoir que la charge de membre du Conseil de l’Ordre ou de Bâtonnier de l’Ordre, est tellement à la fois, importante et pesante qu’elle mérite un minimum de recul dans la réflexion de tous ceux qui y aspirent.

Aussi, si la Conférence estime que s’il n’est ni de sa mission, ni de celle de l’un quelconque de ses membres d’interférer dans le processus électoral engagé, elle ne peut en revanche s’empêcher, dans l’intérêt bien compris de la corporation, d’attirer l’attention de tous les Avocats, sur le fait qu’un minimum de critères doivent être observés décrivant aussi bien le profil d’un membre du Conseil de l’Ordre que celui d’un Bâtonnier.

Un membre du Conseil de l’Ordre est, avant tout, un formateur.

Un membre du Conseil de l’Ordre doit avoir une profonde maîtrise des règles déontologiques, des usages et des traditions du Barreau, et en même temps, des dédales des procédures dans nos Palais de justice, ainsi que de la tenue des divers livres que doit ouvrir l’Avocat une fois son stage terminé.

Il est du devoir de tout membre du Conseil de l’Ordre de transmettre aux jeunes dont il sera chargé d’assurer la formation, l’ensemble des valeurs consubstantielles à l’Avocature. D’où l’importance pour chaque aspirant à la fonction de membre du Conseil de l’Ordre de s’interroger en conscience et sans pression sur la question de savoir s’il dispose des outils suffisants pour assumer ces fonctions avant de se lancer dans l’aventure.

Quant au Bâtonnier de l’Ordre, véritable patron du Corps,

La Conférence estime qu’il doit avoir une parfaite maitrise de la Gestion d’Entreprise, car c’est de cela qu’il s’agit et ce n’est pas peu dire.

Il doit être un communicateur au sens élevé de discernement, dispensateur de la chaleur affective, toujours proche de ses Confrères dont il doit veiller à résoudre les problèmes, un parfait arbitre à l’abri de toutes discriminations et tout parti pris, avoir du charisme et une bonne maîtrise de soi, car les problèmes qu’il aura à résoudre exigeront de lui ces qualités.

La Conférence considère que si l’on doit exiger du Bâtonnier, du caractère, cela n’exclut pas qu’il lui faut toujours savoir raison garder. Il aura cette mission d’entretenir l’esprit de Corps dans l’impartialité, nourri dans notre amicus curiae.

C’est au Bâtonnier qu’incombe la charge d’entretenir la dignité de l’Avocat et de promouvoir la mission sociale de celui-ci.

La Conférence tient à réitérer que le Barreau est un Grand Corps dont les rênes de la direction ne peuvent être confiées qu’à un Avocat compétent, ayant de l’entregent, entretenant de bons rapports avec ses Confrères sans exclusives ;

La Conférence rappelle à toutes celles, tous ceux qui aspirent aux charges ordinales que c’est bien à eux qu’incombe en premier le devoir de s’illustrer par le strict respect des VALEURS DEONTOLOGIQUES DE L’ORDRE dans leur comportement du quotidien;

Elle déplore à cet égard, les invectives personnelles auxquelles se livrent aussi bien celles et ceux qui se sont déclarés candidats à ces fonctions, que leurs soutiens respectifs.

Elle les invite au respect des maximes d’honneur, de modération et de courtoisie.

Les Anciens Bâtonniers invitent en définitive chacun de ces candidats et candidates de même que leurs soutiens respectifs, à se ressaisir au plus vite et à ne s’en tenir qu’au devoir de Confraternité et à l’esprit de service.

FAIT A DOUALA LE 16 AVRIL 2022,

ADOPTE SOLENNELLEMENT

PAR LES ANCIENS BATONNIERS DE L’ORDRE

Bâtonnier BLACK YONDO MANDENGUE

(le Doyen des anciens Bâtonniers) :

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