À Soa, Mahamat Awal est une icône. Avec quelques-uns de ses frères. Il tient le secteur de la boucherie depuis un bon bout de temps. Et pinces sans rire, il raconte sa petite vie. « Je suis à Soa depuis 21 ans. Je suis né à Ngaoundéré et c’est notre père qui nous a amenés ici », dit-il d’emblée en cisaillant des lamelles de viande bien fraîches.
Et de poursuivre : « Nous achetons tous les matins un beauf à l’abattoir d’Etoudi que nous partageons en mettant ensemble nos moyens. D’aucuns prennent la tête, d’autres les pattes, les abats et la peau. Et le reste est simple. Soa devenant de plus en plus grandissante, on écoule facilement notre viande », précise Awal. Devant un ballet incessant de ménagères en quête de chair fraiche très peu à la portée de toutes.
Mais en tout cas, Awal et consorts s’en sortent bien. La raison, malgré l’abondance de la viande du bœuf sur les marchés, les prix de cette denrée demeurent hors de portée. Le kilogramme de bœuf est passé de 2 800 francs CFA (prix homologué par le ministère du Commerce) à 3 000 francs CFA dans certains marchés, voire plus pour la viande de bœuf sans os et de 2 400 (prix homologué par le ministère du Commerce) à 2 800 francs CFA pour la viande avec os.
Pire, à Soa par exemple, la plupart des bouchers fonctionnent à crédit. « Les bouchers n’ont pas de capital. Ils vivent à crédit. Ils viennent prendre les bêtes auprès des commerçants, ils livrent à ceux qui font le soya, aux femmes qui préparent et autres. En fin de journée, ils doivent collecter l’argent et remettre aux bergers pour avoir à nouveau des bœufs », explique Awal.
Pour embrayer que « l’État doit subventionner ce secteur ». C’est que « dans la Mercuriale, le prix de la viande de bœuf est signé. Dès que nous nous séparons, tout s’arrête, les prix augmentent. Qu’est-ce qui fait problème entre le boucher et le grossiste ? Vous signez les conventions, vous ne respectez pas. Si vous ne voulez pas de convention, je vais envoyer mes équipes sur le terrain », a dit le chef du département en charge des questions commerciales.
Ils ont profité pour énumérer leurs difficultés : « Les conflits récurrents, la disparition des bétails, l’insuffisance d’un mécanisme de contrôle des bêtes, les épidémies, les tracasseries lors des transports, les vols de bétail, l’implication des intermédiaires dans la commercialisation, la diminution des éleveurs et du cheptel, la guerre contre Boko Haram, la crise socioéconomique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’absence d’un mécanisme de contrôle des subventions à l’accès à l’élevage, le non-respect de la règlementation, les changements climatiques, la sécheresse », rapportent les vendeurs de viande. Du coup, le prix du kilogramme de viande bovine s’est renchéri à Soa et ses environs.