Le petit Mathis tué par Dagobert Nwafo parle à travers la coach blonde qui a publié un poème. Elle attribue une voix au défunt et ça donne ce qui suit.
Mathis, outre-tombe
C’était par un après-midi calme,
Un après-midi doux,
Avec, sur ma tête, un soleil teinté d’espoir.
Personne ne se réveille pour mourir.
Je m’étais levé pour vivre,
Pour rêver à ce que j’aurais pu être,
Si certains adultes savaient dompter leur folie.
C’était par un après-midi calme,
Un après-midi paisible,
Avec, dans ma tête, le sourire de mes frères et sœurs,
Un sourire désormais si lointain.
Si seulement j’avais su que ce jour serait mon dernier,
J’aurais capturé pour l’éternité le regard de mes frères,
Emporté avec moi ce que, la veille encore,
Nous partagions en espérant demain.
C’était un après-midi sanglant,
Quand le ciel se met en colère
Et que l’ange de la mort vient vous arracher l’âme.
Dans les yeux de Tonton Bleck, j’ai vu la mort,
Avec cette atroce voracité qui voulait m’avaler.
Quand il a sorti son épée et l’a posée sur mon cou,
J’ai compris que je ne serais jamais un super-héros.
Jamais je n’aurais la force de Batman ou de Superman.
Si seulement Clark Kent avait pu venir me sauver…
Je voulais vivre.
J’ai supplié l’ange de la mort :
« Accorde-moi quelques minutes,
Juste le temps de dire à ma mère que je l’aime. »
Puis vint un second coup d’épée,
Celui du désespoir,
Celui qui allait m’achever.
Je m’étais levé pour vivre, pas pour mourir.
Je n’ai pas été lâche, je vous le jure.
Je me suis battu,
Avec mon âme émiettée
Qui s’échappait de mon petit corps perforé.
C’était un après-midi sanglant.
Le soleil a caché sa face de honte,
Complice silencieux d’une fin tragique.
Je voulais encore me réchauffer à ses rayons…
Hélas.
Souvenez-vous de moi.
Protégez la fragilité de l’enfant.
Que je sois l’agneau sacrificiel
Qui sauvera les autres enfants
De la colère et de la folie humaine.
Souvenez-vous de moi.
Offrez-leur des après-midis pleins d’espoir.
Faites du Cameroun un havre pour les enfants,
Offrez-leur des soleils doux et soyeux.
Je suis mort en me battant avec la vie.
Et j’ose espérer qu’un jour, peut-être.