« Il faut les exterminer comme des rats, car ils vivent comme des rats. » « Rentrez chez vous. » « C’est une occupation intérieure. » « Chassons-les pour préserver nos enfants et nos sœurs. » « Les Algériens prioritaires, dehors les Africains. » « Ils violent et répandent le sida dans nos villes »… Non, ce n’est pas un cauchemar, il s’agit bien de messages lancés par des Algériens sur les réseaux sociaux. Tout a démarré il y a une semaine avec un hashtag en arabe, traduit en français (# Non aux Africains en Algérie) sur Twitter accompagnant des photos de migrants subsahariens vivant dans des sortes de campements, dans la banlieue d’Alger.
Ce rejet de l’autre, du noir à l’occurrence n’est pas seulement exprimé sur les réseaux sociaux mais aussi et très souvent dans les villes et quartiers d’Algérie. Pour preuve, en seulement deux ans, les dérapages teintés de racisme s’y sont multipliés de façon inquiétante, voire dramatique : viol d’une camerounaise à Oran, saccage, violence et affrontements contre des Africains clandestins à Béchar, Ouargla, et d’autres régions du Sud, etc., sans oublier, bien entendu, les humiliations et l’indifférence de tous à l’égard de ces nuées humaines misérables qui «envahissent» les villes du nord du pays! Des questions s’imposent alors : pourquoi ce passage à l’acte très brutal des Algériens? Ces derniers ont-ils perdu leur sens d’hospitalité? Détestent-ils vraiment les étrangers? Sont-ils atteints par le «complexe du noir»? Ou ils ne font par là que se défouler contre ces «autres» bizarres à leurs yeux, faute de mieux? Et puis, où sont le civisme et l’esprit citoyen ? Où sont les associations pour y remédier? Que font la société civile, l’élite, les médias, l’État, etc? Par l’air d’un temps où la différence, la diversité et le métissage devraient être portés au pinacle, ces comportements négatifs, non-civilisés et ouvertement xénophobes sont condamnables.
Estimant que « le racisme se durcit, devient violent, s’exprime sans tabou », le lauréat du prix Goncourt du premier roman en 2015 pour « Meursault, contre-enquête », regrette le fait que le racisme, généralement associé à un vice occidental, soit nié en Algérie et dans le monde dit « arabe ».
Et ce, à cause d’un « refus d’admettre le racisme chez soi, en soi, pour le dénoncer sans cesse chez l’autre, derrière la Méditerranée ». Et d’ajouter : « à cause de l’effet écran, vaniteux, du héros de la décolonisation, peut-être. Ou de la victimisation abusive ».
Selon « Médecins du Monde », les personnes originaires d’Afrique subsaharienne présentes sur le sol algérien, « qu’elles soient installées définitivement ou en attente de partir vers l’Europe », sont « stigmatisées, souvent victimes de violence ».
A la suite de cette campagne de stigmatisation sur laquelle la police enquête déjà, des réactions ne se sont pas fait attendre.
D’abord sur les réseaux sociaux justement, où d’autres Algériens ont tourné en ridicule le fameux hashtag, demandant notamment : « Ah, mais on n’est plus africains nous-mêmes ? ! » Des selfies avec des enfants subsahariens dans les rues d’Alger ou encore des rappels du racisme dont souffrent les Maghrébins en Occident saturent depuis plusieurs jours le Web algérien.
En l’absence d’une législation spécifique devant régir la situation des migrants en Algérie, ces derniers bénéficient d’une sorte de tolérance de la part des autorités : ils peuvent se faire arrêter en situation irrégulière, on leur notifie une expulsion, toutefois rarement exécutée. L’agriculture, le bâtiment et même certains chantiers publics profitent de cette main-d’œuvre qui évolue dans une zone grise en termes de statut et de droit du travail.