Avec le rejet de tous les recours introduits au Conseil constitutionnel par le Front des démocrates camerounais (FDC) d’Emilien Atangana et l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) de Bello Bouba Maïgari, la victoire totale du parti au pouvoir est consacrée dans l’ensemble du pays. 70 sénateurs sur 70 en compétition, telle sera à l’évidence le prononcé du Conseil constitutionnel le jeudi 23 mars 2023. A compter de cette date, le Président disposera de 10 jours pour nommer les 30 sénateurs du tiers présidentiel communément appelé la «réserve sénatoriale du chef de l’Etat». C’est dans ce package qu’espèrent avoir droit au chapitre, les quatre formations politiques de l’opposition qui ont compéti dans le Grand-Nord à savoir l’Undp, le Fsnc, le MDR et l’Andp. «La question n’est pas de savoir si ces partis politiques bénéficieront de l’aumône présidentielle, cela est une certitude ; mais qui aura combien et où, et même qui ?», avance Bouba Issiakou, militant de l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès. De fait, dans la mandature sortante, tous ces partis, fidèles alliés du chef de l’Etat sur le territoire politique du Grand-Nord, y siégeaient déjà grâce à la magnanimité présidentielle.
L’Union nationale pour la démocratie et le progrès avait bénéficié de deux sénateurs, le Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc) d’Issa Tchiroma, d’un sénateur ; l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès d’un sénateur et le Mouvement démocratique pour la défense de la République (MDR) de feu Dakolé Daïssala, d’un sénateur. Soit 5 sénateurs sur les 30 nommés avec des curiosités qui ne puisent leurs sources que dans les méandres obscures de la politique. C’est ainsi que sur les deux postes attribués à l’Undp, l’un des bénéficiaires n’était autre que Pierre Flambeau Ngayap, secrétaire général de cette formation politique désigné dans le quota du Littoral. Quid de la sénatrice Andp puisée dans le quota de l’Est où le parti percute moins que dans son fief de l’Extrême Nord ? Comme il est d’évidence, la magnanimité présidentielle n’a non plus vocation à renforcer tous les partenaires politiques.
RÉPARTITION
La clé de répartition pourrait-elle changer cette fois-ci ? Rien n’est moins sûr. Tout dépend du bon vouloir du chef de l’Etat. «Les partis politiques disposent d’une petite marge, laquelle a par exemple permis au président du Fsnc de se débarrasser, en 2018, de son sénateur Abbo avec qui il était en bisbilles», prévient toutefois une source au Palais. A l’analyse, le partage du gâteau présidentiel prendrait en compte le poids de chaque formation politique. Dans cette hypothèse, l’Undp, en lice dans les trois régions septentrionales et à qui certains prédisaient une victoire dans l’Adamaoua avant de mordre la poussière, devrait s’en tirer avec minimalement deux sénateurs. Toute réduction serait perçue comme une sanction. «Le Président sait quel est notre poids réel sur le terrain et nous sommes certains qu’il en tiendra compte», confirme un proche de Bello Bouba Maïgari. «Nous aurions voulu gagner sur le terrain, notamment dans l’Adamaoua, mais les forces de l’argent ont soufflé plus fort que le vent de la démocratie», regrette-il.
Au Fsnc comme à l’Andp, l’on est également confiant sur le sort que leur réservera le chef de l’Etat. «La fidélité au chef de l’Etat ne se marchande pas. Le Fsnc est et sera toujours à ses côtés, qu’il soit ou non au Senat. Bien sûr que si le Président, dans sa grande magnanimité politique, accordait sa confiance à notre parti, nous n’en serons qu’honorés», avance-t-on dans les rangs du Fsnc. Même rengaine à l’Andp qui, à la différence des trois autres formations qui siègent déjà à l’Assemblée nationale, fonde ses espoirs parlementaires sur le tiers présidentiel.
Au Mouvement démocratique pour la défense de la République arrivé en troisième position dans la région de l’Extrême-Nord, derrière le Rdpc et l’Undp, l’heure est également à l’attente. Avant son décès, Dakolé Daïssala siégeait au Senat grâce à ce coup de pouce du chef de l’Etat. Avec ses deux députés à l’Assemblée nationale, ce parti politique, allié de Paul Biya dans des moments cruciaux, espère cocher la dernière case pour faire partie de la short list des formations politiques siégeant aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Senat. «Depuis sa fondation, le MDR s’est toujours inscrit dans la République et dans le jeu démocratique sous la haute direction de sa majesté Dakolé Daïssala. Depuis son décès, notre parti est resté fidèle à cette vision républicaine et c’est dans cet esprit que nous avions pris part à cette élection et joué notre partition», indique Me Djorwé Paulin, président national du MDR. L’heure est donc désormais à l’attente. Et comme toujours, un seul maître à la manœuvre : Paul Biya.