Sur des générations, les camerounais ont connu des leaders sur qui ils ont placé leurs espoirs, qui avec le temps se sont montrés moins sûrs, ou sincères. Après une première génération depuis 1982, le relais a été pris depuis bientôt 5 ans par de nouveaux hommes qui ne rassurent pas toujours.
Allez dire aux hommes politiques qu’ils enlèvent nos noms dans leur business, On a tout compris. Ils nous utilisent comme des chameaux dans des conditions qu’on déplore, ils nous mènent souvent en bateau vers des destinations qu’on ignore, ils allument le feu, ils l’activent et après, ils viennent jouer aux pompiers, On a tout compris. Allez dire aux marchands d’illusion que nos consciences ne sont pas à vendre, ils sont complices de Babylone pour nous arnaquer ils font semblant de nous aider à combattre cette injustice, on a tout compris. » Ces paroles sont de l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly dans une chanson sortie en 2002, dans laquelle il exprime le ras le bol des peuples africains surtout, objet de l’arnaque politique constante. Dans la précédente chronique, nous avons démontré comment sur les années cela s’est mis en pratique au Cameroun. Les peuples ont souvent fait confiance aux hommes en votant pour eux, pour se rendre compte qu’une fois qu’ils ont mis le bulletin dans l’urne, ils ne peuvent plus rien, ils deviennent impuissants devant ceux à qui ils ont donné le mandat. Ces derniers à leur tour n’ont plus aucune redevabilité envers ce peuple qui se retrouve finalement dans un marché de dupes. Paul Biya, John Fru Ndi, Bello Bouba Maïgari, et dans une moindre mesure Adamou Ndam Njoya sont autant de porteurs d’espoir rentrés dans l’histoire en laissant derrière eux une once de déception, un goût d’inachevé et une impression de dégoût. Les camerounais ont désormais le regard rivé sur deux autres figures. Maurice Kamto et Cabral Libi’i Ngue
Des questions et bien d’autres qui au fil des années érodent la confiance de l’opinion qui considère la stratégie de Maurice Kamto comme hésitante. Sans compter qu’à tort ou à raison d’aucuns voient dans son attitude une collision secrète avec le pouvoir qu’il a d’ailleurs servi pendant 7 ans de 2004 à 2011 comme ministre délégué à la justice. Ceux-là se posent la question comme dans la bible, si quelque chose de bon peut venir de Nazareth
Maurice Kamto, hésitant ?
Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, s’est mis à drainer les foules avant l’élection présidentielle d’octobre 2018, incarnant dans une bonne frange de l’opinion le nouvel espoir. Un ballon de football en main, il s’est présenté comme le tireur de penalty qui devait éliminer le candidat du Rdpc Paul Biya. Dans une société fractionnée par les clivages sociaux, minée par le tribalisme et rongé par la corruption, il proposait une vision nouvelle, contenue dans la profession de foi du parti, qui tient compte de la situation de profonde misère morale, politique, économique, sociale et culturelle de notre pays, de l’impossibilité manifeste depuis le début des années 1990 des partis de l’opposition pris isolément, à se mettre en capacité de réaliser un véritable changement de système au Cameroun, des obstacles liés aux égoïsmes individuels et aux manœuvres de division, toutes choses qui, pendant trop longtemps, ont entravé toutes les tentatives d’union des forces de l’opposition. La vision de Maurice Kamto tient compte aussi de la nécessité de consolider le socle de l’unité nationale mise à mal par des pratiques de division et de haine entre les communautés, et la nécessité de promouvoir les valeurs républicaines notamment de justice, d’intégrité, de travail, de fraternité et de liberté, et l’impératif d’impulser une puissante prise de conscience nationale des défis redoutables qui se dressent devant le Cameroun. Il s’est présenté à l’élection présidentielle de 2018 porteur de ce nouveau souffle, a obtenu le résultat officiel de 14,23% et classé 2eme. Il s’agit là des chiffres officiels que l’Etat parti a bien voulu publier, loin des chiffres réels contenus dans les procès-verbaux dont certains ont disparu, selon les avocats du parti lors du contentieux post électoral. Des marches blanches ont suivi, avec des arrestations et incriminations pour atteinte à la sûreté de l’Etat, faisant de Maurice Kamto, de ses soutiens et de ses militants des martyrs et prisonniers politiques. Les politologues expliquent que c’est un parcours normal d’un leader dans la quête de la libération d’un peuple opprimé par une dictature douce. Pour dire qu’en cela Maurice Kamto ne faisait pas l’exception. 2 ans plus tard, l’homme sur qui reposaient encore les espoirs de changement a pris de court ses militants et l’opinion, en décidant que le parti n’ira pas aux élections législatives et municipales du 9 février 2020. Une option considérée comme une erreur politique pour certains, de la prudence pour d’autres et de l’égoïsme pour une troisième catégorie qui estimait qu’il a brisé la carrière politique de beaucoup de ses militants en ne pensant qu’à lui seul. Pourquoi avoir participé à la présidentielle deux ans plus tôt, où il pouvait être président, et boycotté les locales après alors qu’il n’était pas candidat à titre individuel ? Des questions et bien d’autres qui au fil des années érodent la confiance de l’opinion qui considère la stratégie de Maurice Kamto comme hésitante. Sans compter qu’à tort ou à raison d’aucuns voient dans son attitude une collision secrète avec le pouvoir qu’il a d’ailleurs servi pendant 7 ans de 2004 à 2011 comme ministre délégué à la justice. Ceux-là se posent la question comme dans la bible, si quelque chose de bon peut venir de Nazareth
Brillant orateur et l’un des rares intellectuels de la chambre, le pouvoir l’a compris et utilise ces talents pour animer les sessions à travers des questions orales dont il excelle dans la formulation, sans que cela n’aille plus loin.
Cabral Libi’i, vite en besogne
Pour Cabral Libi’i, il a incarné la jeunesse dynamique et lancé le mouvement 11 millions. Les chiffres officiels l’ont crédité de 6,28% à l’élection présidentielle de 2018. Entre temps il s’est brouillé avec le président du parti Univers qui l’a investi à cette élection, et s’est trouvé un autre parti politique le Pcrn, appareil qu’il a utilisé pour s’investir lui-même et d’autres candidats aux élections municipales et législatives de février 2020. Elu député, il s’est rapidement frayé un chemin à l’Assemblée nationale où il est désormais secrétaire dans le bureau. Brillant orateur et l’un des rares intellectuels de la chambre, le pouvoir l’a compris et utilise ces talents pour animer les sessions à travers des questions orales dont il excelle dans la formulation, sans que cela n’aille plus loin. L’idée de ses accointances avec le pouvoir fait son chemin dans l’opinion. Après Paul Biya, Fru Ndi, Bello Bouba, qui ont déjà été compris comme dit l’artiste, Maurice Kamto semble hésitant sur les bords, Cabral Libi’i s’est empressé de sécuriser une vie à l’abri du besoin pour ne plus avoir faim comme il le dit dans une vidéo qui a circulé dans les réseaux sociaux. La question se pose dès lors de savoir si les Camerounais ne sont pas dans un cycle infernal, un éternel recommencement entre les mains de vendeurs d’illusions qui se présentent avec le temps sous diverses facettes, mais avec le même objectif : faire leur business, avec le nom du peuple ?
Roland TSAPI