Succession au gré à gré: la mise en garde de Maurice Kamto

Le leader de l’opposition a fait une longue déclaration à la presse vendredi dernier

Tue, 7 Dec 2021 Source: La Nouvelle Expression

Le leader de l’opposition a fait une longue déclaration à la presse vendredi dernier, au lendemain de sa réclusion à l’hôtel à Douala.

Maurice Kamto est formel: «C’était et ça demeure notre pari: le changement dans la paix et par les urnes ». Mais à l’évidence, «faire un choix de cette nature c’est faire le choix d’un chemin compliqué quand on a affaire à un régime violent, devenu dictatorial », s’est rendu compte le leader du principal parti de l’opposition Égrenant de façon chronologique les principaux événements qui ont marqué la vie du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), son parti depuis son lancement le 13 août 2012.

Du coup, une autre option est envisageable : «Il ne faut pas que l’on croie que notre obstination pour la paix est une faiblesse. Nous sommes prêts pour la bagarre. Si nous sommes provoqués, nous ferons la bagarre », a-t-il martelé au cours d’une déclaration faite au siège de son^parti vendredi dernier.

«L’ère des nouveaux dirigeants est arrivée pour notre pays», a lancé l’homme. Au moment où, même si de nouveaux appels sont lancés par des caciques du pouvoir à l’intention de Paul Biya afin que l’homme brigue un nouveau mandat à la tête du pays en 2025. Et même si au sein du sérail, l’on envisage de plus en plus l’après Biya, il reste que les pontes du régime n’ont pas le courage de l’évoquer officiellement. Toujours est-il que de plus en plus, des voix s’élèvent pour dénoncer un «complot» ourdi par l’entourage et les collaborateurs du présent Chef de l’État qui serait trompé par les siens. «Personne ne l’a obligé à continuer de vouloir rester au pouvoir », réagit Maurice Kamto qui accuse Biya d’être responsable des malheurs des Camerounais.

Tribalisme

Mais «Le Cameroun a besoin d’une nouvelle génération ” de dirigeants patriotes et pas tribalistes », insiste-t-il. «Ce n’est pas une affaire d’ethnies, mais d’un groupe d’individus qui ont pris en otage notre pays », recadre-t-il. Alors que d’aucuns le présentent comme le générateur de la crise tribaliste qui semble prendre de l’ampleur et nourrir le déchirement de la cohésion nationale. «Ce n’est pas moi qui ai créé le tribalisme au Cameroun. Il y a un tribalisme d’État qui est entretenu au Cameroun. Et dans ma lettre de démission (en 2008, Ndlr), j’avais déjà dénoncé cela. Et quand je le rappelle des gens se mettent à m’insulter mais cela ne me décourage pas; j’ai fait mon travail », se satisfait-il.

Ressassant des situations de tribalisme dont il a été victime depuis qu’il a décidé de jouer les premiers rôles au sein de l’opposition. De’ son meeting interdit à l’Est à ses militants et sympathisants traqués parfois au faciès, en passant par son meeting de campagne électoral interdit à Maroua.

Meeting au cours duquel le président de l’Assemblée nationale, accompagné de quelques hauts cadres de là république dont Malachie Manaouda, ont mis le feu sur les outils de campagne et les gadgets du Mrc, l’homme dénonce l’ancien ministre de l’Administration territoriale René Sadi qui lui a dit que «ils sont chez eux », parlant des militants du Rdpc, parti au pouvoir, à l’Est qui ont pu tenir leur meeting au moment où le Mrc était interdit de le faire autant. «Nous faisons tout pour conjurer le pire », se vante-t-il.

Communauté internationale

Accusé de vouloir l’invasion du Cameroun par la «Communauté internationale», sous-entendue cette nébuleuse occidentale qui intervient souvent par les armes pour déloger ou installer un président dans des pays faibles, Maurice Kamto rappelle que «les Camerounais ont déjà vécu les atrocités de la guerre de libération entre 1955 et 1971;. aucun Camerounais patriote ne peut souhaiter que cela arrive une nouvelle fois », répond-il.

«Je ne sais pas où je l’ai dit, mais moi j’assume toujours ce que je dis ou fais. Je n’ai jamais signé d’un pseudonyme un article que j’ai écrit », rappelle-t-il à ceux à qui cela aurait échappé éventuellement. «Je n’ai jamais voulu d’intervention militaire au Cameroun; les Camerounais doivent apprendre à défendre leur dignité et leurs droits ». À propos, «le jour où vous serez au courant des contrats signés ces dix dernières années, vous serez surpris », agrémente-t-il.

Mauricç Kamto voit plutôt en les dirigeants actuels des suppôts de cette communauté internationale. « Si le gré à gré réussit au Cameroun, ce sera avec le soutien de cette fameuse communauté internationale qui ne cherche qu’à protéger ses intérêts dans notre pays». Et d’ailleurs «on n’a pas besoin de les appeler car ils sont déjà là, mais, mais ne se préoccupe pas de nous. C’est aux Camerounais de prendre leur destin en main car personne ne viendra le faire à leur place, surtout pas cette Communauté internationale », invite-t-il.

Camerounais à l’action. «Ont-ils déjà réagi à toutes les souffrances des Camerounais? Ont-ils déjà réagi aux violences dont sont victimes les opposants depuis des années? Ont-ils déjà réagi aux atrocités dont sont victimes les populations du Nord-ouest et du Sud-ouest qui avaient agité, l’arbre de paix en 2016 pour recevoir des matraques et mitraillettes ? »

La Can un moment délicat

Autant de questions que l’homme pose à ses compatriotes pour les appeler à se réveiller. «Nous sommes devenus un peuple de l’acceptation », fait-il le constat: «ces Camerounais ont marché en 2019 pour exiger la transparence sur les fonds publics investis dans les chantiers de la Can, et exigeaient que les chantiers soient achevés, on les a emprisonnés, où en est-on aujourd’hui? Un haut responsable du ministère de la communication, le Pr Félix Zogo, pour ne pas le nommer, a déclaré sur un plateau de télévision, que les stades seront prêts à six mois du coup d’envoi de la Can 2019, en demandant qu’on me le dise; où en est-on? Qui a rendu compte à qui? Qui a sanctionné qui? Où est passé notre indignation collective ?», s’interroge-t-il.

L’homme refuse que les Camerounais prient pour lui seulement, mais qu’ils prient d’abord pour eux-mêmes, et se lèvent pour demander des comptes à leurs dirigeants. «Moi, je fais ce qui est de mon devoir; et je ne baiserai jamais la tête au Cameroun devant quiconque. Je ne quémanderai jamais ma liberté au Cameroun devant quiconque», se braque l’ancien prisonnier politique.

Promettant une riposte proportionnelle aux attaques : «Je réitère ce que j’ai dit à Douala : nous ne cherchons pas la bagarre, mais si la bagarre nous cherche, nous ne fuirons pas. Si la bagarre nous est imposée, nous la ferons », a-t-il promis. « Qu’ils déposent les armes et on va faire la bagarre», défie-t-il la soldatesque du régime. Non sans attirer l’attention des forces de défense et de sécurité sur leurs devoirs: «je voudrais dire à tous les éléments de maintien de l’ordre que c’est leur responsabilité individuelle qui est engagée dans les violences contre le peuple ».

La Coupe d’Afrique des nations (Can) qui se joue en janvier et février prochains et qui placera le Cameroun sous les feux des projecteurs, risquera de servir un théâtre de l’expression de la barbarie pour un pays où les manifestations de l’opposition et de la société civile sont systématiquement interdites lorsqu’elles présentent un caractère vindicatif.

Reclus dans un hôtel à Douala

Et le Pr Kamto l’a encore vécu à Douala où l’écrivain qui est allé rencontrer ses militants et sympathisants détenus depuis plus d’un an, n’a pas pu tenir la dédicace de ses derniers livres. La police ayant interdit et exigé qu’il quitte Douala, l’a maintenu reclus dans son hôtel deux jours durant.

«C’est eux qui salissent l’image du pays, et pas nous. Mais s’ils continuent, ils saliront pour de bon cette image lors de la Can », garantit celui qui se présente toujours comme le président élu depuis la dernière élection présidentielle au Cameroun. « Si on a refusé de s’exiler hier, si on a refusé de rester à l’étranger où de meilleures conditions de vie et de travail nous étaient offertes, ce n’est pas aujourd’hui nous que nous céderons. Nous resterons ici jusqu’à notre dernier souffle», assure-t-il.

Source: La Nouvelle Expression