La surprenante sortie de certaines élites de ce département appelant le chef de l'Etat à se présenter à la prochaine élection présidentielle continue d'alimenter les débats.
Quelle en était l'opportunité ? Quelle en était l'urgence ? Ceux qui ne se posent pas ces questions ont plutôt un avis tranché sur le surprenant appel des militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) de la Lekié. Une provocation pour certains, un acte courageux pour d'autres.
Le 31 octobre 2021, en effet, à l'occasion des réunions départementales organisées pour l’installation officielle des bureaux des sections Rdpc, Ofrdpc et Ojrdpc à Monatélé, les militants du département ont appelé à la candidature du président Paul Biya en 2025. Alors qu'il n'est pas encore à mi-parcours de son actuel mandat et qu'il aura, en 2025, 92 ans. Mais surtout, alors que rien ne s'oppose justement à ce qu'il soit candidat. Tout au contraire, d'après les textes actuels du Rdpc, il n'y a que lui qui puisse briguer la magistrature suprême au sein de cette formation politique. Pourquoi donc les militants du Rdpc de la Lekié ont cru devoir rappeler à Paul Biya qu'ils souhaitaient le voir postuler pour un autre mandat à l'issue de celui qu'il a entamé en 2018 ?
D'après nos sources, plutôt qu'une sortie contre l'opposition, l'appel de la Lekié s'adresserait aux "ambitieux" du Rdpc qui attendent de remplacer le chef en 2025. Le président Paul Biya s'est toujours gardé de désigner un dauphin. En 2007, il déclarait lors d'une interview à France 24 : "Je crois que dans une république le mot dauphin résonne mal".
Pourtant, dans l'opinion on lui a prêté, au fil des années, l'idée de préparer un successeur. En 2020, Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), attirait l'attention sur un projet de succession de gré à gré. «Je puis vous dire aujourd’hui que les choses se précisent. Les artisans du gré à gré sont plus que jamais à l’œuvre. Par ce biais, ils veulent accélérer le cours de l’histoire à leurs fins, au mépris de toutes les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et des souffrances du peuple camerounais», déclarait-il.
Qu'est-il ? Le ou les potentiels dauphins seraient-ils au courant des intentions du vieux président ? Si personne d'entre eux n'a ouvertement déclaré son ambition, les observateurs semblent lire dans certains faits et gestes des actes de positionnement. Aussi bien individuels que communautaristes. Ils n'hésitent pas ainsi à évoquer les récentes Rencontres fraternelles du Sud (Refras) ou encore la tournée forte médiatisée du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, dans les différentes infrastructures devant abriter la prochaine coupe d'Afrique des Nations au Cameroun à partir de janvier 2021. Selon un observateur, s'agissant de l'après Biya, on a aujourd'hui, sur la ligne de départ, trois grands groupes qui nourrissent des ambitions plus ou moins secrètes. L'opposition, naturellement, avec en tête de file Maurice Kamto qui en 2018 a crié au holdup électoral.
Il y a également, selon notre source, des anciens barons du parti au pouvoir, incarcérés dans le cadre de l'opération Épervier, mais qui n'auraient pas renoncé à l'ambition de jouer un rôle dans l'après Biya. Et il y a, bien sûr, des cadres du parti au pouvoir encore aux affaires qui lorgnent ou à qui on aurait promis le fauteuil présidentiel. Une guerre à mort semble désormais ouverte entre potentiels successeurs de Paul Biya. Jusqu'à quand restera-t-elle larvée ?