Succession de Paul Biya: oubliez Issa Tchiroma, voici e véritable élu

Ange Michel Angouin Image illustrative

Tue, 16 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

L'ancien ministre de la Fonction publique multiplie les prises de position en rupture avec la ligne officielle. Portrait d'un homme du sérail qui pourrait basculer dans l'opposition.

Depuis sa sortie du gouvernement, l'ancien ministre de la Fonction publique et actuel conseiller technique au ministère de la Justice, Ange Michel Angouin, donne l'impression d'être en déphasage complet avec la manière dont fonctionne le régime. Diplômé de l'École nationale d'administration et de magistrature (ENAM), ancien procureur de la République, procureur général puis ministre de la Fonction publique (MINFOPRA), cet originaire de l'Est possède toutes les qualifications d'un homme du système.

Pourtant, il ne parle pas beaucoup, ne parle pas trop, mais chacune de ses sorties tranche toujours net avec les discours officiels. Sévèrement critique à l'endroit du régime, très remonté contre certaines pratiques, ce juriste de formation se distingue désormais par ses prises de position qualifiées d'"ambiguës" par certains observateurs, mais que d'autres considèrent comme courageuses.

À maintes reprises, Ange Michel Angouin a demandé de "comprendre la colère du peuple", une formulation peu commune dans la bouche d'un cadre encore proche des cercles du pouvoir. Cette empathie affichée envers les frustrations populaires contraste avec la posture défensive généralement adoptée par les responsables du parti au pouvoir.

Sa dernière sortie est liée aux élections des exécutifs régionaux. L'ex-patron de la Fonction publique demande de respecter la volonté de la base et de cesser de parachuter les gens depuis le sommet. Une déclaration qui résonne comme une critique frontale des méthodes de gestion interne du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).

L'élection du président du conseil régional du Sud crée actuellement une véritable tension dans le parti au pouvoir. Deux visions s'affrontent désormais publiquement. D'un côté, Ange Michel Angouin demande de respecter la volonté de la base. De l'autre, Fame Ndongo, ministre de l'Enseignement supérieur et figure historique du régime, exhorte les militants à respecter scrupuleusement les directives du Comité central.

Cette divergence expose au grand jour une faille idéologique au sein même de l'appareil du pouvoir. Là où Fame Ndongo incarne la doctrine de la discipline partisane et de l'obéissance hiérarchique, Angouin semble plaider pour une forme de démocratie interne et d'écoute des aspirations de la base militante.

Le prochain "bon diable" ?

Il est clair que l'ancien MINFOPRA n'est plus vraiment à l'aise avec la façon dont le pays fonctionne. Son profil rappelle celui d'autres cadres du régime qui, avant lui, ont progressivement pris leurs distances avec le système avant de basculer dans l'opposition ou de devenir des voix critiques indépendantes.

Certains observateurs n'excluent pas qu'il devienne d'ici peu le nouveau "bon diable" - cette expression camerounaise désignant un personnage qui, après avoir servi le système, décide de rompre avec lui et de dénoncer ses dysfonctionnements de l'intérieur. Son parcours impeccable au sein des institutions judiciaires et administratives lui confère une légitimité et une crédibilité qui pourraient faire de lui une voix écoutée s'il décidait de franchir définitivement le Rubicon.

Pour beaucoup de Camerounais lassés du conformisme ambiant, Angouin représente une bouffée d'air frais. Il ne mâche pas ses mots, assume ses positions et n'hésite pas à contredire publiquement la ligne officielle, y compris sur des sujets sensibles comme les élections internes au parti.

Cette posture tranche avec le silence prudent de nombreux cadres qui, tout en nourrissant des réserves privées sur la gouvernance du pays, se gardent bien de les exprimer publiquement de peur de compromettre leur carrière ou leurs intérêts.

La suite du parcours d'Ange Michel Angouin sera scrutée avec attention. Restera-t-il un franc-tireur isolé au sein du système, toléré tant qu'il ne franchit pas certaines lignes rouges ? Ou bien ses prises de position de plus en plus affirmées le conduiront-elles vers une rupture définitive avec le régime ?

Dans un contexte politique camerounais marqué par une demande croissante de renouvellement et de changement, la trajectoire de cet homme du sérail devenu voix dissonante pourrait bien préfigurer des recompositions plus profondes au sein de l'élite dirigeante du pays.

Une chose est certaine : dans un paysage politique souvent figé, Ange Michel Angouin incarne aujourd'hui une forme de dissidence interne qui mérite d'être suivie de près. Son évolution dira beaucoup sur la capacité du système à tolérer la contradiction, ou sur la nécessité pour ceux qui aspirent à un véritable débat de prendre leurs distances avec l'appareil du pouvoir.

Source: www.camerounweb.com