Succession, transition, alternance… Paul Biya peut-il (enfin) passer la main ?

Paul Biya Nsimalen Samuel Eto'o

Tue, 1 Oct 2024 Source: Le Messager

Alors que persistent des vives interrogations au sein de l’opinion publique nationale, plusieurs sources rapportent que l’absence prolongée du Chef de l’Etat pourrait être liée à des problèmes de santé persistants. De quoi relancer le débat autour de la prochaine Présidentielle. Sera-t-il ou non sur la ligne de départ?

Allo Docteur, c’est grave ? Silence radio ! Mystère et boule de gomme. L’état de santé du président de la République reste et demeure un sujet tabou. S’y étendre est un chemin sinueux que ni la presse, ni l’entourage du Chef de l’Etat, encore moins les apparatchiks du régime, n’osent s’y risquer. Mais les derniers événements relatifs à l’agenda de Paul Biya marqué par une série d’incertitudes et d’absences, a comme donner du grain à moudre à la classe politique voire à la chronique mondaine qui s’y est prêtée avec un certain ravissement. A la vérité, c’est à une succession de faux bonds que les camerounais se sont habitués ces derniers jours autour des voyages du capitaine du navire des « Grandes opportunités » . Depuis son départ de Chine le 8 septembre dernier, l’homme qui affiche fièrement ses 91 ans, a pratiquement disparu des radars, suscitant des interrogations chez ses nombreux compatriotes, sans doute impatients de le revoir en attendant la Présidentielle des 2025. Annoncé à la 79e Assemblée générale des Nations Unies, l’homme du 6 novembre 1984 depuis la Genève où il a déposé ses valises provenant de l’Empire du Milieu, n’a finalement pas effectué le déplacement. Il avait immédiatement annulé son voyage pour les Etats-Unis, où une délégation avancée l’attendait, apprend-t-on. En ses (lieu et place), c’est le ministre des Relations extérieures Lejeune Mbella Mbella qui a délivré dimanche dernier, l’allocution du Cameroun au Sommet de l’Avenir. Dans le mutisme habituel des voix officielles, des sources indiquent que le président de la République accompagné de son épouse, avait plutôt préféré prolonger son séjour privé dans sa suite princière au très célèbre hôtel Intercontinental de Genève. Dans la foulée des rendez-vous manqués, le Chef de l’Etat était encore annoncé au Cameroun la semaine dernière avec en prime, une grosse mobilisation du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) pour l’accueillir à l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen. Une nouvelle fois encore, le peuple camerounais a été pris à contrepied. Paul Biya n’a toujours pas regagné le pays et demeure encore en Europe.

Prolifération des foyers de tension

Alors que persistent des interrogations au sein de l’opinion publique nationale, plusieurs sources rapportent que cette absence prolongée pourrait être liée à des problèmes de santé persistants du président national du parti au pouvoir. Qui croire au final ? Qui détient la bonne info ? Comment se porte Paul Biya ? Autant de questions qui continuent de tarauder les esprits, ouvrant le boulevard à la grande énigme sur l’avenir politique du Cameroun à un moment où beaucoup voient d’un mauvais œil le locataire d’Etoudi relever avec une main de fer les défis économiques, sociaux et environnementaux actuels du pays. Le 21 septembre 2024, la communauté nationale s’est joint au reste du monde entier pour célébrer la journée internationale de la paix, dans un contexte où les foyers de tension prolifèrent dans des villes camerounaises et sont susceptibles de fragiliser la paix sociale. Outre le conflit anglophone qui persiste, le scandale Glencore menace d’éclabousser des hauts fonctionnaires camerounais. Que dire du magma social qui risque d’éclater à tout moment ? Le peuple qui tire le diable par la queue du fait de la vie chère, attend et espère l’obtention des routes plus praticables ; l’accès à une éducation de qualité dans des salles de classes bien construites ; aux soins dans des centres de santé équipés ; à l’énergie électrique et à l’eau potable dans les villages, à une justice plus équitable à l’amélioration des conditions de vie des populations dans le cadre des projets de développement, maturés. Des dossiers brûlants pour lesquels plusieurs analystes n’entrevoient qu’une alternance au sommet de l’Etat dans l’espoir de sortir du gouffre. Paul Biya est-il donc prêt à céder son siège pour ne pas dire son trône ? Lui qui est un roseau qui plie mais refuse de rompre ! Au pouvoir depuis 1982, il est le plus ancien dirigeant d’Afrique. Sous son règne, le Cameroun a survécu à une crise économique et est passé d’un État à parti unique au multipartisme. Mais il a également été marqué par une corruption endémique et un renversement des acquis démocratiques, conduisant à l’annulation des limites de mandats en 2008, ce qui a permis au nonagénaire de se présenter de nouveau en 2011 et en 2018.

Qui pour piloter le navire ?

S’il est admis qu’en raison de son âge et du poids des responsabilités, il a le droit de passer la main, qui donc pour tenir le gouvernail ? Une situation qui ouvre la voie à une course présidentielle plus compétitive que jamais, avec des enjeux élevés. Ce d’autant plus que les camerounais se demandent si le prochain leader sera en mesure de rassembler le pays, de promouvoir l’unité et de répondre aux aspirations variées de la population. Le nom de Franck Emmanuel Biya est abondamment cité. Ses présences systématiques aux grands rendez-vous où son père arbore la casquette d’organisateur ou d’invité, laissent conjecturer un scénario d’alternance de père en fils qui s’apparenterait étrangement aux cas du Gabon avec Ali Bongo ou encore plus près de nous avec Mahamat Idriss Deby, porté à la tête de l’organe transitoire quelques heures seulement après le décès de son guerrier de père. Sujet sensible et taxé de tabou, la question de l’alternance au Cameroun s’est amplifiée ces dernières année avec la naissance du Mouvement des frankistes dont le bruitage s’est davantage donné une nouvelle résonnance lorsque Franck Biya a choisi le 6 novembre 2021, date de la célébration du 39e anniversaire de l’accession de son père à la plus haute fonction, pour s’incliner devant la mémoire de feu Sultan Ibrahim Mbombo Njoya. Loin d’une simple visite de courtoisie et d’hommage, le fait que l’homme ait choisi la date de la célébration de l’accession de son paternel à la très haute fonction de président de la République pour se rendre solennellement à Foumban, a ravivé le débat sur les soupçons de transfert dynastique du pouvoir à l’Etat.

Source: Le Messager