Pas de fausse note. Pas de détail négligé. Chacune des articulations de la cérémonie ayant été un franc succès. Évocation. Le procureur général près le Tcs a pris officiellement fonction le vendredi 9 octobre, à Yaoundé, au cours d’une audience solennelle dans la salle d’apparat de la Cour d’appel du Centre. A cette occasion exceptionnelle, Laurent Esso, le ministre d’État, ministre de la Justice, garde des Sceaux, a fait une communication spéciale fortement appréciée par une salle noire de monde.
Le public bigarré comprenait plusieurs dizaines de magistrats, de nombreux invités au rang desquels le ministre d’Etat, ministre du Tourisme et des Loisirs Bello Bouba Maïgari, les ministres de la Recherche scientifique et de l’Innovation Madeleine Tchuinté, des Travaux publiques Emmanuel Nganou Djoumessi, de la Fonction publique Michel Ange Angouin, de l’Habitat et du Développement urbain, Jean Claude Mbwentchou, le ministre délégué à la présidence de la République chargé des Marchés publics Abba Sadou, de l’Education de base Mme Alim Adidja Youssouf…
Des autorités administratives et traditionnelles venues des quatre du pays, des députés à l’instar de Paul Éric Djomgoué et Barnabé Eloundou du Mfoundi et de la Lékié respectivement, des maires, notamment la très dynamique Célestine Ketcha Courtès de Bangangté, des invités spéciaux…
Du beau monde en dépit de la grande pluie qui s’est abattue cette matinée-là sur la capitale camerounaise. L’audience solennelle a été ouverte par le président du Tcs, Yap Abdou qui a souhaité la bienvenue aux membres du gouvernement et aux nombreux invités. Par la suite, il a donné la parole au procureur du Tcs pour ses réquisitions.
Après quoi, il a été demandé au greffier en chef de faire ses observations. En réponse, ce dernier a estimé n’avoir aucune observation à faire. La première phase s’est achevée par une parade de gendarmes qui ont fait allégeance au nouveau promu. La fête fut belle. La forte colonie de l’Ouest du pays et des groupes de danses traditionnelles représentant les dix sphères culturelles du Cameroun y ont pris une part active.
A 55 ans, Mme Justine Aimée Ngounou Tchokonthieu, nommée par décret présidentiel le 28 juillet 2015 en lieu et place d’Émile Zéphirin Nsoga appelé à faire valoir ses droits à la retraite, n’aura pas le temps de souffler. Cette magistrate hors hiérarchie (2e groupe) première femme à occuper le poste de procureur général au Cameroun, trouve sur sa table plusieurs dossiers sensibles, ayant trait à la distraction de la fortune publique.
Un autre challenge qu’elle va tenter de relever avec brio, après avoir fait ses preuves dans les prétoires de Nkongsamba, Douala, Bertoua et Garoua. Le nouveau procureur général près le Tcs est une juriste compétente, qui a accumulé une longue expérience de parquetier depuis son intégration à la magistrature en 1985.
Un homme avertit en vaut deux
rent Esso, le 09 octobre lors de l’audience solennelle de prise de fonction du procureur général près le Tcs, Mme Ngounou Tchokonthieu, est de celle qui précède les grandes tempêtes judiciaires. Surtout que le contexte et le lieu choisi (la cour d’Appel du Centre) ne laissent aucune place au hasard. «Malgré de nombreuses mises en garde du Chef de l’État, certains continuent d’interpréter à leur manière le célèbre article 2 des actes de nomination qui dispose que la personne promue à une fonction ‘’aura droit aux avantages de toute nature prévus par la réglementation en vigueur’’ », a regretté le ministre d’État, ministre de la Justice, garde des Sceaux.
Regret qui l’a amené a rappelé que le Tcs sanctionnera sans faiblir « tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont convaincus d’atteintes à la fortune publique». On imagine le calme lourd qui a suivi ces avertissements on ne peut plus clairs. D’aucuns dans l’auditoire ont dû se souvenir qu’en 2012, lors du congrès extraordinaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le président Biya avait martelé que ceux qui se sont enrichis au détriment de la fortune publique devraient « rendre gorge ». La suite tout le monde la connait…
Les nouveaux ministres dans le collimateur
Par-delà les têtes dans la salle d’apparat de la Cour d’Appel du Centre, il est loisible de penser que le ministre de la Justice s’adressait, sans avoir l’air d’y toucher, aux personnes promues au gouvernement le 02 octobre. Le fameux article 2 est à certains égards source d’amalgame. . « Avantages de toute nature » pourrait signifier chez des esprits peu avisés « puisez dans les caisses publiques comme bon vous semble.». Un malentendu qu’a voulu éliminer Laurent Esso.
Outre les « bleus du gouvernement », il n’est pas exagéré de dire que la subtile sensibilisation du ministre de la Justice cible aussi les hommes et femmes qui ont survécu au dernier réaménagement gouvernemental. Loin d’une volonté de remettre en question leur moralité, il faudrait plutôt y lire un appel à bien se tenir.
Des arrestations en perspective
La nouvelle procureure générale près le Tcs a pris fonction dans un contexte où l’opération épervier est dans l’air. Certains analystes interprètent le récent réaménagement gouvernemental comme la volonté du président de la République de mettre à la disposition de la justice, des ministres sur qui pèsent des soupçons de détournement de deniers publics. Au Cameroun, interpeller un ministre en fonction peut avoir des effets boomerang. C’est dans le vivier des « limogés », que Mme Ngounou Tchokonthieu sera sans doute aise de manier son glaive. Qui sera le premier sur la liste de la nouvelle procureure générale près le Tcs? Essimi Menye ? Amba Salla ? Biyiti bi Essam ? Hans Nyetams Nyetams ? On le voit, le choix est des plus vastes.
Mais une chose est sûre : la création du Tcs, qui connait des détournements de fonds publics supérieurs ou égaux à 50 millions Fcfa, est une réponse du président de la République à ceux qui ont pensé que les atteintes à la fortune publique, en toute impunité, étaient l’un des attributs de la fonction. En termes simples : ceux qui se sont enrichis au détriment de la fortune publique rendront coûte que coûte gorge. Ngounou Tchokonthieu ne devra faire que son travail. Rien que son travail. Peu importe qui aura la triste réputation d’avoir été le premier à recevoir une convocation signée de sa main.
Les recommandations de Laurent Esso au nouveau procureur général Tout comme le 15 octobre 2012, au cours de la première audience solennelle du Tribunal criminel spécial, le ministre d’État, ministre de la Justice, garde des Sceaux dans sa communication spéciale, s’est adressé aux magistrats réunis dans la salle d’apparat de la Cour d’Appel du Centre, mais, cette fois-ci, à l’occasion de l’audience solennelle marquant la prise de fonction officielle de Mme Justine Aimée Ngounou Tchokonthieu, nouveau procureur général près le Tribunal criminel spécial, nommée le 28 juillet 2015 par décret du président de la République.
En cette circonstance exceptionnelle, Laurent Esso a demandé au nouveau procureur général du TCS d’accomplir sa mission sans état d’âme. Pour le garde des Sceaux, «l’action publique est impersonnelle. Elle ne se focalise pas sur les individus, elle vise tout simplement à réprimer les infractions et à restaurer la société dans ses droits». Le peuple camerounais, a-t-il martelé, attend du nouveau procureur du TCS, des résultats meilleurs à ceux forts appréciables, qui ont déjà été enregistrés par cette juridiction en trois années de fonctionnement.
129 dossiers d’enquêtes transmis au corps spécialisé d’officiers de police judiciaire du TCS; 115 dossiers entrés dans les cabinets d’instruction avec 223 inculpations et 40 non-lieux, 41 décisions d’arrêt des poursuites, avec environ 3.140.000.000 de FCFA au titre de restitution du corps du délit, 146 condamnations à des peines d’emprisonnement assorties d’amendes et de frais de justice, 78 acquittements et près de 30.000.000.000 de FCFA de dommages et intérêts prononcés en réparation du préjudice subi par l’État.
Ce bref bilan est à mettre à l’actif du premier procureur général sortant, Émile Zéphirin Nsoga. L’action conduite par lui, au quotidien, en vue de relever le défi de la mise en service de cette importante juridiction est patente. Toutefois, malgré le bilan élogieux des trois années de fonctionnement du TCS, la compétence des magistrats et des personnels judiciaires, un ensemble de préoccupations sont exprimées à l’endroit du fonctionnement des juridictions. «Elles ne sont nécessairement pas toutes infondées. Elles ne sont pas nécessairement toutes exagérées», a reconnu le Minjustice Laurent Esso.
«Il y a encore beaucoup d’exemples où la justice n’est pas rendue comme cela le devait. C'est-à-dire avec célérité, avec impartialité, en conformité rigoureuse avec les lois et procédures en vigueur… Les dérèglements que l’on constate risquent de jeter la suspicion sur l’ensemble de l’institution. Or, celle-ci, investie désormais du «pouvoir » judiciaire, en tire une responsabilité particulière», a déclaré Laurent Esso, citant le président de la République, Paul Biya, lors de la présentation des vœux à la nation, le 31 décembre 1998.
Cette préoccupation exprimée il y a 17 ans par le président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, est une forte attente du peuple camerounais. Elle révèle des comportements professionnels qui ne peuvent laisser l’opinion indifférente, surtout lorsque ces comportements sont de nature à altérer la perception que l’observateur a de la justice camerounaise et de ses magistrats.
Le ministre d’État, ministre de la Justice, garde des sceaux a également attiré l’attention des magistrats comme celle de tous les responsables du TCS, que la loi de 2011 telle que modifiée en 2012, a prescrit un certain nombre de mesures qui encadrent les procédures et raccourcissent les délais de traitement des affaires de même que devrait être respecté l’accomplissement de certains actes de procédure.
A défaut, il ne serait pas exagéré de penser à une insuffisance professionnelle qui ne manquera pas de retenir l’attention du ministre de la Justice. Sur un tout autre plan, le Minjustice a instruit Madame le procureur général de ne jamais perdre de vue, quelque soit la gravité des faits en présence, que «toute démonstration de culpabilité peut se faire et doit se faire avec fermeté, mais dans le respect de la dignité d’autrui. C'est-à-dire avec politesse, courtoisie et décence…»
Visiblement, après la fête et les honneurs, le plus dur commence pour Mme Justine Aimée Ngounou Tchokonthieu. «L’exercice des responsabilités n’est pas forcément festif. Mais, je sais que vous êtes professionnellement et moralement prête à assumer, en toute responsabilité, les charges de vos nouvelles fonctions, sans crainte, ni faveur, ni rancune, en digne et loyal magistrat», a précisé Laurent Esso, non sans rappeler qu’elle a prêté ce serment de magistrat il y a 30 ans