Le président de la République, Paul Biya serait-il en train de préparer un grand nettoyage comme le prédisent certains observateurs de la vie politique camerounaise ? Le chef de l’Etat a donné son haut accord pour que plusieurs de ses proches collaborateurs soient entendus dans le cadre de l’affaire Covigate par le Tribunal Criminel Spécial. En dehors du cas Ferdinand Ngoh Ngoh qui a fait beaucoup de bruit compte tenu de son statut de secrétaire général du président de la République, d’autres ténors du régime plus discrets ont également été cuisinés par les enquêteurs du tribunal criminel spécial. C’est le cas Jean-Claude Ayem, conseiller économique de Paul Biya.
L’information a été révélé par le magazine panafricain Jeune Afrique. « Nos sources au sein du ministère de la Justice sont formelles : l’enquête judiciaire, confiée au TCS, est pratiquement bouclée depuis plusieurs mois. Il ne manquait que l’audition de Ngoh Ngoh, le patron de la task force. Les propos de Jean-Claude Ayem, l’influent conseiller économique de Paul Biya et principal animateur de cette structure, ont déjà été recueillis », indique le média.
Le journal le Messager dresse le profil de ce collaborateur de Paul Biya trempé dans de nombreuses affaire d’Etat
Conseiller technique au Secrétariat général de la présidence de la République, président du conseil d’administration de plusieurs sociétés d’Etat dont la Camair-Co et homme des basses manœuvres au sein du réseau Ngoh Ngoh, l’ex bras droit de Jean Marie Atangana, est aujourd’hui pressenti comme successeur de Cyrus Ngo’o au Port autonome de Douala. Dans les milieux du Pouvoir, on le surnomme « Einstein ». Mais ses faits d’armes n’ont rien à voir avec le génie du célèbre physicien américain d’origine allemande, Albert Einstein (1879-1955) qui a changé par sa théorie fondamentale de la relativité, la conception humaine du temps, de l’espace et de l’univers. Ce surnom renvoie plutôt à son habitude à jouer les « cerveaux » d’une maffia qui l’a fabriqué, moulé, adopté au point d’en faire aujourd’hui, un personnage redoutable et redouté dans les cercles de décision. En témoigne la pléthore de dossiers scandaleux dans lesquels son nom est cité derrière les lambris dorés du palais d’Etoudi comme au Tribunal criminel spécial (Tcs).
Tantôt tête de proue, tantôt bras armé, Jean Claude Ayem Mauger fait partie de ces « créatures » du système Biya dont l’obsession et la boulimie du pouvoir n’ont d’égal que leur funeste réputation, graduellement forgée au gré d’un opportunisme à outrance mais aussi des soutiens politiques de poids qui leur sert de bouclier et les éloignent jusqu’ici de la potence. Surtout en ces temps de fin de règne où le trône du Prince fait désormais l’objet de tous les appétits.
Le scandale de la Can 2019
Réputé pour son trafic d’influence, ses manœuvres dans l’ombre, mais aussi sa légendaire discrétion, cet universitaire au cursus d’économiste, conseiller technique à la présidence de la République, traîne des casseroles suffisamment bruyantes à chacun de ses passages. Comment oublier son tristement célèbre séjour à la défunte Faculté des Sciences économiques de l’université de Yaoundé où l’enseignant qu’il était, fût copieusement tabassé par les étudiants en 1990 pour son excès de zèle ? Très proche de Jean Marie Atangana Mebara qui lui a presque appris tous les rouages du régime, avant sa condamnation à 25 ans de prison par le Tcs pour détournement, courant juin 2003, de plus d’un milliard Fcfa destinés à l’achat d’un avion présidentiel, l’homme au crâne rasé a réussi à rebondir aux côtés de Ferdinand Ngoh Ngoh, Secrétaire général de la présidence de la République qui en a fait aussitôt, son homme de confiance ; l’homme des coups tordus.
Cela s’est encore vu dans les chantiers de la Coupe d’Afrique des nations (Can 2019) où on lui attribue un rôle éminemment néfaste avec la fameuse « Task Force » qu’il pilotait calmement en back office avec les revenus mirobolants que cette machine à sous a avalé. 46 ans après la Can 1972 marquée par le « scandale de la billetterie » qui fit envoyer en prison de nombreux notables du régime Ahidjo, avec à la clé des « affectations disciplinaires » pour ceux qui n’étaient pas activement impliqués mais qui en raison de leurs charges étaient censés ne pas laisser les choses leur échapper, le pays de Samuel Eto’o se retrouve sur la sellette. Entre les marchés fictifs par ailleurs surfacturés, des triplements, quintuplements voire décuplements des coûts qui ont rendu la Can onéreuse pour le trésor public doublées des multiples tentatives de braquage de la fortune publique, Ayem Mauger et ses comparses s’en sont mis plein les poches.
Bourreau d’Atangana Mebara ?
Eternels insatiables, au début de la pandémie à Covid-19, Ngoh Ngoh et Ayem Mauger tentent de convaincre Paul Biya de la mise sur pied, d’une « Task Force » dans la lutte contre la pandémie.Le N’nom gui s’y oppose. Sans doute ulcéré par l’expérience de la Task Force de la Can 2019. Mais les «bourreaux» ne lâchent rien. Déterminés à faire plier l’homme du 6 novembre 1982, ils vont réussir à rassurer ce dernier de l’utilité d’une Task Force pilotée depuis la présidence de la République.Elle ne sera donc plus seulement une structure décisionnelle mais opérationnelle. Présenté comme le comptable de cette maffia, l’homme va « prendre attache avec plusieurs hommes d’affaires pour leur proposer des marchés de la Covid moyennant des rétro commissions mais laissent aux ministres la charge de l’échec comme c’est le cas avec la Can », commente Boris Bertolt, activiste et journaliste.Le ministre des Marchés publics, (Abba Sadou à l’époque des faits) est mis sur la touche et finalement balayé lors du dernier réaménagement du gouvernement de janvier 2019. A en croire plusieurs sources, Ayem Mauger s’est mué en idéologue de Ngoh Ngoh et Séraphin Magloire Fouda.
« Tous trois ont uni leurs forces pour mettre sur pied tous les projets diaboliques avec pour objectif, des détournements massifs des fonds publics », soutient une source au Minmap. Homme à l’intelligence vicieuse, Ayem est à l’origine du limogeage de David N’Hanack Tonye de la direction du tournoi comptant pour le Championnat d’Afrique des nations (Chan 2020) pour des raisons jusqu’ici inavouées. N’est-il pas derrière toutes les fautes politiques de son mentor d’hier Atangana Mebara ? C’est dire s’il en était encore besoin qu’avec Ngoh Ngoh et Séraphin Fouda, le cercle vicieux qui contrôle le pouvoir et l’argent du Cameroun se met en branle.
La double face de Cyrus Ngo’o au Pad ?
Porté à la tête de la présidence du conseil d’administration de Camair-Co, cette énième promotion a provoqué l’ire de certains camerounais aux rangs desquels Pascal Charlemagne Messanga Nyamding qui a toujours vu d’un mauvais œil, les postes de prestige, de pouvoir et la grande influence conférés à son « bourreau ». Le politologue, membre titulaire du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais disait alors ne pas comprendre trop comment Ayem Mauger qui, a conspiré contre Paul Biya et le Rdpc à Paris, est aujourd’hui récompensé, alors que lui Messanga Nyamding, qui ne jure que par le nom de l’homme Lion, n’a jamais bénéficié d’une promotion politico-administrative de premier plan, ou d’un poste dans l’exécutif camerounais.
« Il a insulté le président…Il a tout fait et aujourd’hui, il est promu, et vous voulez que je sois content… J’ai mal au cœur, on ne peut plus supporter ce genre de désordre dans notre parti, il est temps que le président Paul Biya frappe la main sur la table… », fulminait-il avec véhémence. Et dire que celui-ci est pressenti pour remplacer Cyrus Ngo’o à la tête du Port autonome de Douala.
Lui qui cumule déjà les postes de Pca de Camair-Co, Pca de Nachtigal Hydro Power, administrateur à la Société nationale des mines (Sonamines), administrateur à Camtel, coordonnateur de la Task force chargé des chantiers de la Can, membre de la Task force Covid 19. De sources dignes de foi, Ngoh Ngoh s’activerait déjà à faire passer le décret de nomination comme lettre à la poste. Ayem ira alors se charger de « nettoyer toutes les traces de faux décelées dans les marchés querellés, la gestion globale et toutes les salissures de son prédécesseur pour laisser croire qu’il quitte le Pad clean », croit savoir un expert en marchés publics. Vous avez dit « double face de Cyrus Ngo’o » ?