Le 28 janvier 2017, Lucas Ayaba Cho échappe de justesse à une tentative d'assassinat au cœur d'Anvers, en Belgique. Entouré d'une foule de sympathisants après une réunion avec des séparatistes ambazoniens de la diaspora, le leader de l'Ambazonia Governing Council (Conseil d'administration de l'Ambazonie, AgovC) voit dans cette attaque la main du pouvoir de Yaoundé et de la redoutée Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), le service de contre-espionnage qu'il affirme le pourchasser, relate Jeune Afrique dans un dossier consacré à l’intéressé.
Depuis le début de la guerre fratricide en 2016 dans les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun, les services de renseignement camerounais ont lancé plusieurs opérations, souvent couronnées de succès, pour traquer les leaders séparatistes tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. Parmi les cibles figure Lucas Ayaba Cho, qui a jusqu'à présent réussi à échapper aux différentes tentatives. Mais qui est cet ennemi de Yaoundé, né le 25 août 1972 dans la région du Nord-Ouest ? Comment cet homme, engagé dans la cause anglophone dès ses années universitaires, est-il devenu le visage de la lutte pour l'indépendance de l'Ambazonie ?
Un homme de violence
En 1993, suite à une manifestation qu'il mène contre l'augmentation des frais d'inscription universitaires, l'étudiant Lucas Ayaba Cho est expulsé de l'université de Buéa, dans le Sud-Ouest. Il trouve refuge en Norvège, où il obtient le statut de réfugié politique. Ancien secrétaire général de la Ligue des jeunes du Cameroun méridional (Southern Cameroons National Council, SCYL), il étudie les droits de l'homme à l'Université norvégienne pour les sciences de la vie, près d'Oslo, devenant ainsi son nouveau quartier général d'activisme.
"Je connais Lucas Ayaba Cho depuis l'université, et il a toujours été cohérent dans sa manière de se battre : par la violence. Il est convaincu que le pouvoir n'entend que ce langage", témoigne Félix Agbor Balla, avocat et activiste anglophone, contacté par Jeune Afrique. Depuis la Norvège, ce futur séparatiste commence à dénoncer la "marginalisation" dont sont victimes les populations anglophones de son pays d'origine. Peu à peu, il s'engage dans la voie de la lutte armée. En 2013, Lucas Ayaba Cho crée l'AgovC. Trois ans plus tard, la crise anglophone éclate au Cameroun à travers les manifestations des avocats.
En septembre 2019, il décline l'invitation de Yaoundé à participer au Grand Dialogue National et maintient une ligne dure.
Lucas Ayaba Cho prend de l'ampleur. De l'étudiant contestataire, il devient l'un des principaux leaders d'une contestation qui ravive le rêve d'indépendance de l'Ambazonie. Lors de la querelle de leadership qui divise les séparatistes en 2019, il soutient ouvertement Sisiku Ayuk Tabe, un haut dirigeant séparatiste camerounais proclamé premier président de l'Ambazonie. Cependant, Ayuk Tabe est arrêté au Nigeria et condamné à la réclusion à perpétuité par la justice camerounaise la même année.