Leurs passeports ne leur ont pas été jusqu’ici retirés, mais ils n’ont plus, jusqu’à nouvel avis, le droit de sortir de leur pays. Essimi Menye, ancien ministre de l’Agriculture et du développement rural, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, ancien ministre des Postes et télécommunications, et Bernard Messengue Avom, ancien ministre des Travaux publics, sont assignés à rester à la disposition de la justice.
Cette restriction explique sans doute que Essimi Menye, malade depuis plusieurs jours, reste cloué à l’hôpital de la CNPS à Yaoundé depuis dimanche 11 octobre, alors qu’il aurait déjà pu être évacué en Europe pour une meilleure prise en charge. L’ancien ministre de l’Agriculture et l’ancien ministre des Postes et télécommunications, tous les deux sortis du gouvernement le 2 octobre, sont sous le coup d’enquêtes judiciaires pour diverses affaires, dont une en coaction.
C’est en tout cas ce que révèle un rapport de mission de vérification de la gestion de l’administration provisoire de la Campost (Cameroon postal services). A la suite des enquêtes menées par le Corps spécialisé d’officiers de police judiciaire en décembre 2014, exploitant un rapport du Contrôle Supérieur de l’Etat, il est ressorti que Essimi Menye, alors ministre des Finances, est « tenu pour responsable en coaction avec le ministre des Postes et télécommunications Biyiti bi Essam de la non-conformité du libellé de la convention d’assistance technique entre l’Etat du Cameroun et Sofrepost aux stipulations qui y sont contenues. »
En clair, le TCS pense qu’il y a un loup dans la concession du service postal public à l’entreprise française Sofrepost.
Mais ces deux personnalités ont, chacune, d’autres procédures qui peuvent justifier une interdiction de sortie du pays. L’ancien ministre de l’Agriculture peut avoir été rattrapé par des accusations portées contre lui en mai 2014 par le procureur général près le TCS de l’époque, Emile Zéphyrin Nsoga notamment la liquidation d’Amity Bank Cameroon.
Justine Aimée Ngounou, nouveau procureur, a manifestement repris à son compte les soupçons de son prédécesseur, était à la recherche des « raisons pour lesquelles Amity Bank dont la réorganisation devait permettre de retrouver son équilibre, a été cédée à la Banque Atlantique, ni celles pour lesquelles le ministre Essimi Menye a décidé d’un appui de l’ordre de 9 025 000 000 FCFA à l’acquéreur.» De plus, « il est également reproché au nommé Essimi Menye d’avoir, dans le cadre de la liquidation du patrimoine de l’ex-Société camerounaise de tabac, enjoint le liquidateur de vendre une plantation de 50 hectares à son petit-frère aujourd’hui décédé. »
L’ancien ministre des Postes et télécommunications, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, avait, quand il était au gouvernement, désamorcé une accusation portée ment de 30 millions de FCFA sans pièces justificatives dans les comptes de la CCP effectué quand il était Secrétaire général du Minpostel. Il avait dû procéder au remboursement du corps du délit, soit 30 millions de FCFA. On ignore si cette restitution a éteint l’action judiciaire."
Toujours est-il que d’autres affaires lui sont suspendues au-dessus de la tête, comme l’affaire de « l’argent du pape » (700 millions de FCFA) que Biyiti bi Essam, alors Mincom, avait fait transiter par son compte personnel, l’exposant à une accusation de tentative de détournement de deniers publics. Même si les connaisseurs du TCS indiquent que ce tribunal spécial ne connaît pas des tentatives de détournement, mais des faits présumés accomplis de détournement. On peut ajouter les accusations, dès janvier 2015, d’obtention d’avantages indus à la Campost (Peugeot 607 et 59 millions de virement).
Quoi qu’il en soit, Jean-Pierre Biyiti bi Essam a senti le vent tourné dès sa sortie du gouvernement. Le dimanche 4 octobre, deux jours après le réaménagement ministériel, les visiteurs du ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, l’ont croisé. Un soutien de ce type ne serait pas de trop.
Le cas Messengue Avom
Le nom de l’ancien ministre des Travaux publics, sorti du gouvernement le 9 décembre 2011, fait tache dans la liste des personnalités interdites de sortie du Cameroun. A la suite de l’affaire dite « Ayos-Bonis », Bernard Messengue Avom avait fait l’objet d’une mise en examen par le Tribunal criminel spécial. Il avait été entendu deux fois par les officiers du corps spécialisé de police judiciaire du Tribunal criminel spécial (TCS).
En novembre 2014, puis le 23 avril 2015. A chaque fois, les enquêteurs n’ont pas obtenu de charges à retenir contre l’ancien ministre des Travaux publics. Et pour cause, dix jours avant sa dernière audition, le Premier ministre Philemon Yang refermait le dossier de cette route Ayos-Bonis en délivrant en date du 13 avril 2015 une correspondance au ministre des Travaux publics dont l’objet est sans équivoque :
« Clôture des marchés lots 1 et 2 du projet de construction de la route Ayos-Bonis ». Il sera donc difficile pour le TCS de poursuivre sur cette voie qui semble depuis lors sans issue. Pour cette raison, l’interdiction de sortie qui frappe Messengue Avom cherche encore une explication, d’autant qu’en dehors de l’affaire dite Ayos-Bonis cet ancien ministre ne fait actuellement l’objet d’aucune accusation ou information judiciaire.
Certaines sources évoquent le dossier des chantiers routiers du Comice d’Ebolowa de janvier 2011. En effet, il y avait deux volets routiers dans la préparation du Comice : la voie de contournement et les pistes rurales. La voie de contournement avait été réalisée par Sogea, sous la supervision du comité ad hoc mis sur pied par le chef de l’Etat et présidé par le vice-Premier ministre Jean Nkuete, ordonnateur des dépenses. Quant aux marchés pour l’entretien des pistes rurales, ils avaient donné lieu à un comportement licencieux de la part du délégué régional des Travaux publics de l’époque, Nguena Ousmane.
C’est un autre délégué régional, Nicaise Ayissi, qui avait fini le travail. Bernard Messengue Avom ignore donc les raisons objectives de son assignation. Quelques-uns de ses proches trouvent tout de même curieux que les affaires concernant l’ancien Mintp éclatent à l’approche d’un remaniement ministériel.