• Le Ministre Eyebe Ayissi a concédé 95 000 hectares à une société à Tibati
• Il s'agit de la société Tawfig Agro Industry
• Quoique provisoires, les populations craignent l’annexion de leurs espaces
Le préfet du département du Djérem, Ludovic Mbgwa, a présidé une réunion le 30 juin dernier à Tibati. Autour de l’autorité administrative, étaient réunis les chefs et populations des villages Mbangsiri, Gbangtigbang, Koussi, Ngongotoua, Louh, Nyadjida, Mbitom conseiller, Manglé, Mbitom kassa, Solla, Dang Houssa, Meidjamba, Barode, Mbigbaran, Tongo, Kouata, Djoah 1 et 2, Meissaba, Samba, Tapare, Soté, etc. Il était question de recueillir les avis des riverains, a-t-on appris, le temps d’une concertation cordiale, sur le bail de 95 000 hectares, concédé par le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf).
De fait, le 09 mai 2022, le ministre Henri Eyebe Ayissi adressait une correspondance au préfet du département du Djérem dont l’objet est une demande d’occupation d’un site en bail pour l’agro-industrie et élevage dans la réserve de l’État dans le département du Djérem. En transmettant ainsi la thermocopie de la correspondance du directeur général de la Société Tawfiq Agro Industry, le ministre informait le préfet que : «je marque mon accord de principe pour l’occupation provisoire, par ladite Société, d’une superficie de 95 000 ha de la réserve foncière de Tibati objet des titres fonciers n° 515 et n° 516/Djérem, en vue de la mise en place de son projet agro-industriel» . Le ministre d’instruire au préfet des dispositions utiles et urgentes pour la prise de possession du site et l’accélération du processus d’élaboration du dossier administratif et technique censé soutenir la procédure d’attribution en bail au profit de Tawfiq Agro Industry. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’affaire fait déjà de gorges chaudes. Des interrogations fusent sur cette mise en bail, même s’il est à relever qu’il s’agit du domaine privé de l’Etat, et non du domaine national. D’ailleurs, confie une source, une réunion a été convoquée la semaine dernière à Yaoundé par le président national de l’Association des ressortissants du Djérem (ARD), Mohaman Sani.
«Toutes les élites résidant à Yaoundé, ainsi que tous les élus locaux, notamment maires, députés, sénateurs ont tous répondu présents à cette assise à hôtel des Députés pour débattre sur le projet. Des experts en matière foncière, ainsi qu’ingénieurs et agriculteurs ont donné leurs avis sur l’occupation de cette terre. Certes, la superficie demandée est énorme, mais il faut comprendre que ce n’est pas du domaine national qu’on parle, c’est le domaine privé de l’État et que le titre foncier est déjà disponible. Dans le Djérem, l’État a décidé de donner à la société Tawfiq Agro industry pour le bail. Qu’à cela ne tienne, une commission de suivi et d’évaluation devrait être constituée entre les élites et les autorités administratives pour savoir l’objet même de l’implantation de cette société agro-industrielle dans notre département. Ce, vu leurs implications ailleurs» , explique ladite source.
CRAINTES
La véritable inquiétude de certains riverains, c’est bien ce risque de se voir dépossédés de leurs terres. Ici, l’on peine encore à comprendre la terminologie utilisée par le Mindcaf, faisant notamment référence aux titres fonciers de la réserve foncière de Tibati. D’aucuns ne s’empêchent de pousser l’interrogation «sur la superficie 95 000 hectares. La CDC est une entreprise agro-industrielle. Avant la crise dans NOSO, elle était le premier employeur du pays avec plus de 18 000 employés après l’État. Mais ses activités s’étendent sur à peu près 100 000 hectares et elle dispose d’un budget double de celui de l’État camerounais. Ici chez nous, c’est directement 95 000 hectares, sensiblement égal à 100 000 hectares. Ici la notion de superficie est une contrainte pour nous, plusieurs villages et campements seront impactés systématiquement. 95 000 hectares n’est pas une petite chose. Certes, c’est petit quand on écrit sur un format A4, mais sur le terrain, c’est autre chose» . S’agit-il simplement d’incompréhensions ou d’un manque d’informations ? L’intensification des concertations avec les riverains pourra certainement mettre de la lumière dans cet océan actuel de soupçons. De mémoire, la population de Tibati était déjà montée au créneau en 2019, pour s’opposer à la location par la société Tawfiq Business Company Sarl de 115 000 hectares. Selon les termes de la demande formulée par l’entreprise, ce site devrait abriter le complexe agro-industriel de production des céréales et agrumes. C’est manifestement ladite demande, qui prospère, avec une superficie revue à la baisse. Tout est encore cependant «provisoire», selon la lettre du Mindcaf du 09 mai 2022, il faut bien le préciser.