Shanda Tonme vient de poser sûrement un acte de sagesse. Alors qu’il a déposé une plainte contre Claude Abe pour attentat à la constitution, le médiateur universel a écrit une lettre à ce dernier remplie de mots d’affection.
Il lui pardonne ses fautes mais aussi, l’appelle à construire le Cameroun dans la paix et la fraternité.
Camerounweb vous propose l’intégralité de cette lettre :
Yaoundé, le 29 Avril 2023
Lettre à un compatriote, un frère et un ami
Professeur Claude Abe
Universitaire et intellectuel camerounais
<< Que vaut la vanité d'une plainte de circonstance, même légalement et légitimement fondée, face à la puissance, la pertinence et l'assurance que procure la foi en l'amour du prochain, en la bénédiction de nos ancêtres qui nous enseignent de toujours pardonner et de toujours demeurer une famille ? Que celui qui n'a jamais posé un acte tribaliste ou sectaire se lève, explique comment, et nous le prouve. Que celui qui n'a jamais regretté une parole lève le doigt et indique la couleur de la virginité de l'esprit » ?
Cher compatriote,
Mon cher Claude et cher homonyme,
Il me tient profondément à cœur, de te dire mon attachement à ce qui nous rassemble, à ce qui nous est commun et à ce qui nous distingue de façon générale en tant que filles et fils d'un même pays, à d'autres habitants de la planète. En somme je veux ici rappeler notre citoyenneté ainsi que notre identité commune en terre camerounaise. Je sais combien les temps sont agités, et je sais combien et comment, nous sommes exposés à toutes sortes de travers, de débordements, de perditions voire de dérapages pour autant de manipulations à la moindre incartade, au moindre glissement de langage.
J'ai en tant qu'être humain, mesuré, analysé et jaugé de ma posture, ce que tu peux ressentir, après une clameur populaire débordante, résultant de quelques écarts circonstanciels projetés au firmament des polémiques, des condamnations, des interprétations, des jugements et des sanctions multiples, à tort ou à raison.
J'ai longuement réfléchi, durement médité et radicalement conclu, sur le sens de notre rôle social, sur les termes de référence de notre mission dans un pays aussi diversifié culturellement et aussi complexe politiquement. Je n'ai pas cessé de poser la question essentielle, sur nos maladies, nos défaillances, nos doutes, nos espoirs, nos déceptions et nos attentes. J'en suis arrivé à m'interroger sur ce qui fait la douleur de notre société et menace son unité, la solidarité de ses acteurs et l'amour entre ses différentes familles ethniques, culturelles, spirituelles, dogmatiques et anthropologiques.
Au fond, personne de nous n'est vraiment ni dans la faute ni dans le triomphe de la raison logique. Je tiens pour vrai et incontestable, que tu n'as inventé ni le tribalisme ni la haine, ni le sectarisme ni l'égoïsme, ni la discrimination ni la marginalisation, ni les quotas dans les examens et concours ni la tricherie dans l'élévation aux rangs de diplômés, ni la forme triangulaire de notre pays ni la douleur des milliers d'anonymes qui souffrent à cause des mille injustices et préjudices de notre société.
Enfin, je prends vraiment ta permission, assuré de ta proximité par la compréhension de fait, que je soupçonne être ici et maintenant la tienne, ou à partir de maintenant la tienne, pour te dire encore mon attachement, ma fraternité et mon admiration, d'abord pour le fait de parler, de se libérer pour libérer ou pour faire libérer la parole, et ensuite pour te dire tout mon encouragement à poursuivre dans la recherche académique, dans l'enseignement, en faisant toutefois attention de ne point donner d'autres occasions, pour l'irruption des ostracismes ainsi que des vendettas voulus par tous ceux qui sont attentifs au plus petit départ de feu, pour brûler toute la République, compromettre l'Etat, saccager la nation et installer définitivement notre société dans la division.
Jamais il n'y a eu de guerre sans paix, et très souvent la paix s'est imposée avant que ne commence certaines guerres. A chaque fois, il a fallu des hommes et des femmes armés de patiences et de sagesses, pétris d'intelligences et d'expériences, nourris de volontés de médiations et définitivement construits dans l'art de réconcilier et de recoller tous les extrêmes.
Merci cher frère, cher homonyme et très cher compatriote
Je suis venu en paix, pour supporter avec toi, les peines que produisent nos fautes et nos défaillances, mais aussi pour partager avec toi, ma conviction selon laquelle, nous ne réussirons rien avec des vengeances, des haines, des sectarismes et des divisions. Mais si l'histoire nous impose de considérer les voies institutionnelles qui concourent à traduire les attentes des peuples en bonheur, par des formes de l'Etat plus consensuelles, dans une société effectivement plurielle où aucun citoyen ne criera à la tricherie, à la combine et à l'exclusion, alors, unissons nos forces pour œuvrer à sa réalisation.
Universitaire et intellectuel de nom et de renom, rien ne viendra te grandir, nous grandir, si ce n'est notre aptitude, notre capacité, notre humilité dans l'autocritique, dans le rabaissement devant la vérité, dans la soumission à l'idée de rassemblement et dans l'adhésion à la tolérance, au dialogue et à la réconciliation pour la paix. Le tribunal est le socle de la valorisation des normes convenues qui gouvernent les rapports sociaux et économiques de toute nature, mais le tribunal représente finalement l'échec de la médiation, pendant que la décision du juge, amplifie la désolation des-uns ou des-autres, les éloignant se faisant, de mince fibre d'amour et de fraternité qui résiste aux déchirures, aux litiges, aux conflits, aux guerres ainsi qu'à toutes les crises.
Monseigneur Jean Zoa, un si grand homme que j'ai eu la chance de côtoyer, lorsqu'il était en présence d'un comportement humain très négatif, prononçait toujours cette parole d'une grande sagesse : << pardonne-le-lui mon frère, il a simplement manqué de jugement »>.
Monseigneur André Wouking ne fit jamais allusion à l'ostracisme dont il fut victime de la part des gens qui voulurent l'empêcher de satisfaire son ministère spirituel à l'archidiocèse de Yaoundé en bloquant les voies d'accès de la capitale, il laissa tout au jugement de l'éternel.
L'université catholique, celle-là même qui te condamne aujourd'hui, n'est-elle pas la même qui avait un temps, manqué de jugement, en déclarant que la réussie massive de certains candidats, résultait des combines des encadreurs, superviseurs et correcteurs originaires de la même aire ethno-tribale que ces derniers ? Que personne ne fasse le procès de personne, et que l'apaisement triomphe avec la reconnaissance que nous sommes tous des faillibles et des mortels.
Ce qui compte le plus et définitivement, c'est le Cameroun, notre Cameroun, un seul et unique Cameroun, notre pays. Ce qui compte immensément dans mon cœur c'est notre responsabilité collective ainsi que notre volonté de vivre ensemble, dans la fraternité et dans la paix.
A très bientôt mon frère. J'attends ton appel, afin que nous puissions partager un repas à ma table, et pourquoi pas à la tienne?
Fraternellement, avec amour et dans la vérité./.