Dans son ouvrage Histoire politique du Cameroun, Ngouo Woungly Massaga revient sur le passé tumultueux d’un pays secoué par des images insoutenables dont l’horreur n’a jusqu’ici pas été pansée.
Le Cameroun, très souvent décrit comme une jeune nation, a une histoire tumultueuse. Une histoire marquée de conquête et de sang versé. En effet, la marche vers l’indépendance a été difficile. Malgré les écueils et les menaces urbi, les devanciers ont tenu la dragée haute pour voir le Cameroun se prendre en charge par ses fils et filles en lui donnant une orientation voulue.
Un idéal qu’Um Nyobe et ses compagnons ne verront certainement pas de sitôt. Car ils ont brutalement été arrachés à la vie par les colonisateurs.
La lutte pour l’indépendance
Déjà dans l’histoire, Ruben Um Nyobe, Felix Moumie, Ernest Ouandié... ont donné de leur vie pour leur pays. Ces héros nationaux ont lutté avec courage pour l’indépendance du Cameroun. Ngouo Woungly Massaga, pose le curseur au centre dans son ouvrage : Histoire politique du Cameroun : de la conquête de l’indépendance à l’impasse néocoloniale ». La période d’étude s’étale de 1944 à 2004. « En prenant l’année 1944 comme point de départ de la lutte pour l’indépendance au Cameroun, nous ne suggérons pas qu’avant cette date notre peuple avait subi la domination coloniale dans une totale passivité. Nous prenons un repère historique qui se justifie : celui de la conférence de Brazzaville qui se tient dans cette ville du Congo sous la présidence du général De Gaulle, du 30 janvier au 8 février 1944 », indique d’entrée l’auteur. P14-15
Histoire politique du Cameroun est un ouvrage dans lequel fourmillent des données historiques, des dates et des anecdotes très peu connues. Car l’auteur fait partie des acteurs de ce passé marqué par la lutte de l’UPC. La résistance contre le colon était rude. Ngouo Woungly-Massaga, Upéciste dans l’âme, au regard des idéaux portés par ses têtes de proue, se positionne comme un témoin oculaire. La violence obscure et la maltraitance avaient fait leur nid sous le regard complice de certains fils du pays. « Entre le 24 et le 25 septembre 1945, les colons du Cameroun passèrent effectivement « à l’action », avec la complicité du Haut-commissaire Nicolas, qui céda à la demande de quelques colons à être armés et laissa d’autres s’armer en cassant une armurerie. Aucune disposition ne fut prise pour prévenir ou empêcher les violences des colons qui purent donc se livrer impunément à un véritable « massacre des nègres ». P24
Le sang a coulé
L’auteur dans son récit chronologique, nous apprend d’ailleurs que le syndicalisme précède les partis politiques au Cameroun. Pour en arriver là, le bras de fer était permanent avec la France qui ne voulait surtout pas lâcher du lest. Malgré ‘’l’ouverture’’, les colons ont facilité la naissance des partis fantoches à leur solde. Car le ton de l’UPC n’était pas de leur goût. Il fallait tout mettre en place pour diluer les actions menées par Ruben Um Nyobe et ses camarades ; même en propageant des fausses informations. Les massacres de mai 1955 étaient le tournant d’une lutte qui allait embraser une bonne partie du pays. Les upécistes avaient les nerfs à fleur de peau. Le pays est tombé dans une vague de violences. « Les évènements se déclenchèrent à Mbanga le 22 mai 1955. Une semaine auparavant, le 17 mai, une réunion de l’UPC avait été dispersée par la police, et, le lendemain, la section de l’UPC de Mbanga décida de tenir une nouvelle et de répondre à la force par la force en cas de nouvelle intervention de la police. C’est cette seconde réunion qui fut l’occasion du déclenchement des affrontements du 22 mai 1955. Les émeutes, marquées de massacres, se succédèrent ensuite pendant plus d’une semaine dans une atmosphère survoltée. P43
La mort du Mpodol
Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobe sera abattu par une patrouille militaire dans la région de Boumnyebel avec son collaborateur Etienne Yemback. Selon la légende, Mayi Matip avait livré Ruben Um Nyobe. Une opinion qui ne repose sur aucun argument sérieux (P73), écrit Ngouo Woungly-Massaga, auteur et acteur de cette période tumultueuse. Histoire politique du Cameroun est un ouvrage de 195 pages. Il est construit autour de 12 chapitres repartis en deux parties. C’est un régal. L’ouvrage est parsemé de dates clés, des noms des personnes présentes à cette époque. L’auteur expose les visages des acteurs de la lutte l’indépendance. Ngouo Woungly-Massaga a fait un excellent travail au niveau de l’écriture avec le choix des mots accessibles à tous en restant intelligible. Histoire politique du Cameroun aborde des sujets variés : la formation politique, le syndicalisme, la mort, la violence, l’amitié, la traitrise... Il revient sur les débuts de la crise au sein de l’UPC avec la naissance des différents courants en son sein. C’est d’ailleurs encore visible jusqu’ici. Ngouo Woungly Massaga expose les incohérences de l’UPC pendant les périodes de luttes en mettant également un point d’honneur sur les villes mortes etc. Le style n’est pas ambigu bien au contraire. Le lecteur devrait y trouver son compte car il est facile à lire. Histoire Politique du Cameroun mérite d’être lu et enseigné dans nos écoles car l’histoire du Cameroun à travers ses grandes figures reste peu connue. Les éléments du paratexte de cet ouvrage, renseignent à suffisance sur la trame des lignes interieures. Un voyage historique et touristique avec des villes intrinsèquement liées à la lutte de l’indépendance. Cet ouvrage est édité par les éditions du Schabel et préfacé par le Rév Dr Simon B. Njami Nwandi.