Le Mali, la Guinée et le Tchad sont aujourd'hui dirigés par des gouvernements de transition. Ceux-ci ont professé leur volonté d'organiser des élections présidentielles dans les meilleurs délais pour un retour des civils au pouvoir. Mais dans les trois cas, le respect des calendriers initiaux semble poser problème du fait d'une multitude de raisons.
Le dernier coup d'État au Mali a été perpétré par les forces armées en août 2020 après une vague de contestations populaires. Neuf mois plus tard, en mai 2021 un second coup d'État est commis par la même junte avec à sa tête le colonel Assimi Goïta qui fera arrêter le président de transition Bah N'Daw et son premier ministre Moctar Ouane.
Au Tchad, le décès du président Idriss Déby Itno en Avril 2021 a propulsé son fils Mahamat à la tête du conseil militaire qui dirige aujourd'hui le pays, et en Guinée, le dernier coup de force de l'armée en septembre 2021 a abouti à l'arrestation du président Alpha Condé. Le pays est aujourd'hui dirigé par le colonel Mamady Doumbouya.
La dernière alternance démocratique en Guinée date de l'élection en 2010 de l'ancien président Alpha Condé à la tête du pays, après un coup d'état perpétré par le capitaine Moussa Dadis Camara. Au Mali Ibrahim Boubabcar Keïta est le dernier président démocratiquement élu, en 2013, lors de l'élection présidentielle qui fait suite au putsch mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo en 2012.
Depuis François Tombalbaye, premier président de la République du Tchad renversé par un coup d'État en 1975, le pays n'a jamais connu de passation démocratique du pouvoir entre deux chefs d'État élus.
"Et les résolutions qui en sont sorties ressemblent très curieusement à celle des assises que nous avons connues par le passé, à savoir la conférence d'entente nationale, le dialogue national inclusif. C'étaient les mêmes solutions qui avaient été proposées, simplement la particularité qui en ressort, c'est le contexte actuel. Celui des élections et de la prolongation de la transition ...et sur cette question, il s'agit d'une décision n'ayant pas fait l'objet de discussion" souligne le chercheur.
Un sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Mali est prévu le 9 janvier à Accra.
Les autorités maliennes ont notifié à la Cédéao qu'elles sont dans l'incapacité d'organiser des élections présidentielle et législatives en février 2022, comme la junte s'y était préalablement engagée.
Le gouvernement malien invoque l'insécurité persistante dans le pays dont une grande partie du territoire échappe au contrôle des autorités.
Le 12 décembre, l'organisation sous régionale avait exigé des élections en février 2022 au Mali et menacé d'imposer des sanctions supplémentaires dès janvier en cas de non-respect de ce délai par la junte.
Les sanctions feraient-elles la différence ? Peut-être, nous dit le journaliste et chercheur malien Alexis Kalembry.
"La junte bénéficie encore du soutien populaire mais elle pourrait être vite rattrapée par la réalité en ce sens qu'il n'y a pas de perspectives d'emploi. La situation économique ne se présente pas très bien parce qu'il y a peu d'investissement, la dernière saison des pluies n'a pas été des meilleures, il n'y a pas eu beaucoup de récolte et la faim sévit dans certaines régions du pays "note-t-il.
Au Mali plus d'une centaine de personnalités de la transition ont été sanctionnées par l'organisation sous régionale qui a gelé leurs avoirs et leur a imposé une interdiction de voyager au sein de la Cédéao. Lesdites sanctions sont étendues aux membres de leur famille.
La CEDEAO n'a pas précisé la teneur des sanctions supplémentaires dont elle a brandi la menace, mais en 2020 après le premier coup de force des hommes du colonel Assimi Goita, l'organisation avait imposé un embargo qui incluait la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ses pays membres, et l'interruption des transactions financières ainsi que des échanges commerciaux avec Bamako, à l'exception des denrées de première nécessité.
La CEDEAO, la France, l'Union Européenne et les États-Unis avaient menacé d'imposer des sanctions après ce que Paris avait appelé un coup d'État dans un coup d'État.
Washington a mis sa menace à exécution en suspendant son assistance militaire au Mali et déclarait envisager "également des mesures ciblées à l'encontre des dirigeants politiques et militaires qui font obstacle à la transition du Mali vers une gouvernance démocratique sous l'impulsion des civils" selon un communiqué en mai dernier du département d'État.
"Tous les organes de transition sont déjà en place. Mais tout dépendra aussi de la pression que la communauté internationale mettra pour obtenir le délai. Dans le cas du Tchad, je pense que le pouvoir est sensible à ce que pensent ses partenaires : la France, l'Union africaine et les autres partenaires. A mon avis, avec un minimum de pression, le Tchad pourrait aller aux élections en 2022", affirme l'analyste à BBC Afrique. La transition doit durer 18 mois renouvelable une fois.
L'union africaine a décidé de ne pas sanctionner le Tchad en mai 2021 mais a exigé une transition démocratique de 18 mois menant à des élections libres, justes et crédibles.
Le casse-tête de la composition du conseil national de la transition en Guinée
En Guinée le CNT, le Conseil national de la transition, censé tenir lieu d'assemblée nationale est l'organe qui doit mettre en place un calendrier électoral en vue des prochaines élections.
Mais à ce jour, cet organe n'est pas créé. Les autorités au pouvoir en Guinée ont demandé aux principales composantes de la société et aux principaux partis politiques de fournir une liste de 81 membres qui le composeront.
Les autorités de la transition ont publié un communiqué dans lequel elles affirment avoir reçu 706 candidatures, envoyées notamment par les partis politiques, les organisations de la société civile, les chefs religieux, les associations de jeunes, pour siéger au CNT.
Il rappelle que la constitution guinéenne a été suspendue, la CENI dissoute, et que le fichier électoral doit être revu entièrement selon la junte. L'analyste en conclut qu'il est peu probable que des élections se tiennent cette année en Guinée.
Mais les sanctions internationales, notamment la suspension de la Guinée de L'AGOA (African Growth and Opportunity Act, Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique en français) par Washington semble miner la patience de la classe politique.
Plus d'une centaine de formations politiques viennent de former une nouvelle coalition nommée le Collectif des Partis Politiques de Guinée, le CPPG.
Le principal leader de l'opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, annonce que cette plateforme va adresser une demande commune de retour à un régime civil à la junte militaire et qu'il est urgent que la Guinée travaille à rétablir ses relations avec ses partenaires internationaux.