Personnalités célèbres et anonymes. Deux groupes que tout oppose, mais qui trouvent un lien en un lieu : le Tribunal criminel spécial. Depuis novembre 2012, une centaine de cas sont enrôlés et jugés, mettant devant la barre aussi bien des anciens membres du gouvernement, que des accusés oubliés pas les gros titres des médias publics et privés.
En presque trois ans, certains mis en cause ont fait des apparitions répétées, comme Yves Michel Fotso dans les différents volets de la liquidation de la Camair, ou Urbain Olanguena Awono dans les procès l’opposant au ministère de la Santé publique, pour les volets sida et paludisme. D’autres accusés ont perdu la vie alors que leurs affaires avaient déjà été inscrites au rôle, comme ce fut le cas de Jérôme Mendouga, ancien ambassadeur du Cameroun aux Etats-Unis dans « Albatros », ou de Catherine Abena pour l’affaire l’opposant avec d’autres accusés, au Ministère public/ministère des Enseignements secondaires.
Des exceptions, comme celle de Haman Adama, ex-ministre de l’Education de base, font état de sommes remboursées. Elle a bénéficié d’une décision d’arrêt des poursuites en 2013, après avoir versé à l’Etat un montant de près de 213 millions de F évoqué à l’époque par des sources judiciaires. Et selon les chiffres glanés auprès du TCS, en près de trois ans, 55 inculpés ont finalement été acquittés, mais 126 personnes condamnées.
Les détournements de deniers publics concernent le principal motif d’inculpation. On parle de sommes affolantes, car la barrière du préjudice est bien définie. C’est d’ailleurs ce que précise la loi du 16 juillet 2012 modifiant et complétant certaines dispositions (articles 2, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 18) de la loi du 14 décembre 2011.
Dans son article 2 (nouveau), elle précise que « le Tribunal est compétent pour connaître, lorsque le préjudice est d’un montant minimum de cinquante millions (50.000.000) de francs FCFA, des infractions de détournement de biens publics et des infractions connexes prévues par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Cameroun. » L’article 7 (6) poursuit en révélant que, lorsque le préjudice est inférieur à 50.000.000 de francs CFA, le Procureur Général près le Tribunal transmet la procédure au Procureur général compétent.
La durée de quelques affaires suscite les interrogations. A l’instar de celle concernant le Ministère Public/Projet R.I.G.C (Renforcement des Initiatives pour la Gestion Communautaire des Ressources Forestières et Fauniques) contre Kaptue Tagne Serges, toujours en cours, bien qu’ouverte en novembre 2012. La loi de 2012 est claire sur la périodicité, révélant que le Tribunal dispose d’un délai maximum de six (06) mois pour rendre sa décision.
« Ce délai peut être prorogé d’un délai maximum de trois (03) mois par ordonnance du Président du Tribunal. Cette ordonnance est insusceptible de recours. Tout acte de recours, dans ce cas, est classé au dossier », lit-on à l’article 10, alinéa 6. Si la loi donne cette précision, elle reste cependant muette dans la perspective qu’une affaire se prolonge au-delà de neuf mois pour des raisons justifiées, même si, comme le confirme une source judiciaire « des sanctions disciplinaires sont prévues en cas de non-respect des délais. »
La loi a également prévu un recours, répondant ainsi aux termes de l’article 14 (5) du Pacte International Relatif aux Droits civils et Politiques entré en vigueur le 23 mars 1976 auquel le Cameroun a adhéré, « Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation conformément à la loi ». En son article 12 alinéa 1 (nouveau) : « Le pourvoi est formé dans un délai de 48 heures à compter a) du prononcé de la décision contradictoire ; b) de la notification à la partie défaillante du jugement de défaut. » Il n’est donc pas rare de voir des défenses évoquer la Cour suprême.
Ainsi, il est formé au sein de la Cour suprême, une section spécialisée composée des magistrats des trois chambres (judiciaire, administrative et des comptes), compétente pour connaître des pourvois formés contre les jugements du TCS. Cette section de la Cour suprême dispose d’un délai maximum de six (06) mois pour vider sa saisine. Parmi les cas pendants dans cette juridiction, l’affaire Ministère public/ministère de la Justice contre Fanta Elisabeth Marie épse Tikela Kemone, Ministère Public/Etat du Cameroun contre Atangana Mebara et autres, Ministère Public/ministère de la Santé contre Olanguena Awono Urbain ou encore Ministère Public/Crédit Foncier du Cameroun contre Abah Abah Polycarpe.