«Aucune information sur la gestion des stocks de ces médicaments n’a été mise à la disposition de la Chambre des comptes. Ces médicaments n’ont pas été pris en charge par le comptable-matières, et personne au Minsanté n’a été en mesure de dire où ils sont stockés aujourd’hui. En outre, aucune information relative aux paiements de ces trois marchés, pour 536 443 636 Fcfa, n’est retracée dans la comptabilité du payeur spécialisé auprès du Minsanté, ni dans le compte d’emploi des paiements en numéraire du Minsanté pour 2020», indique le rapport, qui conclut : «Compte tenu de ces éléments, et en particulier de l’incapacité des responsables du Minsanté à identifier leur lieu de stockage, la Chambre estime que ces médicaments sont soit détournés au profit de personnes privées, soit qu’ils ont fait l’objet d’une livraison fictive».
Quand ’’les marchés spéciaux” font le lit des entorses à la réglementation
«En l’absence d’enregistrement par le comptable-matières, les biens achetés ne sont pas pris en charge dans ses livres comme appartenant au patrimoine de l’État ou à ses stocks et peuvent donc être facilement détournés.Telle a été la situation en 2020 pour un grand nombre des biens achetés par la procédure des marchés spéciaux», soutient le rapport de la Chambre des comptes.
Une longue énumération des biens étatiques dans cette situation est ensuite faite. On y retrouve notamment les stocks d’hydroxychloroquine, d’azithromycine et d’intrants pour fabriquer l’azithromycine, achetés par le Minresi à hauteur de plus de 600 millions de Fcfa; les stocks de tests de dépistage à hauteur de 25,8 milliards de Fcfa; les stocks d’équipements de protection individuelle pour 26,7 milliards de Fcfa; les équipements médicaux réceptionnés par l’administration centrale (25 marchés spéciaux, 18 lettres commande spéciales et 6 bons de commande administratifs ayant fait l’objet de procès-verbaux de réception, pour un total de 5,6 milliards de Fcfa, eu.).
Opportunisme et conflit d’intérêts dans l’attribution des contrats
À partir des extraits d’immatriculation de certains prestataires au registre du commerce, la Chambre des comptes révèle que des entreprises ont été créées à la faveur du plan de riposte, ou réactivées pour les besoins de la cause. C’est le cas des Proof Consulting Group technologie médicale du Cameroun ou encore New Pharma Sari. 35 à 40 jours après leur immatriculation,ces trois entreprises ont gagné des contrats dans la riposte contre le Covid-19, pour un montant cumulé de près de 700 millions de Fcfa.
Par ailleurs, apprend-on, certains contrats été attribués «sur fond de conflit d’intérêts». Il en est ainsi, selon le rapport de la Chamore des comptes, «de trois entreprises (Ets Aboa Perspective, Ets ABS Motors et Phase Engeneering Cameroon SA), qui ont été attributaires de 06 marchés d’un montant total de 1620834039 Fcfa, et dont le gérant est te frère cadet du président du groupe de travail intervenant dans le processus d’attribution des marchés» au ministère de la Santé publique.
1,2 milliard de Fcfa de travaux inachevés, mais payés intégralement
«Au total, la Chambre constate que les marchés spéciaux n° 029,035 et 022 ont été réceptionnés et payés entre avril et octobre 2020 pour un montant total Ttc de I255 274 772 Fcfa, alors que les prestations étaient inachevées à la date du 21 décembre 2020», apprend-on. Il s’agit notamment des travaux de construction d’un poste de santé aux frontières de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, des travaux de réhabilitation du pavillon de neurologie de l’hôpital central de Yaoundé (lot 2) et des travaux de réhabilitation/extension du pavillon Lagarde de l’hôpital central de Yaoundé (lot I).
Un paiement de 15 milliards de Fcfa de restes à payer à problème «Le ministère des Finances a consacré 15 000 000 000 Fcfa au règlement de restes à payer dans les postes comptables. Il indique que “ces dépenses ont bénéficié des appuis budgétaires (Covid) à hauteur de 15000 000000 Fcfa”, c’est-à-dire de financements des partenaires techniques et financiers.(… )
Les comptables publics interrogés par la Chambre ont estimé que les ressources allouées étaient destinées au règlement ordinaire des dépenses de leur circonscription, et non pas inscrites dans la logique gouvernementale de mesures spéciales de lutte contre la Covid 19 et ses conséquences économiques, sociales et financières. Pour sa part,la Chambre des Comptes n’a pas été en mesure d’identifier une diminution du stock des restes à payer des postes comptables».