URGENT: ce n'est pas Amougou Belinga l'assassin de Martiez Zogo

Amougou Belinga Jp Image illustrative

Mon, 24 Nov 2025 Source: www.camerounweb.com

es accusations portées ce lundi par Alain Ékassi devant le Tribunal militaire de Yaoundé pourraient profondément modifier l'architecture judiciaire de l'affaire Martinez Zogo. En désignant Martin Savom comme l'assassin direct du journaliste, le témoin du ministère public ouvre une brèche qui pourrait, si cette thèse venait à se confirmer, constituer un tournant décisif pour Jean-Pierre Amougou Belinga, jusqu'ici considéré comme le suspect principal et commanditaire présumé du crime.

Depuis l'ouverture du procès le 25 mars 2024, Jean-Pierre Amougou Belinga, magnat des médias et patron de L'Anecdote et de Vision 4, occupait le centre de l'accusation. Les enquêteurs le présentaient comme le commanditaire de l'assassinat de Martinez Zogo, l'animateur vedette d'Amplitude FM qui le critiquait régulièrement dans son émission "Embouteillage". Cette théorie reposait notamment sur les relations conflictuelles entre les deux hommes, amplement documentées par l'analyse de leurs téléphones.

Comme l'avait révélé Jeune Afrique en avril 2024, les échanges retranscrits par les experts en cybercriminalité confirmaient qu'ils étaient "à couteaux tirés". Martinez Zogo lui-même avait confié à plusieurs interlocuteurs : "C'est Amougou Belinga qui m'a envoyé en prison, ma chère sœur Chantal. Est-ce que c'est normal ?" Ou encore : "Quand je pense que je soutenais Amougou Belinga, et il me poignarde dans le dos."

Mais si Martin Savom devait être reconnu comme l'assassin direct, voire comme l'organisateur principal du crime, cela modifierait substantiellement la chaîne de responsabilités telle qu'elle a été établie jusqu'à présent.

L'accusation directe portée contre Savom soulève en effet une question fondamentale : agissait-il pour le compte d'Amougou Belinga, ou disposait-il de ses propres motivations pour éliminer Martinez Zogo ? Cette interrogation est cruciale car elle détermine la nature même de l'implication du magnat des médias.

Si les enquêtes devaient établir que Savom a agi de manière autonome ou sur instruction d'autres commanditaires, la responsabilité d'Amougou Belinga dans l'assassinat du journaliste s'en trouverait considérablement atténuée. L'homme d'affaires pourrait alors passer du statut de commanditaire présumé à celui de simple antagoniste du journaliste, dont le conflit public n'aurait été qu'une coïncidence malheureuse avec un crime perpétré par d'autres acteurs.

Ce qui rend cette hypothèse plausible, ce sont précisément les révélations faites par Jeune Afrique sur les connexions de Martin Savom. Le magazine panafricain avait révélé que ce magistrat municipal, qui avait travaillé à la présidence en 2012, était "réputé être un proche du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh". Cette proximité avec l'un des hommes les plus puissants du régime ouvre la possibilité d'une autre chaîne de commandement, distincte de celle impliquant Amougou Belinga.

Le fait que le même numéro de téléphone de Savom figurait dans les contacts de Martinez Zogo sous le nom "Savom maire" et dans ceux de Justin Danwe sous le nom "Martin Essouma" suggère un double jeu du maire de Bibey. Pourquoi cette double identité si ce n'est pour dissimuler la nature réelle de ses relations avec le cerveau présumé du commando ?

L'expertise de Jean-Pierre Ouloumou, telle que rapportée par Jeune Afrique, avait justement pour objectif de chercher "d'autres responsables et faits" et d'explorer la piste "d'un second commando". Si Martin Savom était effectivement l'assassin de Martinez Zogo, cela confirmerait l'existence d'une organisation plus complexe que le simple schéma "Amougou Belinga commanditaire - Justin Danwe exécutant".

D'ailleurs, l'analyse des téléphones de l'ex-patron de la Direction générale du renseignement extérieur (DGRE), Léopold Maxime Eko Eko, avait conduit les experts à conclure que "les activités relevées dans les téléphones de M. Eko Eko ne montrent pas son implication" dans l'affaire, malgré les accusations de Justin Danwe. Cette conclusion avait déjà suggéré que les déclarations du cerveau présumé du commando pouvaient être orientées pour protéger d'autres commanditaires.

L'accusation la plus explosive portée par Alain Ékassi concerne l'implication présumée de Martin Savom dans la mort de Mgr Jean Marie Benoît Balla. Si cette affirmation devait être vérifiée, elle placerait le maire de Bibey dans la catégorie des criminels en série opérant pour le compte d'intérêts qui dépassent largement le cadre du conflit médiatique entre Amougou Belinga et Martinez Zogo.

Quel lien Amougou Belinga aurait-il pu avoir avec la mort de l'archevêque émérite de Bafoussam ? Aucun motif apparent ne permet d'établir une telle connexion. Si Savom était impliqué dans les deux décès, cela suggérerait plutôt qu'il opérait pour d'autres donneurs d'ordre, dans le cadre d'une mission plus large d'élimination de personnalités gênantes.

Pour autant, la confirmation de la thèse Savom ne signifierait pas nécessairement un acquittement automatique pour Amougou Belinga. Le magnat des médias pourrait toujours être poursuivi pour d'autres chefs d'accusation, notamment s'il était établi qu'il avait connaissance du complot ou qu'il avait entretenu des relations avec les véritables commanditaires.

Cependant, sur le plan de la perception publique et de la charge pénale, passer du statut de commanditaire présumé à celui de suspect périphérique constituerait indéniablement un soulagement majeur. La défense d'Amougou Belinga pourrait alors arguer que son client a été victime d'une manipulation visant à faire porter sur lui la responsabilité d'un crime perpétré par d'autres, en exploitant le conflit public et notoire qui l'opposait à Martinez Zogo.

Les déclarations d'Alain Ékassi devront être étayées par des preuves matérielles solides pour emporter la conviction du tribunal militaire. Les juges devront notamment déterminer sur quelles bases le témoin fonde ses accusations et si d'autres éléments corroborent sa version des faits.

L'analyse complémentaire des communications et des mouvements de Martin Savom, que le juge Sikati II Kamwo n'avait pas eu le temps d'ordonner avant son dessaisissement en décembre 2023, prendra une importance capitale. Les relevés bancaires, les géolocalisations et les nouveaux témoignages permettront peut-être d'établir définitivement le rôle exact du maire de Bibey dans cette tragédie.

Pour Jean-Pierre Amougou Belinga, l'audience du 24 novembre 2025 pourrait marquer le début d'un changement de fortune judiciaire. Mais pour les proches de Martinez Zogo et pour l'opinion publique camerounaise, la priorité reste la manifestation de la vérité, quelle qu'elle soit, sur les véritables commanditaires et exécutants de l'assassinat du journaliste qui dérangeait.

L'affaire Martinez Zogo, déjà extraordinairement complexe, vient de franchir un nouveau palier dans ses ramifications. Si la thèse Savom se confirmait, elle révélerait un niveau de sophistication criminelle et de connexions au sommet de l'État qui dépasserait largement le cadre d'une simple vengeance d'homme d'affaires froissé.

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