Le département américain de la sécurité intérieure a décidé d’accorder au Cameroun le statut de protection temporaire. Concrètement, les ressortissants camerounais qui vivent sur le sol américain avant le 14 avril 2022, pourront demander et obtenir un permis de travail. Les autorités américaines expliquent leur démarche par les multiples crises en cours au Cameroun notamment la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les attaques des groupes armés de Boko Haram, et la situation de famine dans la région de l’Extrême Nord. Mandela Center International a sorti un communiqué pour donner les détails sur cette affaire et formuler des recommandations
A l’attention de la communauté nationale et internationale :
1. Que selon une annonce du Département de la Sécurité intérieure du gouvernement Biden aux USA, en date du 15 avril 2022, les Camerounais vivant aux États-Unis recevront des permis de travail et une exonération temporaire de la menace d'expulsion en raison du conflit persistant entre les forces gouvernementales et les groupes séparatistes armés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au Cameroun ;
2. Que cette décision, intervenant dans le cadre du programme de statut de protection temporaire (Temporary Protected Status (TPS)), s'applique aux Camerounais qui résidaient aux États-Unis au 14 avril et durera 18 mois ;
3. Qu’une augmentation des attaques au Cameroun par des groupes séparatistes armés des régions anglophones et le groupe armé Boko Haram dans les régions septentrionales a été citée par le Secrétaire à la Sécurité intérieure, ALEJANDRO MAYORKAS, comme raison de cette décision ;
4. Que Mandela Center International, eu égard aux éléments en sa possession, est en mesure d’affirmer que près de 40 000 Camerounais vivant sans papiers aux États-Unis, en délicatesse avec les lois fédérales, dont plus de la moitié issue des régions anglophones et un tiers qui a fui des conditions de vie difficiles au Cameroun pour se livrer à une aventure aux USA, pourraient bénéficier de l'initiative annoncée;
5. Que depuis plusieurs mois, Mandela Center International est submergé par des plaintes et des appels de détresse à l’aide des milliers de camerounais en attente d’asile aux USA ;
6. Que depuis son entrée en fonction en janvier de l'année dernière, le président américain Joe Biden a utilisé le Programme de Statut de Protection Temporaire « Temporary Protected Status (TPS) » pour accorder à certains immigrants - qui ne peuvent pas rentrer chez eux en toute sécurité en raison de circonstances extraordinaires telles qu'un conflit violent ou des catastrophes naturelles - la possibilité de rester et de travailler légalement aux Etats Unis ;
7. Que cette mesure favorable aux camerounais en situation irrégulière aux USA intervient quelques semaines après que le département américain de la Sécurité intérieure (DHS) ait déclaré jeudi 3 mars 2022 qu'il prolongeait le statut de protection temporaire (TPS) aux Ukrainiens pendant 18 mois en raison du "conflit armé en cours et des conditions extraordinaires et temporaires" dans le pays ;
8. Que cette décision intervient après que les défenseurs de l'immigration et les législateurs américains aient appelé le président Joe Biden à protéger les milliers d’Ukrainiens qui se trouvent temporairement en situation irrégulière aux États-Unis, tels que les étudiants et les visiteurs ;
9. Que des milliers de camerounais ont pris d’assaut l’esplanade de la Maison Blanche ce Vendredi (saint) pour remercier l'administration Biden, qui vient d'accorder un statut temporaire appelé TPS, à tous les Camerounais sans papiers sur le sol américain jusqu'à la date du 14 avril 2022 ;
10. Qu’il est constant que l'ancien président républicain des USA, Donald Trump, avait cherché, par tous les moyens, à mettre fin au programme de protection au cours de son mandat ;
11. Que plus de 80 demandeurs d'asile camerounais expulsés par les États-Unis entre 2019 et 2021 ont subi de graves violations des droits humains - de la torture et du viol à la disparition forcée - à leur retour chez eux, au Cameroun, selon un rapport de l’ONG internationale des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW) de mars 2022 ;
12. Que dans un rapport bien documenté de 149 pages publié le jeudi 10 mars 2022, l’organisation internationale de défense des droits de l’homme basée à New York avait également documenté des dizaines de cas de violations et de mauvais traitements présumés par des agents de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) des États-Unis contre des personnes expulsées ;
13. Que HRW avait déclaré que les États-Unis violaient le principe de nonrefoulement, pierre angulaire du droit international des réfugiés et des droits de l'homme, qui stipule que personne ne devrait être renvoyé dans un pays où il serait confronté à la torture, à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
14. Que Mandela Center International soutient que le devoir de l’Etat de respecter, promouvoir, protéger et réaliser les droits des citoyens doit primer sur celui des tribunaux régionaux ou internationaux en la matière et est essentiel principalement là où l’Etat, délibérément ou régulièrement, bafoue des droits humains ;
15. Qu'en vertu du droit international des droits de l'homme, le principe de non-refoulement constitue une protection essentielle en vertu du droit international des droits de l'homme, des réfugiés, humanitaire et coutumier et garantit que personne ne doit être renvoyé dans un pays où il serait confronté à la torture, à des actes cruels, inhumains ou peines ou traitements dégradants et autres préjudices irréparables.
16. Ce principe s'applique à tous les migrants à tout moment, quel que soit leur statut migratoire, y compris les migrants camerounais aux Etats Unis d’Amérique ;
17. Qu’en vertu du droit international des droits de l'homme, l'interdiction du refoulement est explicitement incluse dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT) et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention interaméricaine pour la prévention de la torture, la Convention américaine relative aux droits de l'homme et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
18. Que les organes internationaux des droits de l'homme, les tribunaux régionaux des droits de l'homme, ainsi que les tribunaux nationaux ont indiqué que ce principe est une garantie implicite découlant des obligations de respecter, de protéger et de réaliser les droits de l'homme ;
19. Que le droit des réfugiés ou des demandeurs d’asile est un ensemble de droit dynamique, nourri par le but et l’objet de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967, ainsi que par les évolutions dans les domaines connexes du droit international, tels que le droit international des droits de l’Homme et le droit international humanitaire ;
20. Que l’article 33 de ladite Convention relative à la DÉFENSE D’EXPULSION ET DE REFOULEMENT s’applique aux réfugiés, qu’ils aient ou non été officiellement reconnus, et aux demandeurs d’asile et s’applique à ces derniers jusqu’à ce que leur statut soit déterminé, de manière définitive, à l’issue d’une procédure équitable ;
21. Que le principe du non-refoulement tel qu’il est énoncé à l’article 33 comprend toute mesure imputable à un État qui pourrait avoir l’effet de renvoyer un demandeur d’asile ou un réfugié aux frontières de territoires où sa vie, ou sa liberté, serait menacée, ou bien où il serait exposé à des persécutions, y compris à une interception, à un refus d’admission à la frontière ou à un refoulement indirect ;
22. Que la Responsabilité de Protéger (souvent appelée « R2P ») issue du Sommet mondial de 2005, à laquelle se greffe la Responsabilité d’Assister « R2A », repose sur trois piliers égaux : la responsabilité de chaque État de protéger ses populations (pilier I); la responsabilité de la communauté internationale d’aider les États à protéger leur population (pilier II) ; et la responsabilité de la communauté internationale de protéger lorsque, manifestement, un État n’assure pas la protection de sa population (pilier III) ;
23. Que dans ce contexte, la résolution a souligné l’obligation des Etats à respecter le DIH, notamment les règlements de la Haye de 1899 et 1907, les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels I et II de 1977 ainsi que les instruments internationaux relatifs au DIH, aux DIDH et droit des réfugiés ;
24. Que la Résolution 1674 de l’Assemblée Générale des Nations Unies condamne tout acte de violence et tout abus contre les populations civiles dans les conflits armés, en particulier, la torture et autres traitements prohibés, la violence sexuelle à l’encontre des femmes et des enfants, le recrutement d’enfants soldats, le déni délibéré d’aide humanitaire et les déplacements forcés ;
25. Que l’Union africaine (UA) a adopté en juillet 2012 la Déclaration portant « Initiative de Solidarité Africaine » (ISA), visant à mobiliser le soutien continental aux pays émergeant de conflits, qui est le nouveau paradigme en matière d’assistance internationale en Afrique et qui fournit un fondement au principe émergent de « Responsabilité d’Assister » (« R2A »), ancré dans les traditions africaines ;
26. Que l’Etat américain doit impérativement se conformer à ses engagements internationaux en matière des droits de l’homme et plus particulièrement en matière des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile ;
27. Qu’il est établi, sans ambages, que la responsabilité de tous ces faits est ainsi CLAIREMENT attribuée à l’Etat américain en vertu du droit international, au terme des articles 4 et suivants d’une résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 12 décembre 2001 sur la responsabilité de l’Etat pour FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE.
Eu égard à tout ce qui précède, Mandela Center International et ses partenaires internationaux :
1. Expriment, avec fierté, leur satisfécit pour cette décision du gouvernement Biden de faire bénéficier près de 40 000 émigrés camerounais sans papiers de ce statut de protection temporaire (Temporary Protected Status (TPS)), et qui ne peuvent pas être déportés vers leur pays d'origine, en raison de la crise anglophone et des attaques de Boko Haram, pour leur donner ainsi une chance d’entamer une nouvelle vie, et ce, conformément aux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme (DIH et DIDH) ;
2. Regrettent, amèrement, que cette décision soit arrivée très tard alors que près d’une centaine de camerounais ont vu leurs droits violés par ce même gouvernement américain depuis quelques années ;
3. Avisent clairement, l’opinion que Mandela Center International et ses partenaires entendent s’investir à fond pour que ces camerounais ne soient pas déportés vers leur pays d’origine au terme de la probatoire de 18 mois, en violation des dispositions pertinentes du DIDH et du DIH ;
4. Restent résolument déterminés, à emboiter le pas à l'ancienne présidente Madame Johnson Sirleaf du Liberia avait négocié et obtenu le droit de rester sur le sol américain pour ses compatriotes peu avant l'expiration de leur protection ;
5. Recommandent vivement au Gouvernement Biden des mesures spéciales conformément à ses engagements internationaux en vue de la protection effective des droits fondamentaux qui sont ainsi violés au quotidien.