Un SG de Paul Biya : livre les dessous des 'hautes instructions'

Paul Biya Coalition Opposition Le Chef de l’État me charge de vous demander de bien vouloir

Thu, 8 Aug 2024 Source: www.camerounweb.com

Jean-Marie ATANGANA MEBARA, ancien Secrétaire général de la Présidence de la République du Cameroun raconte dans son livre Entre mythes, textes et réalités comment les ministres accueillent les hautes instructions du président de la République Paul Biya.

COMMENT LES MINISTRES ACCUEILLAIENT-ILS CES INSTRUCTIONS TRANSMISES PAR VOUS ?

Réponse : En général de manière satisfaisante lorsqu’elles allaient dans le sens de leurs propositions. Dans le cas contraire, la plupart des ministres recevaient les instructions présidentielles que je leur transmettais, sans manifester d’humeur particulière. La formule était généralement : « le Chef de l’État me charge de vous demander de bien vouloir…. »

Je me souviens cependant de quelques cas où les ministres ne se sont pas conformés aux directives présidentielles qui leur étaient ainsi données par le Secrétaire général.

COMMENT CELA ?

Réponse : Dans un cas, le ministre a répondu au Chef du Gouvernement en accusant réception des instructions présidentielles qu’il lui avait transmises. Ensuite il a énuméré les difficultés juridiques et pratiques que soulevaient l’exécution desdites instructions, notamment le fait que celles-ci remettaient en fait en cause une décision de justice. La lettre était empreinte de courtoisie et bien argumentée. Et la position du ministre sur ce dossier n’a plus fait l’objet de nouvelles instructions de la part de la Présidence.

LA PRESIDENCE RECONNAISSAIT DONC QU’ELLE S’ETAIT TROMPEE ?

Réponse : Le ministre de la justice d’alors, qui avait soumis le dossier à la Présidence avait omis des informations capitales ; et les instructions présidentielles étaient basées sur une partie des éléments du dossier. En général les dossiers de ce ministère ne transitent pas par les services du Premier Ministre.

ET QUELS ETAIENT LES AUTRES CAS ?

Réponse : Il s’agit de trois chefs de département ministériel qui ont refusé d’exécuter les instructions présidentielles que je leur avais communiquées.

CE N’ETAIT PAS DE LA REBELLION ? ET QUE FAISIEZ-VOUS ?

Réponse : D’abord j’essayai d’insister en soulignant que le Chef de l’État tenait à ce que ces directives soient mises en œuvre, et que je ne faisais que remplir les obligations de ma charge. Ensuite je disais à mon interlocuteur que j’attendrais qu’il me réponde officiellement pour rendre compte au Chef de l’État. Dans un cas, un ministre m’a répondu qu’il se conformerait aux instructions que lui donnerait son Chef hiérarchique, le Premier Ministre ; dans un autre cas, le Ministre a préféré envoyé au Chef de l’État des notes confidentielles pour dénoncer les instructions « du secrétaire général », accusant au passage ce dernier d’être de ceux qui empêchent le projet de société du Président d’être réalisé ; dans le dernier cas, le ministre a usé de dilatoire, me disant à chaque fois que le dossier était en cours d’étude dans ses services. À chaque fois, j’ai dû rendre compte, souvent à la demande du Chef de l’État lui-même.

ET QU’ADVINT-IL DE CES MINISTRES ?

Réponse : L’un a provoqué un remaniement dans les semaines qui suivaient les instructions non exécutées, les deux autres ont attendu la formation d’un nouveau gouvernement, quelques mois plus tard, pour sortir de l’équipe.

ON PEUT DEVINER QU’APRES CELA, ILS NE SONT PAS DEVENUS VOS GRANDS AMIS…

Réponse : Sans doute, ces anciens ministres m’ont tenu ou me tiennent toujours pour responsable de leur éviction du gouvernement. Ce n’est pas ce qui était le plus important. À la décharge de ces ministres, je dirais qu’ils avaient probablement des doutes sur l’origine présidentielle des directives.

Ils ont malheureusement réalisé après coup que les instructions venaient du Chef de l’État. J’étais profondément gêné que des responsables à ce niveau n’aient pas compris la nature du régime ; c’est un régime présidentiel et j’ajouterai, sous le contrôle des spécialistes, d’un régime présidentiel fort. Pour ce qui est des amitiés, ce n’est pas vraiment dans la fonction de Secrétaire général de la Présidence qu’on en tisse de nouvelles, surtout parmi les membres du gouvernement.

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